mercredi 29 avril 2009

Le Missionnaire

Un film de Roger Delattre
Ecrit par Jean-Marie Bigard et Philippe Giangreco
Avec Jean-Marie Bigard (Mario Diccara), Doudi Strajmayster (Patrick Diccara), Jean Dell (Le capitaine de gendarmerie), Michel Chesneau (Le maire), Arthur Chazal (Lucien), François Siener (Giancarlo), Thiam Aïssatou (Nadine)...

Ma note : 7,5/10

L'histoire : Après sept années passées en prison, Mario Diccara est libre. N'ayant pas complètement réglé ses affaires avec le milieu et avec ses anciens complices, il demande à la seule personne de confiance qu'il connaisse, son frère Patrick, de lui trouver une planque.Patrick, qui est prêtre, lui propose de rejoindre un de ses amis, le père Etienne, dans son petit village de l'Ardèche. Pour lui conférer un meilleur anonymat, il lui fait revêtir une soutane...
Mais lorsque Mario arrive sur place, les choses ne se passent pas comme prévu. Le père Etienne vient de trépasser, et les villageois le prennent pour le nouveau curé...

Mon avis : On peut dire que ce Missionnaire-là a réussi sa triple mission : nous faire rire, nous émouvoir, et nous donner à réfléchir... Oui, oui, vous avez bien lu, "nous donner à réfléchir"... Car, il y a en effet plusieurs niveaux de lecture dans cette comédie pure.

Etudions-en les aspects positifs (de loin les plus nombreux).
D'abord, il y a la qualité des dialogues. Certaines répliques nous furieusement penser à du Audiard. D'ailleurs, plusieurs fois pendant le film, on ne peut s'empêcher d'imaginer Jean-Marie Bigard au beau milieu des Tontons flingueurs. Avec sa gueule, sa voix, sa truculence et sa bonhommie, il n'aurait pas déparé. Il est peut-être né trop tard. A moins qu'un nouveau Lautner ne se pointe dans le cinéma français et ne nous ponde quelques films chorale de cet acabit. Vous le lirez partout : Jean-Marie ne fait pas du Bigard. Pendant une heure et demie, il joue tout en intériorité, il ne fait pas d'effets de voix, il ne se laisse pas aller à ses fameuses exclamations. Il maîtrise de bout en bout. Il n'est plus raconteur, il est acteur. Et puis, il a une tronche. Et quelle tronche ! Roger Delattre, le réalisateur, ne se prive pas de très gros plans qui nous révèlent un visage passablement raviné et cabossé ; un vrai paysage lunaire. Il y a aussi son regard. Quand Jean-Marie y fait passer une lueur de tendresse, on craque. C'est pour toutes ces petites choses physiques et comportementales que l'on adhère sans problème à ce film. Bien en chaire, Bigard est tout-à-fait crédible dans le rôle du père Mario. En soutane, mais avec des baskets, il est réellement impressionnant, quasiment habité. Là, on peut dire que l'habit fait - vraiment - le moine. Ce rôle, c'est du pain bénit pour lui.

Le scénario ensuite. Il tient aisément la route, même celles escarpées et tortueuses des montagnes ardéchoises. Luc Besson, avec sa grande rigueur, a demandé du rythme, du rythme et du rythme. Il n'y a aucun temps mort, on ne se perd pas en fioritures. Ce film repose entièrement sur le comique de situation(s). Mario et son frère Patrick, ne font en fait que s'adapter aux embûches et aux nombreux quiproquos qui émaillent leurs aventures. Contrairement à des joueurs d'échecs, ils n'ont pas le loisir de préparer leurs coups, il leur faut réagir sur l'instant, à chaud et en "live". Ce qui a pour effet de provoquer des situations franchement désopilantes.

Les seconds rôles sont particulièrement bien choisis, du capitaine de gendarmerie au maire du village, en passant par l'enfant de choeur et le parrain de la mafia niçoise... D'ailleurs l'escouade de gendarmerie n'est pas sans rappeler leurs glorieuse aînée qui sévissait du côté de Saint-Tropez. On y retrouve le même genre de bras cassés sympathiques et un peu étroits du képi.

Ce film est également riche de quelques scènes qui sont autant de morceaux de bravoure : la première messe du père Mario téléguidée par portable interposé (à ce propos, ce scénario n'aurait jamais pu être réalisé sans l'usage du portable. Ce petit moyen de communication tient un rôle essentiel dans le film) ; la négociation de la vente des bijoux "menée" par Patrick dans l'antre de la mafia ; la dégustation du petit alcool local ; le prêche de la fin...

Enfin, ce Missionnaire est porteur d'un formidable message d'humanité et d'oecuménisme. Le père Mario remplace les Saintes écritures par le bon sens. Comme il de dit ingénument, il laisse parler son coeur. L'amour n'a pas de religion. Ou plutôt, il pratique la religion de l'amour. Et là, quand on connaît bien le lascar, il n'est pas franchement dans le rôle de composition.

Maintenant, je ne peux pas passer sous silence une partie du scénario qui ne m'a pas du tout convaincu et qui plombe un peu la légèreté ambiante de l'ensemble. Ce sont les scènes où Patrick (Doudi) plonge dans le stupre et la débauche. C'est tout much, ça manque de finesse et d'élégance. Je pense qu'on aurait pu effectivement le faire déraper, mais peut-être de façon un peu moins frontale et excessive. Il est sûr que cela permet au comédien de s'offrir un tout autre registre, mais cette incursion dans le luxe et la luxure - pour un prêtre s'entend - aurait dû, à mon goût, être traitée avec plus de subtilité.

Voilà, c'est dit !
Mais cette petite réticence ne peut occulter la qualité intrinsèque de ce film. On y passe un vrai bon moment de comédie "à la française". Bigard y est réellement épatant dans son rôle de canard sauvage qui se prend pour un enfant du bon Dieu. Ce personnage pourrait enfin lui ouvrir en grand les portes du septième art. Il le mérite. Et, je le redis, les dialogues sont savoureux et de haute volée et les situations qui se succèdent à un rythme effrené valent toutes leur pesant de drôlerie.
On n'a plus qu'à souhaiter à ce drôle de paroissien de rassembler le plus possible de fidèles et la messe sera dite.

lundi 27 avril 2009

Frédéric Recrosio "Aimer, mûrir, et trahir avec la coiffeuse"


Théâtre Trévise
14, rue de Trévise
75009 Paris
Tel : 01 48 65 97 90
Métro : Cadet / Grands Boulevards

Mise en scène de Jean-Luc Barbezat

Ma note : 7/10

Le sujet : C'est le récit d'une histoire d'amour ordinaire, classique, plate. Car s'il est vrai que nos destins sentimentaux nous semblent uniques, ils n'en sont pas moins semblables. C'est une tranche de vie normale parce qu'elle est absolumen significative et que l'enchantement de nos jrs se cache souvent dans la banalité du quotidien. C'est une interrogation sur les aléas de l'élan amoureux. C'est un constat : l'amour existe ; le désamour, aussi...

Mon avis : Sous-titré "Itinéraire de l'amour normal",ce spectacle est en fait une longue réflexion sur les rapports sentimentaux et amoureux homme-femme. Mais Frédéric Recrosio étant un homme, il ne nous livre que sa propre interprétation masculine de la chose. Et de quelle manière ! C'est particulièrement goûtu et salivant.
Avec sa bonne bouille et son sourire craquant, Frédéric Recrosio ne possède pas, a priori, le physique du garçon frileux de l'engagement, voire du loser. Et pourtant...
Son one-man show est très habilement construit. C'est une sorte de mécano intellectuel dont il pose d'abord les bases - des bases très solides - avant d'en ériger les étages. En clair, son récit va crescendo, provoquant dans l'intérêt et dans l'adhésion du spectacteur - et surtout de la spectatrice - une jubilante montée en puissance.
D'abord, il faut s'habituer à ses mots, à sa façon de les mettre en bouche et à sa gestuelle. De prime abord, il semble un peu emprunté avec sa longue carcasse. Et puis soudain, tout son corps explose en des mouvements le plus souvent grotesques et, dans la seconde qui suit, il reprend son allure un peu gauche. Et ça ne va aller qu'en s'aggravant.
Frédéric Recrosio commence son spectacle en abordant le thème du célibat. Il a 30 ans, il jouit de la grande liberté que ce statut lui offre et puis la statue se fissure et se fragilise. Et notre énergumène se met à analyser, une analyse qui va durer tout le temps de son spectacle. Il est essentiellement un cérébral. Alors, il dissèque, il décortique, il pèse le pour et le contre, avance d'un pas, recule de trois, hésite, tergiverse... Il n'y a guère qu'avec l'onanisme que les relations ne sont pas compliquées... Donc le célibat contient des avantages et beaucoup d'inconvénients. On y est libre... mais libre de "faire son malheur".
Chaque thème abordé est superbement écrit. Il a du vocabulaire, le bougre !
Frédéric Recrosio, ou tout du moins son personnage, passe son temps à se prendre la tête. Habité par une réelle hantise du bonheur, il se complaît à imaginer les situations les plus extrêmes. Mais avec une pusillanimité et une totale mauvaise foi que d'aucun(e)s prêtent exagérèment aux hommes.
Or, on ne peut pas être ainsi faux-cul sans fondement !!! Notre champion de la gamberge assène tout de même certaines vérités sur la gent féminine. Pas facile de leur plaire et de se mettre à la hauteur de leurs désirs et de leurs aspirations. Finalement - et ce sera d'ailleurs sa conclusion - les principales responsables des fiascos amoureux, ce sont les femmes. Et pis c'est tout !

Le spectacle est autant sur scène que dans la salle. Tout simplement parce que les incriminées en question se sentent visées, les mesquines ; elles n'approuvent pas et elles le font savoir. En fonction des assertions de notre "Mick Jagger" helvète, elles gloussent, hoquètent, s'insurgent, s'offusquent, protestent, huent... Il y a de l'ambiance dans la salle.
Frédéric Recrosio réussit carrément l'exploit de parler de baise pendant près d'une heure et demie sans être jamais grossier ni déplacé. Les détails les plus scabreux passent comme une lettre à la poste. En tout cas, ces dames peuvent retirer un aspect extrêmement positif de ce témoignage pathétique : Recrosio leur livre le mode d'emploi du parfait trentenaire. Peter Pan est toujours là. Il est futile, puéril et, pour masquer son impuissance à diriger les ébats, il décharge toute la responsabilité sur La Femme. Ou l'hypocrisie considérée comme un des beaux arts...

Courez écouter et voir Frédéric Recrosio. Surtout, allez-y en couple. C'est très enrichissant pour l'un comme pour l'autre. D'ailleurs il arrive très souvent de surprendre des couples échanger des regards ou complices, ou acerbes, en réaction à certaines situations subtilement décrites par notre empêcheur de baiser en rond. C'est un spectacle très personnel, foutrement bien écrit et habilement maîtrisé. On en sort tout révigoré et avec une impérieuse envie de séduire l'autre.

Incognito


Un film d’Eric Lavaine
Scénario et dialogues d’Eic Lavaine, Hector Cabello et Bénabar
Musiques originales de Bénabar
Avec Bénabar (Lucas), Franck Dubosc (Francis), Jocelyn Quivrin (Thomas), Anne Marivin (Marion), Isabelle Nanty (Alexandra), Gérard Loussine (Pasquier), Virginie Hocq (Géraldine), Yolande Moreau (madame Champenard), Pierre Palmade (Pierre Palmade), Olivier Rigo (La Glue)…
Sortie le 29 avril 2009

Ma note : 7/10

L’histoire : Lucas est devenu une superstar en s’étant approprié les chansons d’un ami qu’il croyait disparu. Soudainement, cet ami réapparaît. Pour lui cacher sa fortune et sa célébrité, Lucas commet l’erreur de demander à son parasite de locataire, Francis, un comédien raté, de prendre sa place…

Mon avis : Très bonne comédie, bien ficelée et bien interprétée. La (très) bonne surprise – et je pense que tous les critiques professionnels seront unanimes – c’est la prestation de Bénabar. Une vraie révélation. Bien sûr, il tient le rôle d’un chanteur, mais il ne faut pas réduire sa performance à cette fonction car il est amené, tout au long de ce film, à passer par une quantité de sentiments et à vivre des péripéties plutôt croquignolettes. Et bien, aucune fausse note de sa part. Sobre et naturel, il est juste de bout en bout. Pourtant, ça ne devait pas toujours être facile de donner la réplique à un Franck Dubosc complètement déjanté. Pour garder son sérieux face à un tel énergumène, il a sans doute fallu avoir souvent recours à plusieurs prises.
Il faut reconnaître que le personnage interprété par Dubosc, loser, sans gêne et pique-assiette sans scrupule, est réellement gratiné. Il franchit la ligne jaune, se met délibérément en marge et, ce qui est parfait, c’est qu’il s’y tient tout du long. Résultat, on se marre à chacune de ses apparitions. On a certes souvent envie de lui donner un coup de pied aux fesses - d’autant qu’il nous les exhibe une fois de plus avec complaisance - tant il est horripilant, mais il arrive aussi parfois à se rendre attachant. Un véritable tour de force car son rôle est franchement limite sur le plan de la caricature. Lui seul était capable de le tenir sans être ridicule. C’est simple, il ne présente que des défauts : flemmard, profiteur, misogyne, envahissant, mufle, un peu crétin et j’en passe…Bref, il en fait des caisses. Ça va même un peu loin dans l’excès au cours des scènes qu’il partage avec Géraldine (Virginie Hocq). Si on en rit, c’est nerveusement tant ces parenthèses – totalement inutiles au déroulement de l’histoire – sont lamentablement potaches.
Quant à Jocelyn Quivrin, il joue le déclencheur malgré lui avec beaucoup de conviction. Que ce soit en junkie, ou en baba-cool mystique, il dégage une vraie présence.

En dépit de ces extravagances et de quelques petits dérapages de (bon) goût, ce film se laisse voir avec plaisir. C’est une bonne comédie dont le scénario est loin d’être nul avec ce qu’il faut de rebondissements pour nous tenir en éveil tout du long. Le trio Bénabar-Dubosc-Quivrin tient bien la route. Les femmes (Marivin-Nanty) n’y ont guère hérité que des rôles de comparses, de faire-valoir. C’est un film de mec(s), quoi, mais qui trouvera son public chez tous les sexes.

vendredi 24 avril 2009

Isabelle de Botton "Moïse, Dalida et moi"


Studio des Champs-Elysées
15, avenue Montaigne
75008 Paris
Tel : 01 53 23 99 19
Métro : Alma-Marceau

Une pièce écrite par Isabelle de Botton
mise en scène par Michèle Bernier

Ma note : 7/10

L'histoire : Comme Moïse, comme Dalida, Isabelle de Botton vient d'Egypte.
Elle y est née et y a vécu jusqu'à l'âge de 8 ans. les souvenirs qu'elle en a gardés sont heureux, drôles, toniques. Et quand elle pense à cette époque, lui reviennent en mémoire les odeurs de jasmin et de fleur d'oranger, des images de ciel bleu azur, des goûts sucrés, des sensations de chaleur, de tendresse...
Et pourtant, c'est là que sa vie a basculé. En plein sommeil, la nuit du 2 novembre 1956, quand son père a été arrêté et mis en camp d'internement sur ordre de Nasser, pour la simple et unique raison qu'il était Juif.
"J'avais 4 ans, il a disparu de ma vie pendant quatre mois. A sa libération, il a décidé de quitter ce pays et nous avons eu la chance de pouvoir venir nous installer à Paris..."

Mon avis : Michèle Bernier, sa metteur en scène et amie, dit du spectacle solo d'Isabelle de Botton qu'il est "bouleversant, drôle, original et unique".
C'est tout-à-fait vrai. Il est comme la vie quoi !
Seule sur scène, Isabelle de Botton nous raconte sa prime enfance en Egypte. Vêtue d'une robe rouge, elle est debout devant un saladier dans lequel elle pétrit de la pâte à beignets. Tout un symbole ces beignets. Ce sont les compagnons de toute une vie. Et il y a intérêt à ne pas les rater !
Isabelle a 4 ans et elle se dit très en colère contre son père qui est parti en pleine nuit sans lui dire un mot, sans même l'embrasser. Elle nous transporte à Alexandrie, en Egypte. Nous sommes la nuit du 2 novembre 1956... Soudain , la maisonnée s'anime. Isabelle endosse tour à tour les rôles de tous les protagonistes de ce drame de l'intolérance et de l'abus de pouvoir. Elle est à la fois la mère, le père, la tante, l'oncle, la nounou, le cuisinier soudanais. Elle prend différentes intonations, différents accents (anglais, italien, africain...), parle arabe. Jusqu'à cet épisode douloureux, on comprend que sa vie à Alexandrie avait été on ne peut plus heureuse et protégée. Ses propos sont emprunts de nostalgie, mais pas de tristesse. Elle évoque les odeurs, les couleurs, les saveurs... Toutes ces sensations que l'on n'oublie jamais. Et que l'on ne retrouve jamais.

L'histoire d'Isabelle de Botton est belle comme un livre, mais un livre dans lequel on a le son et l'image en plus. Isabelle est une excellente comédienne - mais ce n'est pas nouveau pour qui la suit - elle occupe la scène avec une belle énergie. Elle pétrit sa pâte pour "profiter de la douceur des douceurs qu'on prépare " pour ceux qu'on aime. Et de l'amour, il y en a plein dans ce spectacle. Il n'y a même que ça. Avec de l'émotion et beaucoup d'humour.
Le récit est parsemé d'anecdotes, de flash-back sur les parcours de son père et de sa mère, de son oncle et de sa tante. Le tout, évidemment, sur fond historique. Car c'est le poids de l'histoire qui allait faire basculer le destin de la famille de Botton. 1956, c'est l'année où Nasser, le président égyptien, a annexé le canal de Suez, ce qui allait entraîner un conflit avec Israël et l'intervention des troupes franco-britanniques... Et le seul tort qu'avait le papa d'Isabelle, c'était d'être Juif. Juif ? Elle ne savait même pas ce que ça voulait dire. Elle n'en prendra conscience que bien plus tard, au collège, en France, et en découvrant certains rites. C'est très satirique, parfois acide, parfois mélancolique... Et c'est tellement plein de vie ! Certains des membres de sa famille sont particulièrement hauts en couleurs. isabelle les croque, avec tendresse certes, mais à la façon d'une caricaturiste, en forçant un peu le trait sur les défauts. Tous les comportements, toutes les attitudes sont subtilement retranscrits. On ne perd jamais le fil de l'histoire. On est au contraire avide de connaître la suite...

Quel délicieux moment nous fait passer Isabelle en compagnie de la petite fille insouciante mais terriblement observatrice qu'elle fut. Et quel beau(x) message(s) elle fait passer. Son spectacle est une formidable leçon d'humanité, de tolérance, d'oecuménisme ; c'est une ode au cosmopolitisme et à l'amour. Ah bon, je vous avais déjà parlé d'amour ? Beaucoup de choses sont dites au cours de ce spectacle qui donnent à réfléchir. Et comme on sourit souvent, que l'on est fréquemment attendri, ça passe avec la légèreté d'un beignet. beignets qu'elle distribue d'ailleurs gentiment à la fin de son spectacle. Donc, si vous voulez avoir le plaisir d'y goûter, réservez les premiers fauteuils...
Mais si vous n'avez pas cette chance, vous vous régalerez quand même.

lundi 20 avril 2009

Celle que j'aime


Un film d'Elie Chouraqui
Avec Barbara Schulz (Isabelle), Marc Lavoine (Antoine), Gérard Darmon (Jean), Anton Balekdjian (Achille), Moïra Grassi (Anne), Jean-Pierre Malo (Brice), Victoria Olloqui (Claire), Lannick Gautry (Steph),Marc Grosy (Alex), Liina Brunelle (Johana)
Sortie le 22 avril 2009

Ma note : 5,5/10

L'histoire : Isabelle est une trentenaire célibataire (depuis qu'elle est divorcée)? Elle est belle, sexy, drôle, émouvante, intelligente... Bref, irrésistible ! Avec Brice, son partenaire, elle est à la tête d'un journal qu'elle dirige d'une main de fer même pas recouverte d'un gant de velours. Tous les hommes sont fous d'elle. Tous !
Et trois, encore plus particulièrement que les autres : son fils, Achille, 10 ans, qui, depuis le divorce, vit serré contre sa mère, l'aimant d'un amour fou, égoïste, possessif, sans place aucune pour un autre homme ; Jean, son ex, un nutritionniste, nostalgique de sa passion pour Isabelle que sa maladresse (à lui) a transformée en échec ; Et Antoine, enfin, le nouveau venu, créateur de dessins animés qui, depuis un an, vit une liaison cachée avec Isabelle. Cachée, puisqu'il n'est pas question qu'Achille soit au courant...

Mon avis : Quelle affiche ! Quel trio alléchant ! Pensez : Darmon, Lavoine et l'adorable Barbara Schulz. On en salive à l'avance... Effectivement, dès le début du film, une voix of, mâle, commence par nous embarquer sur une fausse piste. C'est plutôt réussi quand on comprend qu'en fait c'est Achille, le rejeton d'Isabelle, âgé de 10 ans,qui s'exprime. On se dit alors qu'il va y avoir de l'humour, de la légéreté... En plus, dans son personnage, Barbara Schulz se révèle fidèle à l'image qu'on se plaît à avoir d'elle : rêveuse, un peu écervelée, pétillante, pleine de vie. Même si au travail et dans certaines situations elle se comporte en maîtresse femme... En prime (et quelle prime !), avec son corps de femme-enfant d'une insupportable sensualité naturelle, on a pour elle les yeux de Chimène, ou plutôt ceux énamourés du Cid. Elle est absolument craquante ! Et elle forme avec Marc Lavoine un couple d'un romantisme à faire pleurer les violons...
Et puis, insensiblement, le film s'installe dans un faux rythme, s'embourbe dans des longueurs bavardes. Pourtant, chacune des apparitions de Gérard Darmon apporte un petit sursaut d'animation. De ci, de là, mais bien trop rarement, de jolies scènes amènent un peu de grâce (celle de l'anniversaire surprise et celle des fraises par exemple).

Alors, qu'est-ce qui fait que la sauce ne prend pas ? Le scénario, incontestablement. Dès le premier tiers du film, on n'y croit plus, on se désintéresse. Trop gros, trop d'invraisemblances. Surtout dans la psychologie du gamin. Attention, on a affaire là à un sacré surdoué dans le genre machiavélique. Il faut les imaginer ces idées ! Et il n'a que 10 ans ! Avec un sens aussi pervers de la stratégie et de l'intrigue retorse, il est programmé pour une carrière de militaire ou d'homme politique...
On a compris, le thème du film, c'est le tiers imposé, les difficultés inhérentes aux familles recomposées. Or, le traitement reste un peu bâtard, oscillant sans prendre parti entre la comédie et le drame. Ce qui fait que l'on reste le cul entre deux fauteuils. Et puis, au fil du film, on a de plus en plus de mal à supporter le diablotin. Il joue bien, Anton Balekdjian, il n'y a rien à lui reprocher. Mais on l'entraîne dans une telle duplicité que sa surenchère dans la malignité finit par ne plus être crédible du tout. Tout le monde est bon, d'ailleurs, c'en est d'autant plus rageant. Darmon, Lavoine et Schulz sont trois formules 1 à qui on impose un rallye touristique sur la route Napoléon. A force d'en garder sous la pédale, on s'ennuie ferme. Si bien que, par moments, on sent que Lavoine et Darmon, ne se sentent pas toujours très à l'aise dans ce qu'on leur fait jouer et dans ce qu'on leur fait dire.
Et, c'est vrai, il y a beaucoup, beaucoup de longueurs dans ce film.
Reste, pour le plaisir, cette superbe brochette de comédiens et, pour ma satisfaction personnelle, la présence lumineuse et attachante de Barbara Schulz. Mais cela ne suffira sans doute pas, hélas, pour que ce film rencontre son public.

vendredi 17 avril 2009

De feu et de glace


Diffusion sur TF1, le lundi 20 avril à 20 h 50

Un téléfilm de Joyce Bunuel
Avec Lorie Pester (Alexia Moreno), Christophe Malavoy (Jacques Rocaille), Nadia Fossier (Valérie), Annie Grégorio (Viviane), Linda Bouhenni (Sarah), Olivier Bénard (Malik), Christian Rauth, Aurélie Bancilhon (Katie)…

L’histoire : Alors que les championnats de France de patinage artistique débutent, le public se presse pour assister à la prestation de la jeune Alexia Moreno dont la carrière semble en effet extrêmement prometteuse. Alexia n’a pas ménagé ses efforts pour en arriver là. Lors de son programme sur la glace, la jeune fille chute en tentant un triple axel et se blesse gravement à la cheville. Les médecins diagnostiquent une rupture du tendon d’Achille. Le verdict est sans appel : elle ne pourra jamais rechausser les patins. Le monde d’Alexia s’écroule. Après une vie d’efforts et de sacrifices, la jeune femme se perd dans le milieu des nuits parisiennes pour oublier son échec et rattraper les frustrations d’une jeunesse toute entière consacrée à l’entraînement. Mais le hasard lui fait croiser la route de Jacques Rocaille, un entraîneur de seconde zone qui croit encore en elle. Alexia se trouve alors confrontée à un choix risqué : reprendre le chemin de l’entraînement, au risque d'échouer et de devenir la risée des médias, ou continuer à se perdre dans une vie dépourvue de sens…

Mon avis : La (très) bonne surprise de ce téléfilm quelque peu conventionnel, c'est la prestation de Lorie. Ceci dit, certaines de ses interventions dans des émissions de variétés et ses différentes compositions pleines de charme et de drôlerie au sein de la troupe des Enfoirés nous avaient laissé entrevoir un joli tempérament et un naturel de bon aloi. Mais de là à imaginer qu'elle était capable, pour sa première expérience d'actrice, de porter un film entier sur ses charmantes épaules, il y avait un gros pas à franchir. Car, présente à l'image de bout en bout, elle est pratiquement de toutes les scènes.

L'histoire d'abord. Bon, ce n'est pas le scénario du siècle. Tout y est tellement prévisible que l'on ressent une vague sensation de déjà vu. C'est un conte classique sur la rédemption. C'est bon enfant, c'est gentiment à l'eau de rose mais, au moins, ça véhicule de jolis sentiments et un message réellement positif. Tous les comédiens jouent le jeu, les personnges ne sont jamais trop caricaturaux, ce qui se fait que ce téléfilm se laisse regarder sans déplaisir.
Mais la prestation de Lorie vaut le détour et mérite qu'on s'y attarde. Elle est totalement crédible, sa présence est lumineuse, elle sait parfaitement distiller toute la gamme des sentiments que la pauvre Alexia Moreno qu'elle incarne doit vivre. Il y a certaines scènes dans lesquelles elle est carrément bouleversante.
On peut affirmer sans trop se tromper qu'une belle (double) carrière s'ouvre à elle. On a même hâte de la voir dans un registre un peu plus musclé. On sent qu'elle est apte à tout jouer. Elle est formatée pour ça. C'est inné, quoi ! Il y a vraiment deux Laure en elle...

Mais n' te promène donc pas toute nue ET Feu la mère de madame


Théâtre de Paris
15, rue Blanche
75009 Paris
Tel : 01 48 74 25 37
Métro : Trinité / Blanche / Saint-Lazare

Deux pièces de Georges Feydeau
Mises en scène par José Paul
Décor d'Edouard Laug
Avec Lysiane Meis, Michèle Garcia, Marc Fayet, Philippe Magnan, Stéphane Cottin, Geoffroy Boutan

Ma note : 8,5/10

Les histoires : Dans Mais n' te promène donc pas toute nue, un député reproche à sa femme l'étrange manie qu'elle a de se mouvoir en petite tenue dans leur appartement à la vue de tous (famille, domestiques, voisins, visiteurs...). Alors que dans Feu la mère de madame,c'est cette fois l'épouse qui réprimande son mari parce qu'il rendre passablement éméché au mileu de la nuit après avoir fait la "noce"...

Mon avis : On a beau avoir déjà vu ces deux courtes pièces - toujours présentées à la suite l'une de l'autre -, c'est un plaisir toujours renouvelé en fonction de l'inventivité de son metteur en scène et du jeu des comédiens. Avec ces versions, on est particulièrement gâté.
Déjà, en préambule,fait que ce soient deux courtes pièces, apporte beaucoup plus de concision, donc de rythme. On n'a pas le temps de musarder en route, ce qui est parfois le cas dans des pièces d'une heure trente, comme Chat en poche, par exemple, qui souffre inévitablement de retombées de régime... Ici, aucun temps mort, ce n'est que du concentré d'humour.

Les deux pièces se succèdent habilement "à vue". le salon de la première, par la simple présence d'un lit et de la disparition du plafond, devioent la chambre à coucher qui servira de cadre à l'action de Feu la mère de Madame. Il faut d'ailleurs souligner l'esthétique du décor, très moderne, avec des tons vifs et colorés du meilleur effet.
Les quatre comédiens principaux (Lysiane Meis, Philippe Magnan, Marc Fayet, Michèle Garcia) enchaînent tout naturellement sans provoquer le moindre hiatus et la moindre perte de régime.
Dès le début de Mais n' te promène donc pas toute nue, le ton est donné par le trio de domestiques qui, en attendant le retour de leurs patrons, se livrent à des digressions à volonté culturelle. Il faut voir le traitement qu'ils font des fables de La Fontaine ou des Cyclades... Dans les deux pièces, l'écriture de Feydeau est à son summum de drôlerie. Quel dialoguiste ! C'est vif et pétillant, plein de finesse...
La première pièce est en fait une longue scène de ménage au prétexte quelque peu futile qui va aller en s'enflammant au fur et à mesure de l'action et de l'entrée de différents protagonistes. Pour moi, il n'y a qu'une petite erreur de mise en scène : monsieur le député (que joue Marc Fayet), a tendance a crier un peu trop fort. Il pourrait se contenter de hausser le ton sans pour cela hurler comme il le fait. D'autant que son épouse (formidablement campée par Lysiane Meis) ne lui offre aucune prise tant elle est désarmante de candeur. Un tantinet gourdasse, elle possède néanmoins un bon sens et une logique qui annihilent toute velléité de reproche. On peut noter ça et là quelques clins d'oeil astucieux à l'actualité politique que je vous laisse découvrir. C'est dynamique, joyeux, gagesque à souhait.

Et Feu la mère de madame est du même tonneau, avec un Philippe Magnan irresistible. Avec son accoutrement de Louis XIV et sa perruque en bataille, il ne se départ jamais de son sérieux, ce qui renforce encore le comique de la situation. Ici, les numéros de Marc Fayet et de Michèle Garcia (en servante) sont encore plus hilarants. La mise en scène est en tout point remarquable et notre quatuor s'en donne à coeur joie.
Dans la salle, les rires, frais et spontanés, fusent. la mécanique est imparable. C'est du grand boulevard comme on l'aime. On passe un moment délicieux et, signe on ne peut plus positif, on ne voit pas le temps passer et, quand la deuxième pièce se termine sur un final complètement burlesque, on est presque déçu que ce soit terminé.

jeudi 9 avril 2009

Les Anges de la nuit


Un livre de John Connolly
(Presses de la Cité)

L'histoire : On les surnomme les Faucheurs ; ils sont l'élite des tueurs. Des hommes si terrifiants qu'on ose à peine prononcer leur nom. Louis, l'ami du détective Charlie Parker, a fait partie de cette armée de l'ombre avant de tirer un trait sur son passé. Mais aujourd'hui, il est la cible d'un ancien Faucheur, Bliss, le tueur des tueurs. Charlie Parker, que Louis a souvent tiré de mauvaises passes, parviendrat-il à le sauver ?
Tableau d'un monde crépusculaire où tout n'est que corruption, où les crimes demeurent impunis mais où les trahisons se paient au prix fort. Les Anges de la nuit fascine et glace le sang...

Mon avis : C'est toujours un réel bonheur pour les amateurs de thrillers que de suivre le détective Charlie Parker dans ses aventures pleines de bruit, de fureur et de sang. Mais d'amour et d'amitié aussi... Charlie Parker, ex-flic devenu détective privé suite à l'horrible meurtre de sa femme et de sa fille, un meurtre dont il a puni le coupable, mais qui le hante et le continuera à le hanter jusqu'à la fin de ses jours.
Autour de Charlie Parker gravite toute une galerie de personnages hauts en couleurs. Certains sont de braves gens bien sympathiques, normaux, qui se retrouvent confrontés, la plupart du temps contre leur gré, à un déchaînement de violence. Et d'autres qui sont des voyous de la pire engeance, d'impitoyables prédateurs, d'affreux psychopathes qui considèrent le meurtre comme leur loisir préféré...

Le talent de John Connolly, c'est de s'appliquer à analyser la psychologie de chacun. Rien n'est gratuit. Chaque individu a son histoire. C'est cette histoire qui l'a construit et qui l'amène à avoir tel ou tel comportement.
Dans Les Anges de la nuit, pour une fois, Charlie Parker n'est pas le pivot central du roman. Cette fois, les véritables héros sont Angel et Louis, ses comparses habituels, sa garde rapprochée quand il a besoin de partenaires de confiance. On apprend ainsi la genèse de Louis, d'où il vient et pourquoi et comment il est devenu cette redoutable machine à tuer. Louis a appartenu par le passé à l'élite des tueurs, ceux que l'on avait baptisé "les Faucheurs". Il s'en est affranchi aujourd'hui, mais il a laissé derrière lui de vieilles rancunes, de profonds désirs de vengeance. Or, celui qui cherche désormais à l'éliminer, un dénommé Bliss, était considéré comme le champion hors catégorie des Faucheurs. Malin, retors, sans aucun scrupule, Bliss rêve de ce duel final avec celui qu'il estime comme le meilleur... après lui.
Ce roman est prenant du début à la fin. L'écriture est tellement précise que l'on se projette en plein coeur de l'action sans aucune difficulté. C'est comme un bon film. Et puis rien n'est tout blanc et tout noir. Il y en a qui jouent un double jeu, il y en a qui plongent dans l'aventure à contre-coeur, mûs uniquement par un étrange code de l'honneur ou pour régler une dette. Il y a de la tragédie grecque dans cette histoire. Malgré la violence qui sourd et explose au fil des chapitres, il se dégage une grande humanité dans les thrillers de John Connolly. Et c'est sans doute pourquoi on est tant attaché à Charlie Parker et à ses amis.
Que du plaisir. De délicieux frissons, et du plaisir.

lundi 6 avril 2009

Erreur de la banque en votre faveur


Un film de Gérard Bitton et Michel Munz
Avec Gérard Lanvin (Julien), Jean-Pierre Darroussin (Etienne), Barbara Schulz (Stéphanie), Jennifer Decker (Harmony), Philippe Magnan (Baudoin), Scali Delpeyrat (Gilbert), Roger Van Hool (Bergstein), Eric Berger (Alban), Eric Naggar (Du Rouvre), Martin Lamotte (Antoine), Laurent Gamelon (Georges)...

Ma note : 8,5/10

L'histoire : Lorsque Julien Foucault, maître d'hôtel de la très vénérable banque d'affaires Berthin-Schwartz, apprend son licenciement, il y voit l'occasion de réaliser son rêve de toujours : ouvrir un restaurant avec son meilleur ami Etienne, un excellent cuisinier... Pourtant, après dix-sept ans de bons et loyaux services, la banque lui refuse toute aide financière. Julien décide alors de tirer profit des informations confidentielles dont usent ses employeurs...

Mon avis : Quel bonheur que ce film ! Voici là une excellente comédie "à la française" ; drôle, intelligente, remarquablement construite, avec une floppée de comédiens irrésistibles. En fait, cette comédie n'est pas si légère qu'il y paraît. C'est même une étude sociologique très poussée dans laquelle nombre de vérités sont dites et montrées.
Le scénario est implacable, très humain. C'est une fable. Ou comment un minuscule grain de sable peut en arriver à gripper une machine parfaitement huilée jusque là.
Ce grain de sable, c'est Gérard Lanvin. Il est absolument épatant de véracité dans ce rôle. Il n'en rajoute pas, il est dans la normalité, voire même à la limite du sous-jeu. Aucun machiavélisme chez lui, aucune agressivité. C'est juste la réaction d'un bonhomme lambda face à ce qu'il considère comme une réelle injustice : pourquoi les dirgigeants de cette grosse banque d'affaires pour laquelle il a donné dix-sept ans de sa vie et où ses services semblaient très appréciés, le méprisent-t-ils ainsi en lui refusant un modeste prêt ? Il se comporte alors comme un individu moralement blessé dans sa dignité. Et Lanvin est parfait. Tout en retenue, parfois dépassé par le comportement de ses copains, ces personnes modestes qui l'entourent.
Copains symbolisés par un Darroussin qui nous concocte une composition d'une finesse absolue. On ne peut que se reconnaître en lui car il n'est pas tout d'une pièce. Il est même assez complexe. Sûr de lui derrière ses fourneaux, fragile et puéril quand il se met à aimer comme un collégien, vindicatif et âpre au gain quand ses économies sont menacées, égoïste et pusillanime quand il se sent en danger, généreux et altruiste quand il redevient lucide... Au fond, il a très bon fond. Il nous sert une prestation de haut vol qui nous le rend terriblement sympathique car vachement humain avec toutes ces qualités et ces défauts.

Si Lanvin et Darroussin peuvent nous fournir un tel numéro de comédie, c'est aussi parce qu'ils sont entourés d'une brochette de comédiens éminement jouissifs.
De film en film Barbara Schulz est de plus en plus féminine. Fofolle, pétillante et touchante, elle est vraiment craquante et "aimable" dans le sens étymologiste du terme. Laurent Gamelon, égal à lui-même, est truculent à souhait. Philippe Magnan, qui nous offre habituellement tant de remarquables compositions au théâtre, est une fois de plus troublant d'authenticité dans ce rôle de PDG hautain redoutablement roué...

Ce film est un délice pour gourmet. Les dialogues, sucrés-salés, parfois acides, sont savoureux. La peinture du milieu des nantis est acerbe. Certaines scènes sont de purs moments d'anthologie (je pense en particulier à celle avec les parents d'Harmony). Les quiproquos ne sont jamais lourdingues. Bref, cest un film qui a du sens ; du fond et du sens. Personnellement, j'y ai plus pris de plaisir qu'à Bienvenue chez les Ch'tis.
Il faut aussi souligner l'importance et la qualité de la musique qui est spécifique à chaque classe sociale, classique quand il s'agit des riches. Et quelle heureuse trouvaille que l'emploi du cor de chasse !
Je suis persuadé que, quand les Américains vont découvrir ce film, ils vont vouloir en faire le remake...

mercredi 1 avril 2009

Jules et Marcel


Théâtre Hébertot
78bis, boulevard des Batignolles
75017 Paris
Tel : 01 43 87 23 23
Métro : Villiers / Rome

Ecrit par Pierre Tré-Hardy d'après la correspondance échangée entre Marcel Pagnol et Jules Raimu
Avec Michel Galabru (Jules Raimu), Philippe Caubère (Marcel Pagnol), Jean-Pierre Bernard (Le narrateur)

Ma note : 7,5/10

Note d'intention : Il s'agit d'une lecture de lettres échangées entre l'écrivain Marcel Pagnol et Jules Raimu, son ami et acteur fétiche. Le thème central est le cinéma, passion qui a relié leur vie durant ces deux personnages hors du commun. Ces lectures reposent sur des lettres authentiques et souvent inédites, ainsi que sur des conversations entre les deux personnages afin d'exprimer les liens d'amitié qui les reliaient. L'ensemble crée une dramaturgie, où rires et émotions sont présents jusqu'à la fin. C'est également l'occasion d'entrer dans l'intimité des secrets de ces hommes hauts en couleur.

Mon avis : SAVOUREUX ! Il n'y a pas d'autre mot pour définir le plaisir que l'on ressent durant ces échanges entre deux personnages hors normes à travers leurs échanges épistolaires.
Pas besoin de décor. Ce sont les deux "stars" qui comptent. Deux petits bureaux identiques, deux chaises, deux verres d'eau (auxquels ils ne toucheront point), et c'est tout. Un narrateur pour faite le lien quand il y a nécessité d'une précision quelconque, historique ou d'ordre privé et Pagnol-Caubère côté cour, Raimu-Galabru côté jardin. Devant eux, leur texte. Car c'est de lectures qu'il s'agit... pas de fioritures, on entre illico dans le vif du sujet...

La première rencontre entre Marcel Pagnol, auteur à succès, et Jules Raimu, énorme vedette du théâtre, a lieu en 1929. Pagnol a l'intention de proposer le rôle de Panisse à Raimu pour sa pièce de théâtre Marius. Mais quand ce dernier en découvre le texte, il fait une fixette sur le personnage de César. Il s'ensuit une première joute épistolaire... D'emblée, les deux personnalités se dessinent. N'oublions jamais que nous avons affaire à deux Provençaux pur jus, à deux "Sudistes" comme se plaît à le préciser Pagnol. "L'ézagération" est chez eux chronique, c'est un art de vivre.
Raimu collectionne à lui tout seul toute une batterie d'arguments : il est roublard, pittoresque, ronchon, susceptible, peu conciliant, cabot, imbu de sa personne...
Pagnol est beaucoup plus diplomate tout étant malin, tolérant, calculateur...
En fait, nous assistons à une sorte de partie d'échecs entre deux advesaires complètement dissemblables. Pagnol est obligé de s'en tenir à une stratégie d'anticipation. Il lui faut prévoir les réactions de Raimu, les analyser, et les contrer. Raimu, lui, a un jeu plus direct. Il fonce, tonitrue, vitupère, s'indigne, joue les coquettes.
Il faut souligner la présence incomparable de Michel Galabru. Avec sa grosse voix rocailleuse et chantante telle un torrent dévalant la garrigue, il incarne Jules avec une gourmandise et un bonheur évidents. Sa rondeur, ses mimiques, son oeil rieur, ses moues, ses intonations, sa façon de se faire complice avec le public, expriment toute la rouerie et l'immense talent dont faisait preuve son illustre prédécesseur dans le rôle de La femme du boulanger. Personne d'autre que lui n'aurait pu endosser une aussi volumineuse personnalité.
Philippe Caubère, de son côté, en arrive parfois à se départir de son rôle pour regarder jouer Galabru. Il porte vers lui des regards affectueux, chargés de respect et d'estime, qui n'altèrent en rien la qualité du jeu puisque on peut se permettre de penser qu'il en était de même de la part de Pagnol vis-à-vis de Raimu.

Une chose est sûre, Pagnol a atteint la célébrité grâce à Raimu, et celui-ci a s'est hissé au sommet de son art grâce à la dramaturgie du premier. L'un sans l'autre, ils n'auraient pas connu un tel succès. Chacun d'eux en était conscient, mais ça ne les empêchait pas de se taquiner.
Raimu n'avait pas son pareil pour trouver des sujets de fâcherie. Alors que Pagnol s'évertuait à lui vanter les formidables débouchés qu'amenait le cinéma, lui il y était totalement hostile et défendait âprement les vertus du spectacle vivant. Impitoyable, il adorait aussi décider du choix de ses partenaires. Il remettait aussi continuellement sur le tapis ses problèmes de cachets. Il voulait toujours plus.

De chamailleries permanentes en pseudo fâcheries, c'est tout un pan du cinéma et du théâtre français qui se dresse et défile ainsi devant nous. Certaines lettres de Raimu sont pleines d'une réjouissante truculence. Quant à Marcel Pagnol, ce "menteur de charme" comme l'avait baptisé Fernandel, il fait preuve d'une plume subtile et redoutable. Il atteint des sommets dans cette lettre dans laquelle il explique que sa mission est de "faire rire". Un grand moment de littérature !
Certaines phrases, certaines anecdotes sont du domaine de l'anthologie.
On réalise combien ces deux personnages comptent dans notre patrimoine, l'un - Pagnol - à travers son oeuvre romanesque, théâtrale et cinématographique. L'autre - Raimu - à travers toute une galerie de personnages qui ont marqué une période du cinéma français d'une empreinte indélébile.

SAVOUREUX ! On passe un moment savoureux en compagnie de ces deux monstres sacrés. Deux monstres du passé et deux monstres de la scène d'aujourd'hui. Merci à vous messieurs.