samedi 24 février 2007

La danse de l'albatros


Théâtre Montparnasse
31, rue de la Gaîté 75014 Paris
Tel : 01 43 22 77 74
Métro : Gaîté ou Edgar Quinet

Une pièce de Gérald Sibleyras
Avec Martin Lamotte, Jean-Michel Dupuis, Christine Gagnieux, Alexia Barlier
Mise en scène de Patrice Kerbrat

L'histoire : Suite à un malaise cardiaque, Thierry (Martin Lamotte), 45 ans, est parti se "reposer" dans la maison de campagne qu'il vient d'acquérir. Zoologiste, il est sur le point de sortir un ouvrage sur les espèces en voie de disparition. Sa soeur Françoise (Christine Gagnieux) et leur vieux copain Gilles (Jean-Michel Dupuis) sont venus le rejoindre. Thierry ne supporte pas que l'on évoque son problème de santé. Il ne supporte pas grand chose d'ailleurs. Survolté et atrabilaire, il explose pour un rien. D'autant que sa soeur ne cesse de critiquer son idylle avec la jolie Judith, une toute jeune femme de 22 ans, une relation qui n'est pas faite a priori pour lui apporter beaucoup de repos. Si Françoise se montre aussi vindicative avec son frère c'est qu'elle vient, elle, de décider de divorcer. On sent que Thierry et Françoise s'adorent, mais qu'ils ont pris l'habitude chronique de se chamailler pour un oui ou pour un non. Quant à Gilles, un personnage un peu falot et foncièrement pacifique qui leur sert le plus souvent de souffre-douleur, il vit une relation toute platonique avec une collègue de bureau. Or, à l'occasion d'un colloque dans les Vosges, Thierry a retrouvé Laurence, une ex, et il n'est pas resté insensible à ses charmes et à son âge plus en harmonie avec le sien. Notre albatros va-t-il se laisser mazouter ou prendre un nouvel envol ?
Mon avis : Un signe qui ne trompe pas : on est surpris quand les comédiens viennent saluer. Déjà ? Le rythme de cette pièce est tellement enlevé que l'on n'a pas vu passer le temps.
Dans un décor minimaliste mais fort ingénieux, les trois personnages principaux rivalisent de saillies, de répliques assassines, de lieux communs avec le couple pour thème principal. C'est un véritable ping-pong verbal, nourri de phrases mordantes, de déclarations péremptoires, de vacheries gratuites, de réflexions cinglantes. Ils nous sont sympathiques, ces quadras bobos, parce que l'on se retrouve forcément en eux. Ils ont les mêmes problèmes sentimentaux, les mêmes petites lâchetés comportementales, les mêmes velléités de bonheur.
L'alabatros est un rôle en or massif pour Martin Lamotte. Ronchon, coléreux, adepte de la mauvaise foi, il est monté sur ressorts, il parcourt la scène de long en large à petites enjambées nerveuses et saccadées. Dès qu'on touche à son pré carré, il a la défensive outrancière. Sa parodie de la danse de séduction du palmipède est un grand moment de drôlerie. Et puis il y a sa voix ; haut perchée, avec un débit de mitraillette. Il est comme un poisson dans l'eau ; une sacrée gageure pour quelqu'un chargé d'incarner un drôle d'oiseau...
Jean-Michel Dupuis est remarquable de jeu tout en retenue. Il ne veut froisser personne, il veut faire plaisir à tout le monde. C'est un vrai gentil, aimable et discret. Même ses indignations sont édulcorées. Son calme et sa réserve sont en totale opposition avec les fulgurances explosives de Martin Lamotte, ce qui les rend d'autant plus spectaculaires.
Christine Gagnieux est excellente dans ce personnage tour à tour sentencieux, quand elle admoneste son frère, et désemparé, quand elle doit évoquer son désir de divorce. Il n'y a qu'elle qui croit qu'elle est une rebelle. Et elle possède une fort jolie voix de théâtre qui part très agréablement dans le grave.
Quant à Alexia Barlier, elle fait à la perfection ce pour quoi elle est là : elle est très jolie, très juvénile. Ce qui ne l'empêche pas de nous sortir une touchante scène d'émotion. Elle est très prometteuse.

vendredi 23 février 2007

Les Glandeurs Nature


Le Petit Gymnase
38, boulevard Bonne Nouvelle 75010 Paris
Tel : 01 42 46 94 82
Métro : Bonne Nouvelle

Avec Mohamed Bounouara, Rodolphe Le Corre, Franck Migeon.
Mise en scène de Smaïn

Le concept : Un banc... Un banc que l'on imagine au pied d'une barre d'immeubles dans une cité. Ce banc est le lieu de rendez-vous quotidien de trois glandeurs, Bichoko (Mohamed Bounouara), Néné (Franck Migeon) et Save (Rodolphe Le Corre). C'est là qu'ils se racontent leurs vies, qu'ils se confient leurs différentes expériences, y compris sentimentales, qu'ils partagent leurs problèmes exitentiels, qu'ils rivalisent en faisant étalage de leur culture...
Mon avis : Le nom de leur trio est la plus explicite des cartes de visite. "Glandeurs", ils le sont ô combien, et "nature" itou. Je pense qu'on n'a pas fini d'entendre parler de ces trois zigotos. Si les petits cochons du showbiz ne les mangent pas (on sait que les cochons apprécient les glands), ils sont promis à un superbe avenir. Depuis les Inconnus, il y a belle lurette qu'un trio ne m'avait fait autant rire.
Les personnages qu'ils se sont créés sont tellement "nature" qu'on a l'impression de les avoir déjà rencontrés dans notre quartier. L'ambiance générale est à la vanne. on se se fait pas de cadeaux. Mais comme ils ne comprennent pas tout, ou alors de travers, ça frôle l'incident diplomatique, puis ça glisse. Leur seule arme, c'est la tchatche. Là, tous les coups sont permis. Face à ses deux compères, Save, fait figure d'érudit. Il faut dire que Néné et Bichoko sont deux authentiques crétins, bas de plafond et au regard dans lequel une veilleuse vacille sous l'effet de l'incompréhension.
L'idée du banc pour seul décor est une trouvaille. Ainsi, notre attention ne se perd pas ; elle est toute entière focalisée sur les trois énergumènes, sur leur gestuelle, et sur leurs échanges abracadabrantesques. Chacun possède la maîtrise totale de son personnage. Les dialogues sont au cordeau. Tout y passe : comique de répétition, slogans à la mode, jeux de mots qui tombent là où il faut, lieux communs, situations absurdes, histoires qu'on dirait belges... Parfois, ça paraît facile et convenu, or ils ont l'art de nous faire passer la pilule avec un brio aussi déconcertant que jubilatoire. Même leurs silences, propices à des festivals de mime, sont de l'action ! Ils sont vraiment énervants de bêtise, ces débiles légers, ces trois relous. Mais tellement sympathiques parce que totalement inoffensifs et dénués de toute agressivité.
Le trio ne serait pas aussi efficace si chacun de ses membres ne possédait un profil écrit au scalpel. C'est le chat (Save), l'ablette (Néné) et le petit lapin (Bichoko). Save, avec ses muscles, son tatouage et ses allures de leader (c'est lui qui détient leur unique portable), est une bonne pâte qui brasse beaucoup d'air. Néné, dans son polo rouge estampillé "Sécurité", avec ses grosses lunettes et son strabisme interrogatif, est parfait en abruti débordant d'énergie. Et Bichoko, avec sa veste de survêtement, son bonnet, ses yeux qui roulent, son sourire niais et ses sentences imparables, est une sorte de Pierrot lunaire attendrissant.
Sincèrement, dépêchez-vous d'aller les découvrir.
Le seul petit problème, revers de la médaille que leur authenticité provoque, c'est qu'ils sont tellement crédibles que, dans le public, certains, y trouvant un réel cousinage ou les considérant comme des copains de la téci, n'hésitent pas à les apostropher. C'est là la moindre rançon du talent.
Un triple ban(c) pour les Glandeurs Nature !!!

jeudi 22 février 2007

Le gardien


Théâtre de Paris
15, rue Blanche 75009 Paris
Tel : 01 48 74 25 37
Métro : Trinité d'Estienne d'Orves

Une pièce de Harold Pinter
Avec Robert Hirsch, Samuel Labarthe, Cyrille Thouvenin

L'histoire : Après avoir porté secours à un vieil SDF (Robert Hirsch) qui venait de se faire virer manu militari du bistrot où il effectuait quelques tâches ménagères, un homme (Samuel Labarthe) le ramène chez lui, une sorte de loft-taudis, le temps qu'il se remette de ses émotions. Touché par le vieil homme, volubile et, au premier abord, désemparé, il lui propose charitablement de l'héberger. Comme s'il n'attendait que cela, notre clochard magnifique saute sur l'occasion. Evidemment, son vrai visage se fait bientôt jour. Il apparaît comme un être veule, curieux, profiteur, raciste. Son hôte, dont on découvre peu à peu derrière sa grande douceur qu'il a des problèmes psychiatriques, n'a de cesse que de lui faire plaisir... Une nuit, un jeune homme (Cyrille Touvenin) arrivé d'on ne sait où, agresse violemment le vieillard. Il lui déclare être le propriétaire des lieux et le frère de l'homme qui l'a accueilli chez eux. Dans un tel climat, comment ces trois marginaux vont-ils réussir à cohabiter ?
Mon avis : Déjà le décor ; qui est particulièrement réussi... bric-à-brac limite repoussant, il donne immédiatement le ton de la pièce : on est dans un univers glauque. On sait que les gens qui vivent là sont dans une extrême précarité. Les occupants des lieux s'en montrent pourtant fort satisfaits. Cette tanière, c'est tout ce qu'ils possèdent et ils en sont tellement fiers qu'ils nourrissent le désir d'engager un... gardien pour veiller sur leurs valeurs.
Ensuite, les personnages... Robert Hirsch, omniprésent sur la scène, est éblouissant de virtuosité et d'inventivité dans ce rôle complexe. Le Jenkins qu'il incarne est une sorte de clochard marginalisé depuis si longtemps qu'il s'est reconstruit un véritable amour propre et un vernis de dignité. Il possède tous les rudiments et tous les réflexes de survie en milieu hostile. Hâbleur, pipelette, mesquin, abominablement xénophobe, c'est un vieil emmerdeur insupportable. Et en même temps, le comédien réalise ce tour de force de nous le rendre parfois attachant. Robert Hirsch est est sans cesse en mouvement ; grimaces, gestes saccadés, il est obsédé par le petit confort que peut lui apporter le taudis des deux frères. Pour celà, il est prêt à toutes les turpitudes, toutes les bassesses. Il est absolument prodigieux ! Du grand art. Une prestation qui qui mérite ô combien un Molière.
Samuel Labarthe joue tout en nuances un être fragile, malade dans sa tête, nanti de quelques tocs. Il ne supporte pas la violence. les disputes lui donnent la migraine. C'est un vrai gentil.
Cyrille Thouvenin, lui, est un fauve. Il est excessif en tout ; autant dans dans ses nombreux accès de violence gratuite (quelle première scène !) que dans ses plages de diplomatie calculatrice. Il est complètement cyclothymique. Et puis, qu'est-ce qu'il se la pète dans son rôle de propriétaire.
Les relations entre ces trois paumés, ces trois écorchés de la vie, sont évidemment très terre-à-terre. Leurs conversations sont banales de platitude. c'est un monde où le poindre marchandage prend des proportions considérables. Le pire, c'est que l'on sent qu'ils ont besoin des uns et des autres pour exister, autant pour se rassurer que pour avoir quelqu'un sur qui déverser ses angoisses. En fait, les deux frères s'inventent des vies, des projets, des métiers. Seul Jenkins est à fond dans le concret, dans la préservation animale de son existence.
En conclusion, Le gardien est une pièce sombre, éprouvante. Il ne faut pas être trop fatigué par sa journée de travail car il y a quelques longueurs durant lesquelles l'action tourne un peu en rond. On pense qu'elle étaient nécessaires à l'auteur, Harold Pinter, pour dessiner encore plus précisément les profils comportementaux et les ressorts psychologiques de ses personnages. Mais on oublie vite ces quelques désagréments pour ne conserver en mémoire que la performance exceptionnelle de Robert Hirsch. Rien que pour lui, ça vaut la peine de se rendre au théâtre de Paris car on y assiste à un sommet de comédie pure.

mardi 20 février 2007

Loin de Kharkov


Roman de Roger Hanin
Editions Grasset (17,90 €)

L'histoire : Anna-Victorina a 2 ans. Elle est dans un orphelinat à Kharkov. Elle y attend qu'un couple veuille bien l'adopter. En attendant, elle est sous la protection de Katharina, 18 ans, orpheline elle aussi qui a grandi dans l'établissement. Après de multiples tractations, Mathilde et Régis Tardieu, Français résidant à Béziers, en obtiennent la garde. Mathilde, née Lévy, est une ancienne prostituée ; Régis, de 15 ans son cadet, est professeur de biologie moléculaire, Enfin, la petite fille, toujours chaperonnée par Katharina, débarque dans l'Hérault. Elle y découvre un foyer, foyer dans lequel vivent également Mamy Valentine, la maman de Régis, et son compagnon Abraham Blumenfeld. Comment la petite fille va-t-elle trouver sa place dans sa nouvelle famille. D'autant qu'après une jolie période idyllique, les soucis vont commencer à se faire jour. C'est d'abord Katherina qui n'a pas très envie de rettrouver le pavillon 117 de l'orphelinat de Kharkov...
Mon avis : Il faut d'abord saluer le talent d'écriture de Roger Hanin. Il possède un style vif, fait de phrases courtes, un langage imagé. Cet amoureux des mots s'autorise parfois quelques audaces littéraires qui, loin d'être superfétatoires, enjolivent le texte et précisent les situations. Evidemment, il ne serait pas Roger hanin s'il ne se laissait pas non plus aller à quelques exagérations toutes méditérranéennes !
Roger nous prouve une fois de plus qu'il connaît bien les replis les plus sombres de l'âme humaine. Dans chacun de ses ouvrages apparaît en filigrane son amour des femmes, de la femme. Elle sont souvent bien plus fortes que les hommes. Il instille également habilement des éléments ou des personnages inspirés par sa propre vie. Fort de son métier de comédien, il a le sens de la formule et du dialogue ; et il sait décrire les situations à la manière d'un auteur de théâtre.
Ce livre est dur, éprouvant. Même s'il ne fait en réalité que parler d'amour. Il se lit d'une traite car on se demnde sans cesse comment les personnages vont évoluer et comment ils vont gérer les difficultés qui de dressent sur le parcours de la petite Anna-Victorina dans sa nouvelle vie. Un seul reproche toutefois, Roger Hanin place dans la bouche de la gamine des réflexions et des analyses beaucoup trop mûres et profondes pour son âge. En même temps, je suis convaincu que c'est tout à fait volontaire de sa part...

jeudi 15 février 2007

Zazie


Totem

Ma première rencontre avec Zazie date très précisément du 18 décembre 1992. J'avais été tellement emballé par son premier album, Je, tu, ils que je n'avais eu de cesse que de la rencontrer. Sa personne, son parcours, sa façon d'être et de voir les choses m'avaient immédiatement séduit. Et, depuis, j'avais régulièrement apprécié chaque nouvel album, autant que je m'étais régalé à assister à chacun de ses spectacles. j'en aimais leur convivialité, l'humour fin qui s'en dégageait, la complicité et le goût du partage du partage qu'elle y faisait passer. Sa fragilité aussi, bien qu'elle s'efforçât élégamment de la dissimuler sous la fantaisie... Bref, cela fait quinze ans que je tiens Zazie pour la plus belle plue féminine de la chanson française.
Et puis je suis allé assister à son concert du Rodéo Tour à Bercy. Et là, je n'ai pas reconnu "ma" Zazie. Qui était cette jeune femme qui courait dans tous les sens dans un déluge de décibels tel qu'on ne comprenait plus ces textes pour lesquels on était venu ?... Bref, ce Rodéo m'avait totalement... désarçonné !
Ma déception avait été très grande. J'étais désemparé. Alors, vous imaginez quel peut être mon bonheur à l'écoute de Totem, le sixième album de Zazie. Je LA retrouve complètement. Finalement, avec le recul, je pense qu'elle avait été atteinte d'un syndrome qui affecte souvent la créativité chez les auteurs : celui du bonheur. A l'époque de Rodéo, elle nageait en pleine félicité ; alors que ce nouvel album est fortement influencé par la rupture affective. Après le coup au coeur, il lui a fallu accepter la solitude, panser ses blessures, et se tourner résolument vers l'avenir, vers une nouvelle vie qui apparaît somme toute pleine d'attraits. Rien n'étant innocent chez Zazie - elle a coutume de glisser nombre de messages personnels, voire subliminaux dans ses textes - l'emploi du terme "Totem" comme titre de son nouvel album n'est bien sûr pas anodin. L'utilité d'un totem n'est-elle pas avant tout d'être protectrice ?
Alors, plutôt que de se livrer à une banale analyse de ce fameux Totem, j'ai pensé qu'il serait peut-être plus judicieux, de se référer à certains des titres que j'estime "phares" de ce nouvel opus. Mon hit-parade personnel met quatre chansons en exergue :
1/ Je suis un homme. Là, le titre "Totem" prend toute sa dimension car cette chanson est dominée par une rythmique lancinante de tambourins qu'on imagine indiens. C'est la chanson incantatoire-type. Son but n'est pas de faire tomber la pluie, mais plutôt de faire tomber les hypocrisies à propos de la conduite arrogante, ingrate et destructrice de l'homme par rapport à Dame Nature. En quatre minutes, Zazie fait la synthèse de l'histoire de l'humanité. L'homme a construit son existence sur l'illusion et le paraître. Très autocritique, elle se flagelle avec humilité et stigmatise les dégâts qu'elle et ses congénères ont causés depuis la nuit des temps. Tout est dit dans cette affirmation péremptoire : "L'homme est une erreur de la nature".
2/ L'ange blessé. Cette jolie mélopée, interprétée sur un ton assez plaintif, exprime toute la fragilité de la jeune femme. L'écriture en est suffisamment ambiguë pour se demnder si elle ne serait pas elle-même cet "ange blessé", tout autant que cet homme pour le salut duquel elle implore les cieux. Se regarde-t-elle dans une glace, témoin presque étranger de sa blessure encore saignante ? Toute mécréante qu'elle soit, elle s'en remet aux dieux. Faut-il qu'elle n'aille vraiment pas bien pour mêler ainsi métaphysique et réligion ! Cette chanson, au climat envoûtant, est une sorte de bouteille à la mer - de bouteille à l'amour, plutôt - dont elle sait pertinemment qu'il y a peu de chances qu'elle trouve son destinataire.
3/ Na. Quelle subtile façon de régler ses comptes après la rupture. L'utilisation légère de la comptine pour évacuer sa souffrance de manière apparemment détachée et sur un ton primesautier est imparable. Cet esprit badin et enjoué apporte finalement un effet loupe sur ses petits malheurs de femme. Du coup, le propos en devient hyper réaliste. Elle joue à "même pas mal" alors que, de toute évidence, elle déguste. Parfaitement lucide ("mais qui voudrait d'une fille en colère ?"), elle lorgne sur la reconstruction tout en s'interrogeant sur ses retouvailles inquiètes avec le célibat. Balèze comme introspection !
4/ ça. Jouant avec une voix un peu écorchée, Zazie tente,de manière obsédante, de se rattacher à ce que l'amour apporte de meilleur et d'essentiel en se focalisant sur "les yeux, la voix, les mains, les mots d'amour, la peau, l'odeur..." Fataliste, elle pense que le temps va cicatriser les blessures occasionnées par "les défaites". Cette chanson est comme l'évocation d'un plat dont on sait qu'il avait été un régal et dont on a gardé le souvenir d'une incomparable saveur.

Voici donc les quatre titres de Totem qui m'ont le plus "causé". Mais je crains que ce ne soit qu'affreusement subjectif. En effet, j'ai profondément apprécié chacun d'eux. Des rails, la première chanson très rock'n'roll de l'album, dans laquelle elle utilise la métaphore du chemin de fer pour parler de ses peines de coeur et de la proppension qu'ont les hommes à "dérailler"... Après le train l'avion. Jet lag est une parabole sur les difficultés à se trouver en phase sur les mêmes fuseaux horaires. Le refuge, c'est de s'envoler, de rêver et, surtout, de croire en la vie jusqu'au bout... Duo, chanson interprétée avec le formidable Paolo Nutini (quel organe !), est une sanction : "c'est plus simple de vivre que d'aimer". Quand on a accepté ce postulat, il n'y a plus qu'à se laisser vivre cahin-caha... Flower Power, aux sonorités Sixties et au très joli refrain, est une chanson fort mélodieuse. Elle est la suite logique de Na. Après la pluie vient le beau temps ; "on se relèvera"... Dans Totem, elle se métamorphose en Zazie Claudel. Combien faut-il de souffrance à une sculptrice pour réussir à façonner "cet homme" qui va l'aimer ? Et, surtout, sera-t-elle de taille ?... 07 décembre, toute dans le souffle et la douceur, traite elle aussi de la quête effrenée du bonheur en dépit de ces hommes qui passent leur temps à se défiler. C'est en fait une longue plainte, très aérienne, dans laquelle, grâce au refuge onirique de la nuit, la chanteuse s'invente un monde idéal. Certains appellent ça la solution nocturne. L'interprétation de cette chanson est tellement habitée qu'elle se transforme en une vraie prouesse... J'étais là est, pour moi, la chanson la plus dérangeante, celle en tout cas qui nous met, tous, en face de nos responsabilités. Elle traite en bloc de la notion de culpabilité face à l'enfance martyre, aux attentats, aux inégalités, au sida, aux sans papiers. Zazie part de l'infiniment petit (un enfant battu) à l'infiniment grand (les génocides). Gros malaise car en se morigénant ainsi, en prenant à son compte toutes les souffrances du monde, elle nous renvoie à nos lâchetés. Tout est dit dans cette terrible conclusion, dans ce brutal "Je n'ai rien fait" ?... Yin Yang repose sur le paraître, les on-dit et que ces impressions que l'on dégage et que l'on assume. Zazie a envie de donner et d'être prise, de s'abandonner et d'être comprise. Mais en réalité, on sent en filigrane un tendre appel au secours... Enfin, dans Vue du ciel, elle décide d'oser se dévoiler : "Je suis un garçon manqué". Cette chanson est cousine avec Jet lag pour son interprétation aérienne et toute en douceur, et avec 07 décembre pour le sens et le climat.

Vous l'aurez compris, il y a beaucoup à dire sur cet album tant il est riche. En tout cas, je suis rassuré : Zazie a repris sa place tout en haut de la hiérarchie de nos artistes et, je l'avoue égoïstement, dans ma tête et dans mon, coeur.

Merci Jean-Claude


Théâtre Galabru
4, rue de l'Armée d'Orient (face au 53, rue Lepic) 75018 Paris
Métro : Blanche ou Abbesses
Tel : 01 42 23 15 85

Pièce de Bruno Chapelle et Camille Saféris
Avec : Bruno Chapelle, Pascale Michaud, Didier Rousset, Camille Saféris, Marie-Aline Thomassin.

L'histoire : Thierry Flach est un animateur-producteur vedette sur France 2, confortablement installé dans son statut d'intouchable. Mais le décès du président de la chaîne publique entraîne la nomination d'un nouveau patron. Le drame pour Thierry est que ce successeur n'est autre que Aymar de Chassagne, un chef d'entreprise pour qui l'audiovisuel est totalement étranger, s'avère être son voisin du sixième. Or, les deux hommes se détestent suite à une altercation survenue lors de la dernière réunion des copropriétaires au cours de laquelle Thierry a copieusement injurié son futur boss. Evidemment, la première décision que prend de Chassagne, c'est de virer Thierry... Mais c'est là que la confusion commence. Thierry, hyperactif, survolté, caractériel et égocentrique, écoute à peine le projet d'émission que vient de lui proposer une accorte jeune femme. Comme il l'écoute à peine, il croit comprendre qu'elle n'est autre que la fille de son ennemi Aymar. Or, elle n'est que la baby-sitter de son petit dernier. Evidemment, Thierry se sert du projet d'émission de la supposée rejetonne pour faire levier sur son patron et se faire ainsi réintégrer. Seulement, il existe réellement une demoiselle de Chassagne, une jeune femme au physique ingrat, en froid avec son père depuis deux ans... Au moment où commencent ces péripéties, Thierry voit arriver chez lui Jean-Claude, un peintre qui doit rénover son intérieur. Ce dernier, fan inconditionnel du présentateur, va tout faire pour l'aider à sortir de cet imbroglio...
Mon avis : Cette pièce n'est pas si anodine qu'elle en a l'air. Elle égratigne avec une férocité jubilatoire le microcosme de l'audiovisuel, un monde que Camille Saféris connaît bien. C'est une véritable pièce de boulevard avec tous ses ingrédients : quiproquos, portes qui s'ouvrent et se ferment à un rythme effréné, mensonges, hypocrisie, bassesses... Tout y est. Au milieu de ce maelström de coups en vache, notre pauvre Jean-Claude - seul élément à peu près "normal" - se débat comme un beau diable pour arranger les choses. Bref, cette gentille comédie, complètement débridée, mâtinée de sexe, drogue et rock'n'roll, et surtout jouée sur un rythme fou, nous fait passer un excellent moment de détente. En plus, le casting est impeccable, chaque personnage est parfait. Merci, m'sieurs-dames !

lundi 12 février 2007

Maurane


Si aujourd'hui

Je l'avoue : à la première écoute de ce nouvel album de Maurane, je ne suis pas rentré dedans. Hormis le magistral Si aujourd'hui, la douzaine de chansons qui lui succédaient m'ont paru plutôt fadasses. Il est vrai que ce premier titre signé Pierre-Yves Lebert/Daran met la barre très haut. Il est de la famille du somptueux Sur un prélude de Bach. Maurane, qui possède tout de même une des plus belles voix de la chanson francophone, y est à son meilleur. Et ce n'est pas peu dire. Elle nous livre là une interprétation toute en douceur, en nuances. Sa voix, très en avant, se détache magnifiquement sur un élégant et discret tapis de cordes. Une pure merveille. Bon Dieu que c'est beau !
Evidemment, après un tel vertige, il a bien fallu redescendre des cimes. Et j'ai eu peur que Maurane, une fois de plus, n'ait pas trouvé les chansons que son talent mérite. C'est donc la deuxième écoute qui m'a permis de découvrir que cet album, très homogène, contenait un joli bouquet. Il aurait pu (aurait dû ?) s'intituler Sereine, comme le troisième titre, tant Maurane y apparaît comme apaisée, positive. Si le climat général reste mélancolique, c'est une mélancolie souriante qui prédomine. Même les ruptures et les séparations sont zen (Dernier voyage, Prendre hier à deux mains). Pour aller de Bonheur en Extase, elle s'est envolée jusqu'aux Antipodes, jusqu'à ce qu'elle retrouve tout ce qu'elle aimait.
Il faut également souligner le joli mariage de voix entre elle et Daran dans cette tendre chanson d'adieux qu'est Dernier voyage. Et puis, parmi ces douceurs sucrées, se sont habilement glissées deux fantaisies signées du sémillant Philippe "Coeur de loup" Lafontaine, le jazzy cool Mousse mousse bébé, et le swingant D'extase, comme deux fenêtres ouvertes sur la légèreté. Ces deux chansons préparent judicieusement le terrain pour le titre bonus qui nous est offert en toute fin d'album, Remora, poisson-pilote, une java guillerette dans laquelle Maurane donne libre cours à son sens de l'humour et de la gaudriole.
En résumé, Bien que Si aujourd'hui leur fasse un peu d'ombre (on n'écrit pas tous les jours des chansons de cette qualité), je place en deuxième position le très efficace Je me suis envolée, et en troisième le printanier Tout ce que j'aimais. Ensuite, j'ai bien aimé Les antipodes, qui comporte un bien joli refrain, le brillant exercice de style réalisé dans la délicate interpétation de Sereine, la fragilité envoûtante de Dernier voyage et la fringante tonicité de D'extase.

Denis Maréchal passe la seconde


Théâtre du Temple
18, rue du Faubourg du Temple
75011 Paris
Métro : République
Tel : 08 92 35 00 15

Avec ce deuxième spectacle intégralement inédit, Denis Maréchal a trouvé sa vitesse de croisière.
Sincèrement, il est très difficile de mettre en exergue un élément plus qu'un autre. Ce one-man show, mis en scène par Bruno Solo, est en effet un tout. D'abord, il est remarquablement écrit. Ensuite, Denis lui-même dégage un énorme capital sympathie. L'oeil espiègle, le sourire ravageur, le visage expressif, il peut se permettre de faire passer la pire vanne en mettant dans sa poche choquer un auditoire qu'il prend fréquemment à témoin et avec lequel il joue énormément.
En quittant la salle du théâtre du Temple, il me semblait que je n'avais jamais arrêté de rire tant les gags, les situations, les "blagounettes" et les jeux de mots s'enchaînent avec finesse, rythme et virtuosité. Encore une fois, j'insiste sur ce point : qu'est-ce que c'est bien écrit !
On y retrouve avec bonheur deux des personnages qui nous avaient emballés dans le premier spectacle, Ruth, sa tortionnaire de concubine, et Geoffroy, le rasta baba-cool pour qui la vie ne se vit qu'horizontalement. C'est toujours bien d'avoir des repères. Le cas de Ruth s'est aggravé. Elle s'est mise au culturisme avec sa copine Petra et elle a encore gravi un échelon dans sa pratique bestiale du sadomasochisme. Quant à Geoffroy, encéphalogramme plat, il n'y a aucune évolution à constater. C'est une sorte de Doc Gynéclone atteint de la douce folie des glandeurs.
Mon sketch préféré - si tant est qu'il faut en choisir un - c'est le troisième, celui dans lequel Denis se livre à la lecture d'une nouvelle de son cru. C'est là que son talent d'auteur atteint son sommet avec une écriture toute en alitérations et une diction qui cousine avec le slam.
Mais je ne veux pas vous raconter tous les sketches. Ils sont vraiment tous excellents et tellement différents les uns des autres. Pour parodier Brassens, il n'y a absolument rien à jeter. Je ne peux que vous inciter à vous rendre à ce spectacle vraiment remarquable. Denis Maréchal est impérial !

A noter : Le DVd de son premier spectacle, "J' dis franchement", est sorti début janvier chez Universal Vidéo.

mardi 6 février 2007

Eva


Théâtre des Mathurins
36, rue des Mathurins 75008 Paris
Métro : Auber ou Havre-Caumartin
Tel : 01 42 65 90 00

Eva (Brigitte Catillon), écrivain de renom, vient de s'éteindre... Sa personnalité était tellement forte que son entourage en est désemparé. Elle était l'âme de ce microcosme, le pivot autour duquel la vie s'agençait. Pierre (Niels Arestrup), son mari et éditeur, semble réellement accablé par cette disparition. C'est grâce à Eva et à son oeuvre qu'il a acquis une certaine notoriété. Elle l'avait même pratiquement sorti du ruisseau. Leur fille (Coralie Audret), elle tellement affectée que sa petite famille passe soudain au second plan et l'on sent que ses vieux démons -drogue et alcool - ne sont pas loin de revenir la hanter. Il y a aussi un des élèves d'Eva (Benjamin Bellecour), qui n'a trouvé de refuge que dans un état proche du coma éthylique... Et puis apparaît comme par magie Camille (Linda Hardy), écrivain en herbe, protégée d'Eva et... maîtresse de Pierre, qui est convaincue de son talent et qui compte énormément sur la puissance éditoriale de son amant. Comment ce petit monde va-t-il cohabiter et trouver sa place dans le vide béant laissé par l'absence d'Eva ?
De son père Guy, Nicolas Bedos a apparemment surtout hérité de son côté amer et cynique. Cela transpirait déjà dans sa première pièce, Sortie de scène. Il n'est guère complaisant avec l'âme humaine. Ses dialogues sont vifs, habiles, incisifs.
Niels Arestrup, comme à son habitude, est impressionnant. Aussi excessif dans ses démonstrations de tendresse que dans ses emportements, il n'est pas forcèment sympathique. Mais son sincère attachement pour la défunte lui permet d'échapper à une totale noirceur... Paradoxalement, ce sont les apparitions de Brigitte Catillon (utilisation très judicieuse des flashback), qui apportent à la pièce ses bouffées d'oxygène. Il y a en elle quelque chose d'espiègle, de mutin et de malin qui nous font comprendre qu'elle n'est dupe de rien et qu'elle connaît par coeur les turpitudes de sa garde rapprochée. Elle ne les en aime peut-être que plus... Coralie Audret joue à la perfection la fragilité, le désarroi... Et la très bonne surprise, c'est la révélation de Linda Hardy dans un rôle pas évident tant elle doit en permanence jouer dans la nuance. Est-elle autant calculatrice que manipulée ? En tout cas, elle est tout à fait crédible et elle peut nourrir des espoirs légitimes quant à la suite de sa carrière de comédienne.
Avec cette brochette d'écorchés vifs, l'atmosphère de cette pièce est assez pesante. On n'en sort pas vraiment guilleret, mais on a vu du bon et du solide spectacle. Sachant que c'est toujours la deuxième oeuvre la plus délicate à réaliser, Nicolas Bedos confirme qu'il est désormais un auteur avec lequel il va falloir compter.

jeudi 1 février 2007

La Retraite de Russie


Petit Montparnasse
31, rue de la Gaîté 75014 Paris
Métro : Gaîté ou Edgar Quinet
Tel : 01 43 22 77 74

Edouard (Pierre Santini) est enseignant. Alice (Catherine Rich), férue de poésie, prépare une anthologie sur les amours malheureuses. Dès son apparition, on découvre une Alice survoltée, tourmentée, bavarde à en être soûlante. C'est un véritable ouragan qui vient troubler le paisible exposé qu'Edouard dressait à leur trentenaire de fils, Jimmy (Julien Rochefort) d'un livre sur la Retraite de Russie. On comprend aisément que, devant une épouse aussi exaltée, Edouard ait trouvé refuge dans la lecture. Quant au fils, écartelé entre une mère excessive et un père limite taiseux, il n'a pas encore trouvé sa personnalité. Il essaie respectueusement de plaire à ses deux parents et, du coup, il est sans cesse pris en otage au détriment de son propre épanouissement... Lors d'une de ses visites, son père lui apprend qu'il s'est épris d'une autre femme et qu'il est sur le point, après plus de trente ans de vie commune, de quitter le domicile conjugal. Le hic est de l'annoncer à Alice qui ne cesse de le harceler et de clamer son amour pour lui...
Cette pièce à trois personnages repose sur le jeu tout en opposition des comédiens. Catherine Rich est époustouflante dans des scènes dans lesquelles elle est carrément hystérique. Véritablement hallucinée, elle en fait parfois peur. Sa souffrance ne peut pas être tiède. C'est une romantique exacerbée qui vit dans l'illusion d'un couple idéalisé. Elle est fracassée par l'annonce du départ d'Edouard... Pierre Santini campe un personnage tout en retenue. Ses gestes sont lents, ses propos toujours mesurés. Il s'était mis en hibernation et il renaît à la vie. Quant à Julien Rochefort, il est touchant de justesse en garçon mal dans sa peau, mal dans sa vie, mal assuré... Servis par de tels comédiens, les dialogues, percutants à souhait, apportent à cette pièce a priori pas facile un grand moment de jubilation. A voir...

Chocolat Piment


Théâtre La Bruyère
5, rue La Bruyère 75009 Paris
Métro : Saint-Georges
Tel : 01 48 74 76 99

Comme chaque année, c'est le même rituel : Stéphanie, l'aînée, et sa cadette Caroline, accompagnée de son mari, Franck, viennent fêter l'anniversaire de Paul, leur père, veuf depuis longtemps, dans la maison de leur enfance. Or, si Stéphanie joue sincèrement le jeu, on sent bien que c'est plus une contrainte polie pour les autres protagonistes. Le papa, qui n'apprécie guère les gâteaux, reçoit avec une certaine indifférence la pâtisserie que lui a concoctée Caroline ; d'autant qu'elle a tenté un audacieux mélange chocolat... piment !
Très vite, les masques de composition commencent à se fissurer. Les deux soeurs, que tout oppose, se chamaillent au moindre accroc. Stéphanie traîne son célibat et ses échecs sentimentaux comme autant de boulets. Caroline, qui lui jette à la face la réussite apparente de son ménage, s'avère en réalité d'une fragilité et d'une susceptibilité qui témoignent de son mal-être. Il faut dire que son mari, obsédé par sa carrière, est un véritable mufle, égoïste et d'une goujaterie à toute épreuve. Des travers que Paul ne supporte pas, et qu'en authentique misanthrope, il ne se gêne pas de critiquer. Cerise sur ce gâteau d'anniversaire déjà lourd avant que d'être digéré, Stéphanie vient de découvrir que son cher papa avait eu une liaison à l'époque de leur naissance. Prétextant la mise en vente de la maison, elle a invité l'ex-maîtresse à venir la visiter...
Evidemment, les trois-quarts de cette pièce sont plus placés sous le signe du piment que du chocolat. Certaines vérités se font jour. Les non-dits commencent à soulever le couvercle des conventions.
"Chocolat Piment" est une excellente comédie de moeurs. Comme elle repose sur les relations filiales, chacun de nous peut se retrouver dans les personnages du père et de ses deux filles. Mieux vaut en effet ne pas se projeter dans le personnage absolument infect du gendre. Il faut bien admettre que c'est un fieffé con, le genre de type arriviste et sans gêne qu'il nous arrive hélas de croiser parfois... A ce propos, il faut saluer la performance d'acteur de celui qui le campe avec une absolue perfection, Eric Savin. Quant aux autres comédiens, ils sont en tout point justes, chacun dans la psychologie remarquablement bien dessinée de son personnage. Jacques Marchand, campe le père tout en finesse, avec certaines mimiques aussi éloquentes que des répliques. Un tantinet lâche, il n'aime rien tant que sa tranquillité et déteste toute cette agitation qui entoure un anniversaire qu'il n'aime pas fêter.
En compagnie de ce quintette, on passe un excellent moment au théâtre La Bruyère. On rit beaucoup, on est parfois ému, on s'indigne devant le comportement du gendre, on compatit devant les efforts d'apaisement de la fille aînée, et on plaint la vie complètement bancale de la cadette... Une pièce à voir qui, en recentrant bien les problèmes relationnels, donne en outre l'envie de porter un peu plus d'amour et d'attention à ses parents ou à ses enfants.

Agnès Soral aimerait bien vous y voir...


Comédie de Paris
42, rue Pierre Fontaine 75009 Paris
Métro : Blanche
Tel : 01 42 81 00 11

Pour la première fois, la comédienne Agnès Soral se lance dans le one-woman show. Et, pour un coup d'essai on peut dire que c'est un véritable coup de maître. de maîtresse, pourrait-on même dire ; ce qui plus significatif car la jeune femme nous narre en long, en large et avec beaucoup de travers ses fort nombreuses idylles. Idylles qui, pour les plus durables, dépassent hélas jamais le seuil fatidique des 21 mois !
Un physique affûté, d'une élégante simplicité, au summum de sa féminité et de son pouvoir de séduction, elle se révèle absolument irrésistible. Prenant souvent le public à témoin, elle raconte sa vie sentimentale, ses enthousiasmes, ses déboires avec un langage imagé, souvent cru, mais jamais vulgaire et toujours teinté d'une grande finesse d'observation. Bien sûr, sa quête effrénée de l'homme idéal n'est qu'un prétexte à disséquer les relations homme-femme. On y perçoit de temps à autre des accents qui nous laissent à penser que certaines situations sont marquées du sceau du vécu. Et, derrière l'apparente désinvolture pointe parfois une once de mélancolie.
Il faut saluer la performance d'Agnès. Quelle présence ! Pendant 90 minutes, que l'on ne voit pas passer, elle occupe l'espace avec une maestria impressionnante. Quel que soit son sexe, on rit beaucoup, souvent, et de bon coeur. C'est là un des meilleurs spectacles actuels, la bonne surprise de la rentrée de janvier 2007.