mercredi 26 septembre 2007

L'ennemi intime


Un film de Florent-Emilio Siri
Avec Benoît Magimel (Terrien), Albert Dupontel (Dougnac), Aurélien Recoing (Vesoul), Marc Barbé (Berthaut), Eric Savin (le sergent tortionnaire), Fellag (le prisonnier)...
Sortie : 3 octobre 2007

Ma note : 7/10

L'histoire : Algérie, 1959. Les opérations militaires s'intensifient. Dans les hautes montagnes kabyles, Terrien, un lieutenant idéaliste, prend le commandement d'une section de l'armée française. Il y rencontre le sergent Dougnac, un militaire désabusé. Leurs différences et la dure réalité du terrain vont vite mettre les deux hommes à l'épreuve. Perdus dans une guerre qui ne dit pas son nom, ils vont découvrir qu'ils n'ont pas de pire ennemi qu'eux-mêmes...

Mon avis : Difficile de quittter son siège dès le générique de fin de ce film tant on se sent désemparé. Je ne sais pas si L'ennemi intime sera un grand succès populaire. J'en doute car son sujet est grave et son traitement impitoyable. En dépit de la présence charismatique de Benoît Magimel, je ne suis pas sûr non plus que le public féminin ait envie de vivre un tel film. En revanche, la génération de ceux qui ont entre 60 et 70 ans aujourd'hui ne peut qu'adhérer. D'autres hommes et jeunes hommes, quel que soit leur âge, seront attirés par cet accident du destin que peut représenter une guerre. Quiconque a un minimum de sentiment, se sent concerné et se projette inévitablement dans la peau de ces jeunes gens, acteurs dépassés par un conflit qui ne leur appartient pas. C'est ce que j'appelle "le syndrome Lacombe Lucien" : comment se serait-on comporté soi-même dans la même situation ?
Ce film est volontairement dur, austère, sans fioritures. La photographie est crue, à la limite de la surexposition. L'utilisation systématique de très gros plans en renforce encore la brutalité. Les paysages sont arides, lunaires, sauvages, écrasés de soleil. Il n'y "pousse" pratiquement que des cailloux et des rochers. Les images sont tellement réalistes que l'on ressent la chaleur accablante et que la poussière est palpable. Les sons, les souffles, les voix, sont étouffés. L'atmosphère est oppressante, le danger rôde en permanence...
Maintenant que ce décor âpre est planté, faisons connaissance avec les êtres humains qui vont y évoluer.
L'ennemi intime est un film sans femmes. On y découvre dès le début l'ambiance "virile" des postes avancés. Deux hommes vont se détacher du lot pour symboliser deux des profils les plus rencontrés dans une telle situation. Le sergent Dougnac (Dupontel) est un vieux briscard, rompu au terrain et passablement désabusé. Il est aux antipodes de Terrien (Magimel), jeune lieutenant frais émoulu qui débarque là avec, dans son paquetage, toutes ses illusions, ses valeurs et ses scrupules.
Il ne faut pas raconter ce film qui n'est construit que de ruptures. On y est sans cesse confronté à la violence brute, aveugle. On passe sans transition des nuits de beuverie destinées à s'étourdir, à l'angoisse des missions sur le terrain. Et toujours ces gros plans, pénibles, où l'on peut lire la peur, la souffrance, la détresse, l'horreur. La mort est omniprésente. Et puis il y a ces scènes de torture, insoutenables, mais tellement nécessaires pour montrer la cruauté de l'homme. Pour la comprendre aussi sans pour autant l'excuser. C'est l'éternel et insoluble débat entre la guerre propre et l'usage de la torture ; c'est le sempiternel cas de conscience : "On ne peut pas répondre à la barbarie par la barbarie"...
Le film ne donne aucune réponse, sinon qu'il contribue à continuer à lever le voile sur ce que fut la guerre d'Algérie. Il nous livre les faits, les conditions, d'une façon quasi documentaire, journalistique. A nous de nous faire notre propre opinion. Et tant mieux si non a eu la chance de ne pas être amené à vivre un tel cataclysme moral et physique.
Les acteurs sont admirables. Dupontel est véritablement impressionnant. Quant à Magimel, il nous laisse pantois tant son jeu est réaliste. Il nous livre une composition d'une force incroyable, digne de ces personnages que l'on croise par exemple dans Voyage au bout de l'enfer. On suit le cheminement de ses pensées,on est témoin passif de son évolution. Grand, très grand comédien.
C'est dur, très dur, mais ce genre de film est absolument indispensable pour dénoncer de telles atrocités. On ne peut que se dire qu'il avait bien raison ce bon Jacques Prévert avec son assertion : "Quelle connerie la guerre" !

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