mardi 4 mai 2010

L'Illusionniste


Théâtre Ranelagh
5, rue des Vignes
75016 Paris
Tel : 01 42 88 64 88/44
Métro : Passy / La Muette

Une pièce de Sacha Guitry
Mise en scène et en musique par Tristan Petitgirard
Décors d’Olivier Prost
Costumes de Chloé Olivi et Mélisande de Serres
Avec Philippe Stellaire (Paul, alias Teddy Brooks), Sandra Valentin (Jacqueline), Cybèle Villemagne (Miss Hopkins), Tristan Petitgirard (Albert), Lucie Bataille (Honorine), Hervé Rey ou Christophe Canard (Gosset)

Ma note : 7/10

L’histoire : Teddy Brooks manipule aussi bien les cartes que le cœur des femmes. Invité chez un couple de bourgeois afin de faire quelques tour pour eux et leurs amis, il ne trouve pour seul public que Jacqueline, la maîtresse de maison. C’est lui qui vient d’être joué, pour son plus grand plaisir. Mais devant l’assurance de l’artiste, Jacqueline fait machine arrière. L’illusionniste va devoir réussir son plus beau tour s’il veut arriver à ses fins…

Mon avis : L’Illusionniste est ce qu’on pourrait appeler « une pièce de jeunesse » de Sacha Guitry. En effet, lorsqu’elle été présentée la première fois sur scène, le 28 novembre 1917, le dramaturge n’avait que 32 ans. C’est la raison pour laquelle les trois principaux protagonistes de cette comédie sont des trentenaires… Le superbe théâtre Ranelagh est le cadre rêvé pour ce marivaudage sentimental car il lui donne de l’allure et de la prestance. Esthétiquement parlant, la première image est tout bonnement magnifique. Cette ingéniosité du metteur en scène nous place ainsi d’emblée dans les meilleures dispositions d’esprit… Teddy Brooks, magicien de son état et séducteur invétéré, est aussi doué pour manipuler les cartes que les cœurs des femmes. On assiste justement en direct à une de ses habiles manœuvres. Elégant, racé, enjôleur, il possède un redoutable savoir-faire en la matière. Malheur à la petite oie blanche un peu crédule sur laquelle il jette son dévolu. C’est le cas de la naïve Miss Hopkins, une jeune chanteuse qui passe depuis peu dans le même programme que lui.
Or, notre prédateur va se trouver confronté à son insu à son double féminin, Jacqueline, une cocotte qui ne séduit que par intérêt. Cette gourgandine, extrêmement désirable, se fait entretenir par un bourgeois enamouré, soumis et falot, qui répond au petit nom d’Albert. En découvrant le beau magicien, Jacqueline, visiblement lassée par cette routine ouatée, sent ses instincts de Diane chasseresse se réveiller. Faisant fi du matou embourgeoisé et ronronnant, elle veut se mesurer à un grand fauve… Qui va l’emporter dans ce duel feutré où les vrais sentiments sont dès lors escamotés dans deux cœurs à double fond ?... Pourtant les jeux sont faussés, les cartes biseautées. Lequel posera à l’autre le premier lapin qui sortira du chapeau ? De toute façon, il y en a un qui a plus à perdre que l’autre… Le combat est déséquilibré. Mais ils ne le savent pas encore…
Déjà Guitry démontre dans cette pièce une grande connaissance de l’âme humaine et de ses méandres en matière de galanterie. Les dialogues sont étourdissants de malice et légèrement saupoudrés de perversité. Le duo composé de Sandra Valentin (Jacqueline) et Philippe Stellaire (Teddy Brooks) est réellement performant. Leur bras de fer dans des mots de velours donne lieu à un joli moment de comédie…Tristan Petitgirard aussi, dans le rôle d’Albert, l’amant bafoué n’est pas mal non plus. Il apporte une petite note d’humanité.
Quelques petits hiatus toutefois sont à relever : Cybèle Villemagne, touchante et retenue au début, a tendance à tomber dans l’excès dans la deuxième partie et à grimper dans les « décybèles ». C’est peut-être là la seule petite maladresse de mise en scène. Elle fait sans doute ce qu’on lui a recommandé de faire. Elle sera donc pardonnée… Le fait que L’Illusionniste soit une des premières pièces écrites par Guitry explique sa tendance à tirer parfois à la ligne. Le dialogue entre Jacqueline et Albert au début de la deuxième partie tourne un peu en rond, et la scène du voyage imaginaire auquel se prêtent Paul et Jacqueline est un tantinet longuette. Mais, honnêtement, cela reste très digeste et, toujours, bien écrit.

Cette pièce, alerte et plaisante, a le goût délicieux d’un bonbon acidulé. Normal direz-vous, puisque le Ranelagh est une véritable bonbonnière.

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