dimanche 21 février 2010

Colombe


Comédie des Champs-Elysées
15, avenue Montaigne
75008 Paris
Tel : 01 53 23 99 19
Métro : Alma-Marceau

Une pièce de Jean Anouilh
Mise en scène par Michel Fagadau
Décors de Mathieu Dupuy
Costumes de Pascale Bordet
Avec Anny Duperey, Sara Giraudeau, Rufus, Grégori Baquet, Benjamin Bellecour, Jean-Paul Bordes, Fabienne Chaudat, Etienne Draber, Jean-Pierre Moulin, Jean-François Pargoud

Ma note : 8/10

L’histoire : Au milieu du 19è siècle, Julien, devant partir accomplir son service militaire, confie sa jeune épouse, Colombe, à sa mère qu’il déteste, la terrible Madame Alexandra, célèbre comédienne. Voici Colombe plongée dans la vie d’un théâtre… Une ravissante ingénue très vite courtisée.

Mon avis : Décidément, il faut bien croire à cette foutue loi des séries, qu’elle soit négative ou positive. Pour ce qui est de la rentrée théâtrale de ce début d’année 2010, le positif l’emporte largement avec, en vrac, Michèle Bernier, Adamo, Alexandra David-Néel, mon Tibet, Thé à la menthe ou t’es citron ?, Stéphane Guillon, On purge bébé, Véronic DiCaire, Monty Python’s Spamalot… Que du bon, du très bon ! Et maintenant, c’est au tour de la pièce de Jean Anouilh, Colombe, de nous proposer un très grand moment de théâtre. Et que l’on ne m’accuse surtout pas de complaisance ou de copinage. Je ne connaissais rien de cette pièce et, même si la distribution en était véritablement alléchante, je me suis rendu à la Comédie des Champs-Elysées sans rien attendre de particulier. Et bien, deux heures plus tard, sans faire l’excès de zèle attendu quand il s’agit d’une Colombe, et bien j’étais totalement conquis.

Cette pièce est intemporelle car elle repose sur deux grands thèmes : le théâtre et, surtout, l’éducation sentimentale d’une jeune fille. Le fait qu’elle se déroule au milieu du 19è siècle n’est donc que secondaire, sauf pour ce qui concerne les costumes. La classe, comme dirait Aldo, le « Fermier » éphémère. Les tenues chatoyantes que porte Anny Duperey sont de toute beauté.
Et puis il y a le sujet, franchement féroce, de ce vaudeville. Le seul personnage pur et idéaliste, Julien (Grégori Baquet) s’en prend plein la tête et plein le cœur. Il est pourtant mignon le couple qu’il forme avec la douce Colombe (Sara Giraudeau) au début de la pièce. Et combien il doit lui en coûter de faire appel à sa terrible mère (Anny Duperey) pour la prendre sous son aile. C’est terrible d’assister à l’indifférence de cette sorte de Diva, arrogante et égocentrique, face à la demande, sinon d’affection du moins d’intérêt, de son fils aîné. Julien parti pour effectuer son service militaire ; Colombe est désormais livrée à elle-même. Loin du caractère absolu et asocial de son mari, elle découvre un monde beaucoup plus frivole, bien plus futile, bien plus agréable à vivre. Et comme elle est belle, fraîche et – provisoirement encore - ingénue, elle est bientôt très courtisée, non seulement par toute la gent masculine de la troupe, mais aussi par Armand, le frère cadet de Julien, le chouchou à sa môman.
Sa rapidité d’adaptation nous surprend. Au début de la pièce, devant son extrême candeur, on a du mal à imaginer qu’elle puisse virer gourgandine… Elle comprend tout ce qu’elle a à gagner dans tous les domaines en jouant les coquettes. Les vieux comédiens, cabots pathétiques, tournent autour d’elle comme des chiens fous. Le directeur du théâtre, pourtant radin, lui offre des robes avec le secret espoir de les lui enlever dans l’intimité de son bureau. L’auteur de la pièce, poète fat, poseur jusqu’à en être grotesque (superbe composition de Jean-Paul Bordes), s’entichant également d’elle comme un ado, en fait sa nouvelle muse. Mais, évidemment, les faveurs de Colombe vont au « produit » le plus frais à sa disposition : le jeune frère… Colombe est un oiseau volage.

Cette pièce est impitoyable, terriblement révélatrice de l’âme humaine quand elle est guidée et par la libido et par l’intérêt. Il ne fait pas bon être faible. Psychologiquement, chaque personnage est remarquablement dessiné. Dans une distribution sans faille, malgré tout, trois d’entre eux sortent du lot. Anny Duperey d’abord. Très joueuse, elle prend un plaisir évident à camper ce monstre d’égoïsme dont toute la carrière a été basée sur le calcul. Elle y va fort dans la caricature. Elle ne conseille qu’une attitude vis-à-vis des hommes : « être femme ». Une fois de plus, elle fait preuve de son immense talent et d’un sens admirable de l’autodérision.
Ensuite il y a Rufus. Dans un rôle il est vrai en or, il donne toute la mesure de son éventail de jeu. Servile, lâche, revendicatif, cynique, misogyne, il a trois morceaux de bravoure qui sont de véritables moments d’anthologie. Il y a cette scène où il apprend son infortune au pauvre Julien en lui décortiquant la fonction de cocu. Et il y a celle, proche de la fin, où il dissèque l’usure du couple. Servi par de superbes textes, il est tout simplement grandiose.
Et puis il y a Sara Giraudeau. Chaque fois que je la vois, elle me sidère par sa facilité à s’approprier les personnages sans avoir l’air de les jouer. Elle ne paraît jamais, elle EST tout le temps. Qu’est-ce qu’elle est touchante au début, quand elle joue les amoureuse romantiques et dévouées. Et comme elle sait passer presque sans transition de cette douce réserve à une roublardise tout aussi discrète. Elle est une parfaite fausse ingénue (les plus dangereuses), hyper féminine tout en restant juvénile (tout pour faire des ravages dans les cœurs soudain réveillés des vieux libidineux). Avec son air de ne pas y toucher, elle nous fait tous craquer, que l’on soit sur scène ou dans la salle. En plus, je suis très sensible à sa voix, douce et légère comme une caresse. Papa et maman peuvent vraiment être fiers de leur progéniture.

1 commentaire:

audrey a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.