vendredi 31 juillet 2009

Alex Pandev "Le cri de la fourrure"


Comédie de Paris
42, rue Fontaine
75009 Paris
Tel : 01 42 81 00 11
Métro : Blanche

One-woman show écrit par Alex Pandev
Mis en scène par Agathe Bergmann

Ma note : 7/10

L’histoire : Un dimanche soir, Elle, complètement décalée et furieusement défoncée aux grandes marques, atterrit seule et blessée, dans un club miteux où elle ne connaît personne et où elle va, avec une joyeuse férocité, ouvrir les failles, creuser les brèches de son existence et s’acharner à trouver le bonheur…

Mon avis : Le cri de la fourrure ??? Plutôt énigmatique comme titre ! on ne le comprendra d’ailleurs qu’à la toute fin du spectacle, et il prendra alors toute sa saveur. Bien que… Si on est attentif, on peut l’anticiper car il est tout à fait explicite et logique…
Première scène : A demi allongée sur une sorte de transat en plastique blanc, dans une pose affectée, Elle arbore une mini robe évasée noire et blanche estampillée Courrèges, des bottes blanches, des collants noirs, de grands gants noir et blanc et, évidemment, des lunettes de soleil. Jouant nonchalamment avec une cigarette, elle se lance sans plus attendre dans une diatribe absolument pas politiquement correcte. On sait tout de go à qui on a affaire. A une bonne bourge bien snob des quartiers chics de Paris, avec tous ses tics, ses attitudes, ses clichés et ses sentences à l’emporte-pièce sur tout et sur rien, avec un goût toutefois prononcé sur le futile et un amour compulsif et inconditionnel des marques… Ajoutez à cela un ton très précieux, servi par une jolie voix grave, un vocabulaire riche et imagé entrecoupé sans cesse d’anglicismes prononcés avec une préciosité très appuyée (« I dream », « Fuck ! », « Why ? », etc, etc…).

Et Elle nous raconte sa vie. Elle nous la narre avec une suffisance si caricaturale qu’elle en devient risible. Une vraie précieuse ridicule ! Assez vite, Elle commence à se dévoiler. Convaincue de son pouvoir de séduction, elle nous relate ses histoires d’amour avortées à peines entamées, ses ébauches de débauche, égrenant une litanie de prénoms et de profils masculins qui sont autant d’échecs sentimentaux. Bien sûr, elle fait celle qui n’en a cure. Ils ne la méritent assurément pas… Tout cela est énoncé dans un langage plutôt châtié, mais ponctué parfois de fulgurances bien crues et salaces qui font jaillir quelques « Oh ! » effarouchés des bouches de jeunes femmes un tantinet offusquées.
Cette Diane chasseresse narcisso-hystérique qui voudrait tant devenir enfin elle-même une proie, n’hésite néanmoins pas à saupoudrer son existence dorée de prises de risques insensées ; comme son odyssée dans… le 9-3 ! C’est Marie-Chantal à Saint-Denis, une aventure périlleuse teintée d’un exotisme déconcertant et générateur de frissons qui font délicieusement monter l’adrénaline. Quelle témérité ! Quelle inconscience !

On l’a déjà signalé, Elle possède une fort jolie voix ; une voix qui lui permet de pousser remarquablement la chansonnette. Son interprétation de « Lili Marlène » est particulièrement intense. Le silence qui se fait dans la salle à ce moment en atteste. En plus, elle bouge vraiment bien. Ce sens du rythme lui vient sans doute de sa troublante double personnalité qu’elle qualifie elle-même de « Négresse ashkénaze » !!! Pour être allumée, elle est bien allumée. Comme beaucoup de gens de sa caste, elle pratique la férocité avec une dent d’une dureté impitoyable. Il faut entendre ce qu’elle pense de sa « copine » Hermine. Pour ce qui est de dire du mal de son prochain, Elle n’a aucun état d’âme. Elle s’en fout même complètement puisqu’Elle assume et revendique haut et fort son jouissif statut de « garce ». Elle se permet d’autant plus de se lâcher, qu’elle est terriblement jalouse du bonheur des autres. Insupportables et parfaitement ridicules pour Elle… Et pourtant…

Et pourtant, et ce n’est pas là le moindre talent de la comédienne, sous cette avalanche de méchanceté, de mépris, d’égocentrisme, de suffisance (elle a peur par exemple d’attraper sur ses vêtements « l’odeur de la pauvreté), elle réussit subrepticement à nous faire comprendre qu’en fait elle est en souffrance. Dans sa quête exacerbée du bonheur pointe un profond désarroi, une solitude crasse. Elle a beau se vanter d’être quelqu’un de « simple et sauvage », elle n’est au fond d’elle-même que quelqu’un de très complexe et de bêtement consensuel. En fait, son seul désir – totalement inavoué – c’est de vivre auprès d’un bon mari et d’avoir un enfant. Mais elle est bien trop orgueilleuse pour condescendre à le reconnaître… Après tout, elle a son chien…

Voici, en gros, le contenu de ce Cri de la fourrure, un one-woman show décapant, haut en couleurs, délicieusement inconvenant (tant pis pour les pisse-froid) et, surtout, formidablement interprété par une comédienne aux talents multiples, bien extravertie, sans inhibition aucune, et au jeu parfaitement maîtrisé. Seul (tout) petit reproche, elle a parfois tendance à faire un peu trop durer quelques scènes d’hystérie (sur « Piensa Me », ou lors de certaines chorégraphies « énervées » qui, à mon goût, seraient plus efficaces si elles étaient plus brèves). Mais c’est bien peu en regard de la qualité de ce spectacle totale, remarquablement écrit (il faut le souligner) et interprété par une véritable Nature.

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