mercredi 30 janvier 2008

Opération Cousine


Théâtre Fontaine
10, rue Pierre Fontaine
75009 Paris
Tel : 01 48 74 74 40
Métro : Blanche

Une comédie de Gérard Pinter
Avec Gérard Pinter, Caroline Bal, Anne-Elisabeth Blateau, Franck Jouglas, Christophe Petit, Laurence Roy

Ma note : 6,5/10

L'histoire : Sur fond de campagne éléctorale, Paula débarque sans prévenir ; ou presque...
Elle est belle, si belle et si sexy, que la libido des messieurs en est toute émoustillée. Chose qui, bien sûr, n'est pas du goût de ces dames. Mais en réalité, la jeune femme n'est là que pour leur confier son secret ; son lourd secret...
En quelques heures, c'est la vie d'un maire de province et de son entourage qui bascule...

Mon avis : Le CIRQUE PINTER est de retour ! L'hurluberlu frénétique a planté son nouveau chapiteau rue Fontaine et, une fois de plus, il n'y va pas avec le dos de l'écuyère...
Opération Cousine, dont on comprend au fil du spectacle que le titre contient un double sens, s'inscrit dans la parfaite lignée des deux précédentes oeuvres de Gérard Pinter, Un putain de conte de fée et On tire bien sur les lapins. On y retrouve son univers si personnel, son cocktail explosif composé de quatre ingrédients principaux : un rythme de folie, du burlesque, des calembours de plus ou moins bon goût, de la grivoiserie... On ne sait où Gérard Pinter va puiser de telles ressources énergétiques. On sort de chacun de ses spectacles complètement épuisé pour lui. Et encore, cette fois, il ne campe qu'un seul personnage !

Tous les protagonistes de cette pièce sont caricaturaux à l'extrême. A commencer par Mauricette, une invraisemblable bonniche terriblement enceinte d'on ne sait qui (même si on saisit rapidement que le père est le maire), curieuse, insolente, qui se mêle de tout... Il y a donc le maire, Michel, qui n'a pas perdu son chat, mais qui perd assez facilement la tête quand un jupon passe à sa portée, fût-ce à bord d'un avion ; il est en pleine campagne éléctorale pour essayer d'être réélu... Il y a aussi le très dévoué Raymond, son directeur de campagne, qui passe son temps à s'efforcer de réparer les bourdes de son patron et qui, plus il essaie de ménager la chèvre et le chou, plus il s'enfonce dans un tourbillon infernal... Il y a Estelle, l'épouse du maire, un peu bourge, un peu courge, mais qui sait qu'elle a le pouvoir car c'est elle qui possède les finances... Il y a Paul, le frère d'Estelle, devenu Paula suite à une opération qui a métamorphosé ce garçon en une magnifique créature débordante d'arguments et qui adore en jouer... Et enfin, il y a Paul de Saint-Sauveur, dit "le nettoyeur", un individu peu sympathique dont la mission est de saborder la partie adverse...

Tous ces personnages sont pas mal frappadingues. le décor cossu dans lequel ils évoluent est vite transformé en un invraisemblable foutoir où ça court, ça crie, ça gesticule... Chez Pinter on peut être assuré d'avoir un gag et une réplique humoristique toutes les 30 secondes. Quand il était petit, ses parents le collaient sans doute devant les dessins animés de Tex Avery, et il en est ressorti cet énergumène frénétique, à la gestuelle et aux mimiques totalement cartoonesques.
Vous l'aurez compris, puristes s'abstenir. On ne va chez Pinter pour ronronner devant des dialogues subtils et se pâmer devant des réflexions métaphysiques. On y va pour rire de bon coeur et partager un vrai moment de folie douce. Même si on est parfois réticent à certaines blagues approximatives, à quelques saillies sous la ceinture ou à quelque situation exagérément grotesque, il nous a l'usure. C'est tellement énorme qu'on craque, emporté dans une ola de fous rires avec nos voisins. Si bien qu'on ne voit pas le temps passer.
Comme son célèbre homonyme prénommé Harold, Pinter est fasciné par l'absurde. La comparaison s'arrête là. Le traitement n'est absolument pas le même car il n'y a pas une once de tragique dans la "dramaturgie" du Gérard. Il n'y a que cocasserie.
J'en terminerai avec cette Opération Cousine avec deux critiques qui me sont personnelles et n'engagent donc que moi : l'affiche d'abord, que je trouve désuète, un peu cheap (on n'est pas au théâtre des Deux Anes !) ; et, ensuite, j'ai eu un peu de mal avec le personnage de Paul de Saint-Sauveur, tellement survolté, tellement surjoué, tellement dans les décibels qu'il en devient vite insupportable. Heureusement, il se calme un peu sur la fin.
Mais, hormis ces deux petites réserves, si vous voulez passer, sans prétention, un excellent moment de détente, de rire et d'oubli, Opération Cousine ne vous décevra pas.

lundi 28 janvier 2008

La forme des choses


Petit Théâtre de Paris
15, rue Blanche
75009 Paris
Tel : 01 42 80 01 81
Métro : Trinité/Blanche/Saint-Lazare

Une pièce de Neil Labute
Avec Julie Delarme (Evelyn), Jérôme Foucher (Adam), Marie-Julie Baup (Jenny), César Méric (Philipp)

Ma note : 7,5/10

L'histoire : Evelyn, une jeune étudiante aux Beaux-Arts, ennemie de l'hypocrisie et du mensonge, s'apprête, en signe de protestation contre la censure, à tagger une statue de dieu grec. Mais cette initiative n'est pas du goût d'Adam, le jeune gardien du musée, étudiant également. Maladroitement, il essaie de lui faire changer d'avis. En discutant avec elle, ce grand timide réalise qu'il l'a déjà vue, dans son deuxième job d'étudiant, une vidéothèque. Et ils commencent à sympathiser, si bien que le jeune homme tombe amoureux de cette jeune femme franche, directe et délurée...
Plus leur relation avance dans le temps, plus Adam s'épanouit. Sa déroutante métamorphose va troubler ses amis, Philipp et Jenny...

Mon avis : Le Petit Théâtre de Paris a encore frappé ! On y a vraiment le chic pour programmer des pièces originales, pleines d'humour et qui donnent néanmoins à réfléchir. C'est encore une fois le cas avec cette remarquable pièce adaptée de l'américain.
Quelle sensation agréable que de réaliser que l'on rit... intelligemment ! Ici, si les "choses" ont une "forme", elles ont aussi du fond. Beaucoup de fond !

Neil Labute utilise un langage moderne, adulte, sans fioritures. Les profils psychologiques de ses personnages sont parfaitement dessinés, ce qui nous aide à anticiper sur certaines de leurs réactions. Evelyn est une rebelle, elle a de la culture et du talent, mais c'est également une jeune fille libre, bien dans sa tête et dans son corps. Adam est gêné aux entournures par un physique ingrat, une gaucherie chronique, mais il est loin d'être idiot. Philipp est une sorte de macho qui transforme son manque d'assurance en agressivité et en vulgarité (genre assez répandu). Jenny est une gentille fille, aimable et tolérante, parfois limite nunuche, mais pourtant jamais dupe.
Ce sont donc ces quatre traits de caractère qui vont s'affronter devant nous.
Cette pièce est servie par des dialogues percutants et vifs. Les (bonnes) répliques fusent avec, parfois, quand il le faut, un langage assez cru. Pour donner du rythme à une histoire que l'on voit évoluer dans le temps, les décors, constitués de panneaux glissants et pivotants, sont changés à vue. En un instant, on sait dans quel endroit on se trouve et l'action peut s'enchaîner en une succession rapide de tableaux.
J'insiste vraiment : les mots sont primordiaux dans cette pièce. Comme tout repose sur les non-dits et les mensonges, les questionnements et leur formulation sont essentiels. Avec une certaine dose de cynisme, on se pousse dans ses derniers retranchements, on joue avec l'autre au risque de le perdre. La leçon première de La forme des choses est que "tout est subjectif". Les formes sont un leurre, on peut leur faire dire ce que l'on veut. Et encore plus quand elles ont analysées à travers le prisme de l'art.
Et puis il y a la force de l'amour. Que n'est-on capable de faire quand on est mû par ce sentiment exaltant ? Mais, comme pour le décor, notre coeur n'est-il pas agrémenté de panneaux coulissants très pratiques pour se protéger ?
Cette pièce est une ascension progressive, qui nous amuse d'abord, puis qui nous happe et nous fascine. Jusqu'à une apothéose en forme de feu d'artifices ("artifices" dans le sens psychologique du terme) qui nous laisse aussi pantois qu'admiratifs. Un pur régal !

Julie Delarme tient la scène avec une énergie indomptable. Son extrême lucidité et ses sentences péremptoires font presque peur. Dure et tendre à la fois, elle est tout aussi attachante qu'agaçante. En tout cas, elle a une sacrée présence.
D'ailleurs, le casting est imparable. On ne peut s'imaginer d'autres comédiens à la place de ce quatuor impeccable. Jérôme Foucher est en quelque sorte le héros involontaire de la pièce. D'abord aux antipodes de Julie, il va s'efforcer de se hisser à son niveau. Il le fait avec une sobriété remarquable et sa métamorphose est d'autant plus impressionnante qu'il n'en rajoute jamais.
César Méric joue tout en force, tout en violence, trahissant ainsi ses doutes et ses manques. Quant à Marie-Julie Baup, on aimerait l'avoir pour amie tant elle est douce et compréhensive ; et jolie.

Bref, La forme des choses est une pièce dont la fin nous rend tout choses et pourtant nous met réellement en forme. C'est agréablement jouissif que de se faire ainsi mener aussi intelligemment par le bout du nez...

samedi 19 janvier 2008

Don Quichotte contre l'Ange Bleu


Théâtre de Paris
15, rue Blanche
75009 Paris
Tel : 01 48 74 25 37
Métro : Trinité / Blanche/ Saint-Lazare

Une fable écrite et mise en scène par Jérôme Savary
Direction musicale : Roland Romanelli
Avec Arielle Dombasle (Daisy Belle), Joan Crosas (Don Quichotte), Frédéric Longbois (Sancho Pança), Jérôme Savary (le Maître de cérémonie), Paco El Lobo (guitare et chant flamenco), Clémence Bollet, Sabine Jeangeorges, Antonin Maurel, Nina Morato, Marco Oranje, Nina Savary.

Ma note : 6,5/10

L'histoire : Indigné par un panneau publicitaire racoleur défigurant le paysage ancestral de sa Mancha bien aimée et montrant une certaine Daisy Belle dépoitraillée, Don Quichotte enfourche Rossinante et, accompagné de son fidèle Sancho Pança, part à Paris pour régler ses comptes avec cette dévergondée... Voici notre pittoresque équipage au coeur-même de la débauche montmartroise, le Moulin Rose, dirigé par un maître de cérémonie truculent, un cabaret dont la meneuse de revue n'est autre que la fameuse Daisy Belle, celle par qui le scandale est arrivé jusque dans la Mancha... Mais ce que Don Quichotte, tout à sa croisade, ne pouvait pas prévoir, c'est qu'il allait tomber follement amoureux de cette incarnation de l'Ange Bleu...

Mon avis : Pisse-froid s'abstenir ! Si on n'a pas envie de jouer le jeu, si on n'apprécie guère les délires fantasmagoriques et pas toujours d'une élégance raffinée de Jérôme Savary, il est inutile de se rendre au théâtre de Paris. Mais si vous êtes d'humeur badine et joueuse, si vous aimez le burlesque, si vous savez encore vous émerveiller devant la beauté des costumes et l'esthétique de certains tableaux, vous allez y passer une soirée bien joyeuse.

Savary ne nous prend pas en traître. Son spectacle, il l'annonce dès le départ comme étant une "farce" (Petit Larousse : "petite pièce comique qui présente une peinture satirique des moeurs et de la vie quotidienne"). De fait, son Don Quichotte, c'est une auberge espagnole dont le patron serait un bateleur montmartrois. On y trouve de tout, autant à boire qu'à manger. Il y a des plats pas toujours très délicats, mais on y trouve également des des mélanges audacieux, goûtus et roboratifs... Le postulat savarien est simple : il s'agit de transplanter Don Quichotte, le chevalier à la triste figure, un ascète psychorigide doublé d'un idéaliste enfiévré (drôle de cohabitation) dans l'univers du music-hall et, plus particulièrement dans celui d'un bouge qui propose du french-cancan en plat de résistance. En clair, il fait faire à Rossinante et à son cavalier un bond de quatre siècles ! Mais cela ne nous choque pas. Des Don Quichotte, il y en surgira heureusement toujours, tant qu'il y aura des moulins à combattre et des utopies à défendre. Ce sont deux mondes qui ne se comprennent pas et qui s'entrechoquent. Bien sûr, la fin est prévisible. La troublante et aguicheuse Daisy Belle va faire fondre l'armure en fer blanc de l'Hidalgo illuminé.

Je me répète, c'est l'auberge espagnole. En maître queux iconoclaste, désinvolte et imaginatif, Savary a mis tout ce qu'il aimait dans une grande marmite, il a touillé longtemps, ajouté énormément d'épices, et il nous sert un plat assez étonnant qui devrait faire recette.
Ce sont des mondes et des cultures qui se chevauchent. Dans une folie "cotillons et serpentins", l'accordéon de la place du Tertre se tire la bourre avec une guitare castillane, le french-cancan émoustille le flamenco, les guêpières et porte-jarretelles encanaillent la quincaillerie soldatesque ; ça chante, ça danse, ça se chamaille, ça flirte... La vie, quoi !
Il y a de superbes tableaux, des costumes magnifiques, des paysages qui défilent et un orchestre "live". Sur scène, tout le monde est bon et tout le monde nous donne réellement l'impression d'avoir énormément de plaisir à s'amuser ainsi.
On est emballé par la qualité des voix : Joan Crosas, Frédéric Longbois, Paco El Lobo, Nina Savary (comment elle chante !) ; on est séduit par la tonicité et la joie de vivre des danseuses ; on est sidéré par la souplesse de contorsionniste du personnage de Valentin le désossé... Les calembours les plus faciles de Jérôme Savary semblent parfois extraits de l'Almanach Vermot, d'autres sont heureusement de meilleur aloi.
Et puis il y a LA Dombasle. Décidément, elle nous surprendra toujours. Elle joue avec son image avec une autodérision et une gourmandise qui frisent la caricature mais n'y tombent jamais. Même quand elle égrène les gauloiseries et les reflexions salaces, elle le fait avec cette distance toute aristocratique qui dresse une barrière devant la vulgarité. Elle est formidablement à l'aise dans tous les styles musicaux, y compris lorsqu'elle emprunte la voix basse et grave de Marlène Dietrich, et sa maîtrise parfaite de l'espagnol et de l'anglais lui autorisent toutes les audaces dans ces deux langues. Savary lui a concocté du sur mesure. Coquine et coquette, Daisy désirable, elle se prête à des tableaux complètement délirants et farfelus comme un magistral ballet des poules qui met la salle en joie, et se permet au passage un petit clin d'oeil au Crazy Horse, cabaret où elle se produisit fort dénudée il y a peu.
Bref, Don Quichotte et l'Angle Bleu est un joli spectacle, un cirque magique et haut en couleurs comme seul Savary sait les imaginer. Mais, je vous le rappelle, il faut venir au théâtre de Paris l'esprit badin avec en tête l'idée de s'y amuser. Et vous ne serez vraiment pas déçu.

mercredi 16 janvier 2008

Gad Elmaleh "Papa est en haut"


Olympia
28, boulevard des Capucines
75009 Paris
Tel : 08 92 68 33 68
Métro : Madeleine/Opéra/Auber (RER)

Ma note : 7/10

Le spectacle : Pour la première fois, Gad Elmaleh abandonne sa galerie de personnages de sketches pour s'adonner au genre actuellement très prisé du stand-up. Pendant deux heures, il nous raconte sa vie, son quotidien. L'essentiel de son show tourne autour de la famille et des relations mari/ex-épouse et père/fils. Ce dernier cas de figure est traité à deux niveaux générationnels car Gad est tout autant un fils et le papa d'un garçonnet de 7 ans.

Mon avis : En préambule, il est inutile que j'incite qui que ce soit à assister à ce nouveau spectacle de Gad Elmaleh car il y a belle lurette que l'Olympia affiche complet. Il ne sert donc à rien que je développe mes propos à outrance...
Tout au long de son show, Gad n'a cessé de m'énerver, de m'irriter, de me contrarier. Il est tout à fait insupportable de subir pendant deux heures la présence d'un individu nanti d'autant de dons et de talent. Il sait tout faire, il le fait extrêmement bien et, le pire, c'est que ça a l'air tellement facile ! Il possède la grâce d'un danseur, la souplesse d'un gymnaste, la fluidité et l'expressivité d'un mime, il fait ce qu'il veut avec sa voix, il chante merveilleusement bien, il joue remarquablement du piano et de la guitare, c'est un percussionniste étonnant, il est doté d'un sens du rythme époustouflant - ce qui lui sert dans tous les domaines -, il a un sourire incroyablement craquant et un regard tendre et malicieux qui fait se pâmer toute la gent féminine... Et encore, je suis sûr d'en oublier tant je suis... jaloux ! Oui, on peut le dire : jaloux. Trop c'est trop ! Ce mec-là est infernal. Pourquoi l'Informaticien Suprême qui nous formate au départ ne répartit-t-il pas les dons de façon plus équitable ? Pourquoi, lui, il a toutes les options et même le superflu ?
Trève de plaisanterie, Gad Elmaleh est un fantastique homme-orchestre, un maestro du rire et de la gestuelle, doté d'un sens de l'observation hyper pointu. Il remarque des choses qui nous semblent anodines, mais il a une telle façon de les analyser et de les relater, qu'on ne peut qu'éclater de rire tant c'est confondant de réalisme.
Bon, personnellement, je le préfère quand il fait des sketches et qu'il campe des individus qui figurent dans le Panthéon des grands personnages de comédie. Mais on ne peut bouder son plaisir à le voir ainsi nous raconter son quotidien dans ce qu'il a le plus banal et de nous distraire avec une efficacité et un naturel confondants.
Gad Elmaleh est au sommet de son art, dans la plénitude de ses énormes moyens. Il possède un tel registre que nous ne sommes sans doute pas au bout de nos surprises et de nos joies avec cet énergumène. Il est capable de tout et, surtout, du meilleur.

dimanche 13 janvier 2008

Sophia Aram "Du plomb dans la tête"


Théâtre de Dix Heures
26, boulevard de Clichy
75018 Paris
Tel : 01 46 06 10 17
Métro : Pigalle

Ma note : 8/10

Le sujet : Une institutrice de maternelle a mis fin à ses jours. Chacun s'étonne de cette brutale disparition, cherche plus ou moins à comprendre les raisons de ce geste et, surtout, y va de son commentaire. Tour à tour, la directrice de l'école, la psy, ses collègues, le gardien, les parents d'élève, les élèves eux-mêmes vont tenter de dresser le portrait de feue mademoiselle Gibbon...

Mon avis : Absolument admirable ! Avec un sujet dramatique et scabreux, Sophia Aram réalise la prouesse de nous faire rire ; et pas qu'un peu. Mais elle nous donne également à réfléchir tant son analyse relate une cruelle vérité. Si on n'est pas soi-même enseignant, on réalise soudain l'ampleur de la tâche que ce métier (sacerdoce ?) implique. Et je suis persuadé que le regard du spectateur lambda sur l'institutrice qui a en charge son rejeton va être totalement différent au lendemain du spectacle...

Avant que son show ne commence, à 22 heures, Sophia Aram est déjà dans la salle. En pantalon et "marcel" noirs, elle accueille gentiment le public, s'informe, papote, fait ses commentaires. Et même lorsqu'elle se retrouve sur la scène, elle s'interrompt pour accueillir aimablement les retardataires. Sophia Aram est une humoriste de proximité, chaleureuse, complice avec les gens parce qu'elle-même impliquée dans un quotidien identique au leur.

Allons droit au but : "Du plomb dans la tête" est un spectacle intelligent, très fin. Il repose sur une trame très originale qu'il ne m'avait été donné de voir qu'une seule fois jusqu'à présent. C'était le premier show en solo de l'excellent Dieudonné (je parle du comique) quand il faisait raconter un événement dramatique par ses témoins et protagonistes. Et bien Sophia Aram applique exactement le même procédé : le suicide de mademoiselle Gibbon, la maîtresse de maternelle, est commenté par une poignée de personnes qui l'ont connue.
Hiérarchie oblige, c'est la directrice de l'école du Petit Prince qui nous accueille. En effet, tout au long du spectacle, nous sommes considérés, non pas en tant que spectateurs, mais comme des parents d'élève. Le visage austère, chaussé d'une grosse paire de lunettes, la directrice donne le ton du propos. Humour (très) noir, hypocrisie, irresponsabilité, égoïsme avec, parfois, quelques geysers de tendresse et de beaux sentiments, voici les éléments sur lesquels va reposer le discours des personnages "araméens".
La jeune femme ne fait pas appel à des accessoires. Il lui suffit d'enlever ses lunettes, d'ordonnancer différemment sa magnifique chevelure brune ou d'enfiler un bonnet et de prendre un accent pour camper un nouveau personnage. C'est étourdissant de justesse. Une jeune psychologue québécoise, spécialiste émérite du suicide, va tenter d'expliquer aux parents comment aider leur progéniture à surmonter cette tragédie... Puis survient la version du premier témoin du drame, le gardien, l'homme à tout faire, le "Mac Gyver" de l'établissement, un personnage simple et haut en couleurs... Ensuite, c'est mademoiselle Gibbon elle-même qui revit un instant devant nous, ce qui nous apporte un éclairage très différent sur la personnalité de la jeune enseignante... On retrouve le gardien et la psy quelques secondes avant de faire la connaissance de Sandrine Henry, la collègue néophyte, soi-disant amie, de la défunte. Un grand moment d'inconscience et d'égocentrisme. A noter cette confidence confondante de réalisme : "avant, je n'avais jamais vu d'enfants en 3D !"... Lui succède une mère (la maman à Dylan), insupportable de vulgarité... Tout aussi lamentable dans le fond se présente à son tour la déléguée des parents d'élèves, une Tarbaise pur jus, mère abusive et castratrice d'une innocente petite Caméliane... Un petit détour du côté de la psy (un peu le fil rouge de l'histoire) précède une évocation de mademoiselle Gibbon au purgatoire... C'est alors que Mounir se décide à prendre la parole. Ce jeune Beur d'une dizaine d'années, ancien élève de feue la maîtresse, a d'elle une vision très personnelle. Avec son vocabulaire imagé, il nous décrit un univers impitoyable. Et puis... mais vous le verrez par vous-même... Mounir cède alors sa place à Farida-la-mytho, une dépressive complètement givrée qui se prend pour un agent secret. Elle est très grave... Le ban sera définitivement fermé sur un terrible constat de la directrice, suivi d'une tentative maladroite d'édulcoration de la psy qui, fidèle aux rituels québécois, tient à ce que tout se termine en chanson...

Remarquable comédienne, Sophia Aram se livre avec une folle virtuosité à une douzaine de portraits. Son expérience des matchs d'improvisation lui permet à tout moment de rebondir sur un incident venu de la salle : une quinte de toux, un portable qui sonne malencontreusement ; elle implique aussi des personnes assises au premier rang. Elle possède une vivacité d'esprit et une présence incroyables.
Mais au-delà de la simple performance de comédienne, il y a un vrai message qui passe. En fait, ce ne sont pas les élèves qui sont les plus difficiles à gérer, ce sont leurs parents ! Quel sens de l'observation, quelle justesse dans les propos ! C'est sa manière à elle de nous rappeler quelques préceptes fondamentaux et de nous mettre un peu de "plomb dans la tête". Mais, attention aux éclaboussures !!!!

mardi 1 janvier 2008

Le chantage


Un film de Mike Barker
Avec Pierce Brosnan (Tom Tyan), Maria Bello (Abby Randall), Gerard Butler (Neil Randall), Emma Karwandy (Sophie Randall), Claudette Mink (Judy Ryan), Desiree Zurowski (Helen Schriver)...
Sortie le 2 janvier 2008

Synopsis : Neil Randall, publicitaire ambitieux, mène une vie parfaitement heureuse entre sa femme Abby et leur fille âgée de 5 ans, Sophie.
Le week-end de l'anniversaire d'Abby, Neil accepte à contrecoeur une invitation de son patron à la campagne afin de ne pas compromettre ses chances d'être promu associé. En échange, Neil déposera Abby chez sa meilleure amie avec qui elle pourra passer la journée, tandis qu'une baby-sitter s'occupera de Sophie.
Tout se déroule comme prévu. Neil et Abby, insouciants, s'installent dans leur Range Rover et se mettent à évoquer leurs projets d'avenir quand, soudain, un homme armé surgit de l'arrière du véhicule où il s'était dissimulé. L'individu, qui se présente comme s'appelant Ryan, explique au couple terrifié qu'un complice à lui vient de kidnapper Sophie.
L'expédition ne tarde par à virer au cauchemar pour Neil et Abby...

Ma note : 6/10

Mon avis : Drôle de film... Mais surtout pas film drôle ! On y entre un peu subrepticement, avec une certaine circonspection, comme lorsqu'on pénètre pour la première fois dans l'appartement des voisins de palier qui viennent de nous inviter à l'apéritif. En fait, le démarrage est assez lent. C'est bien sûr totalement voulu. le réalisateur agit en quelque sorte à la manière d'un boxeur sûr de sa supériorité. Il nous endort gentiment histoire de nous faire baisser la garde et puis, brutalement, il nous assène un upercut à assommer un cheval ! C'est d'ailleurs tout à fait ce qui arrive à Abby et à Neil quand Ryan fait une entrée fracassante dans leur vie. A ce moment, le film prend un autre rythme, une autre tournure, une dimension inquiétante.
En tant que spectateur, nous sommes un peu dans la peau d'Abby et Neil. On ne comprend rien à ce qui nous arrive. Et au fur et à mesure que le film avance, aucun élément ne vient nous apporter de repère. Quelles sont les motivations réelles de Ryan ? Bernique ! Très énervant cette sensation de se faire balader ; ainsi que son aptitude démoniaque à prévoir tous les coups, toutes les parades. Une question nous taraude la matière grise : pourquoi ? Tension extrêmes, fausses pistes déroutantes, on nage en plein brouillard...
Le chantage est un film particulier à plusieurs titres. La façon de filmer est très originale avec de nombreuses prises de haut et au grand angle (on a rarement vu une ville - élément prépondérant du décor - sous cet aspect), et de très gros plans sur les visages.
L'emploi affecté à Pierce Brosnan est inattendu. Il est rare de le découvrir aussi méchant, mal rasé, hyper violent. Il a dû prendre énormément de plaisir à incarner Ryan, personnage apparemment monolithique et sans états d'âmes.
On sent chez Mike Barker une grande admiration pour Alfred Hitchcock, tant dans sa manière de filmer souvent en plongée que dans son goût sadique pour le suspense.
En conclusion, Le chantage est un bon thriller, irritant à souhait, mais parfois un peu compliqué et légèrement brouillon pour nos esprits français si cartésiens. Mais on se laisse bien prendre quand même, et ce n'est pas désagrable.