mardi 25 septembre 2007

Anne a 20 ans


Théâtre des Bouffes Parisiens
4, rue Monsigny
75002 Paris
Tel : 01 42 96 92 40
Métro : Quatre-Septembre

Ma note : 8/10

Mon avis : Anne a 20 ans... 20 ans de carrière ! Et, comme le 20, elle n'a jamais cessé de se bonifier avec l'âge, si bien que ce cru 2007, cru anniversaire, est un pur millésime.
Anne est un cas à part dans le microcosme des femmes humoristes. On devine qu'elle a eu quelques modèles, comme Sylvie Joly par exemple, qui l'ont influencée mais qui lui ont surtout donné le courage d'emprunter cette voie ô combien périlleuse. Il y a 20 ans, elles n'étaient pas nombreuses les comiques en jupon. C'étaient des pionnières.
Dès le début, Anne a su imposer son style. Un style fait d'une foultitude de personnages et d'un éventail savoureux d'accents. A la télévision elle a commencé en mai 1987 par être une des élèves dissipées de La Classe sur FR3. Et elle n'a jamais cessé d'en avoir de plus en plus, de la classe.
Rentrée 2007. Anne Roumanoff investit l'écrin du théâtre des Bouffes Parisiens, là où rôde en permanence le fantôme bienveillant de Jean-Claude Brialy. Pour l'avoir vue dans de nombreux endroits divers et variés, le cadre douillet et classieux (on y revient !) de ce petit théâtre à l'italienne lui va à merveille. Première surprise lorsqu'elle apparaît : elle n'est pas tout de rouge vêtue ! Sous le chemisier écarlate, elle a adopté le pantalon noir ajusté ; ce qui permet de constater que sa silhouette s'est joliment affinée. Mais tout de même, cet anniversaire, elle aurait pu le célébrer avec du 20 rouge ! A moins que ce soit sa manière à elle de refuser de prendre de la bouteille...
Elle attaque aussitôt, sans round d'observation, par une satire de cet appareil devenu sacro-saint, le GPS. Anne a l'art de coller à l'actualité, de suivre les phénomènes de mode, de cheminer en parallèle avec les tendances. Son sens aigu de l'observation fait une fois de plus mouche à tout coup. Son GPS lui a tracé la route, elle s'y engouffre pied au plancher et elle va conserver cette vitesse de croisière pendant une heure et demie. Epanouie, au sommet de son art, avec une maîtrise incomparable, elle nous entraîne à un rythme soutenu dans sa galerie de portraits et aborde toute une variété de thèmes qui nous ravissent et nous donnent le tournis. C'est un spectacle qu'il fera bon revoir en DVD tant il est riche. Il contient la synthèse du meilleur de ses 20 ans de carrière. C'est simple, si dans tel ou tel spectacle précédent il pouvait arriver qu'il y ait un petit coup de mou, là il n'y a rien à jeter. Tout est du même (haut) niveau.
Elle joue avec le public, le prend à témoin, le teste en lui imposant une thérapie de groupe destinée aux "parents sans autorité" ; elle fait l'enfant, puis elle se métamorphose soudain en caissière de supermarché. Elle nous fait hurler de rire avec des petites choses anodines qui ne sont qu'évidences. Mais tout réside dans l'art de raconter. Elle joue les vendeuses de vêtements gourdasses, se lance dans l'exercice du slam pour y raconter son empoignade chronique avec les fluctuations de poids, retrouve le fameux personnage de la bouchère, un peu réac mais pleine de bon sens et, déformation professionnelle, saignante quand il le faut ("Si Bush avait sa Monica, il serait moins nerveux"). Toujours à la pointe de la mode, elle tacle les nouvelles technologies à travers les fournisseurs d'accès, ce qui l'amène tout droit à aborder les méfaits de la mondialisation (bonjour le festival de mimiques !). Elle parodie une émission à la Delarue, fustige le lifting...
Loin de s'essouffler, Anne réalise l'exploit de nous emmener encore plus loin dans l'émotion et dans le rire avec deux sketches qui symbolisent parfaitement son registre : la mamie qui commente son enterrement depuis son petit nuage et la désormais traditionnelle (et attendue) parenthèse de Radio-bistro. Là, respect total, car elle nous sert, par pilier de bar interposé, des produits on ne peut plus frais. Elle réussit en effet l'exploit de glisser dans son soliloque des événements qui ont eu lieu la veille ! C'est du funambulisme.
Quant au rappel, il consiste en un florilège de ses personnages les plus connus, y compris cette chère Bernadette qui, il y a 20 ans, croyait encore à la Sainte Vierge...
Un grand moment, qui passe trop vite, et qui nous rend à la rue avec un grand sourire de contentement ; avec en plus, au coin d'un oeil, une petite larme qui brille, vestige des nombreux fous-rires et, au coin de l'autre oeil, une petite perle luisante amenée là par quelques tendres moments d'émotion.
Grand merci Anne. Ce soir, grâce à toi et avec toi, on avait tous 20 ans ! Le plus bel âge...

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