mercredi 22 septembre 2010

Paris Frou-Frou "La dernière séance"


Théâtre Déjazet
41, boulevard du Temple
75011 Paris
Tel : 01 48 87 52 55
Métro : République

Un spectacle musical écrit et mis en scène par Jérôme Savary
Piano et direction musicale : Philippe Rosengoltz
Costumes : Michel Dussarrat
Avec Michel Dussarrat (René/Renée) et Frédéric Longbois (Monsieur Roger)

Ma note : 6/10

Synopsis : Monsieur Roger est le directeur de Paris Frou-Frou, un cabaret de revue minable situé non loin du célèbre Moulin Rouge. René (ou Renée) en est à la fois le présentateur et la meneuse de revue, magicien et travesti, marin et fille à marins. Les affaires vont mal et Monsieur Roger songe à licencier René(e) qui, il faut le dire, va sur ses 65 ans… René(e) fit semblant de ne pas comprendre et se lance dans la présentation de numéros époustouflants qu’il souhaiterait mettre au programme de la revue de rentrée.

Mon avis : Toute l’action se passe dans le bureau de Monsieur Roger, directeur du cabaret Paris Frou-Frou. Un artiste androgyne, René(e), très élégant dans son frac nous y introduit avant de disparaître en coulisses, nous laissant seuls avec Monsieur Roger, sorte de gros poupon truculent qui ressemble étonnamment à l’acteur américain Dany DeVito. L’homme est visiblement au bout du rouleau, son cabaret ne tourne pas, et il ne sait pas trop comment monter sa prochaine revue. Son plus gros problème est comment se débarrasser délicatement de René(e) atteint par la limite d’âge depuis déjà quelques années.
Dans le but de faire des économies, le budget « plumes d’autruche » étant par trop dispendieux, il a l’idée de les remplacer par des plumeaux. Et pour prouver l’efficacité de son idée, il se livre à un numéro de music-hall façon Zizi Jeanmaire. A ce moment, surgit René(e) qui, dans une débauche colorée de très jolis costumes, nous fait lui du Brachetti. Après une scène gentiment égrillarde avec seins télescopiques, il s’ensuit une avalanche de numéros plus ou moins ringards mais assurément kitsch…

J’ai eu du mal à entrer dans la pièce. Le côté pathétique et naphtaliné du premier tiers me faisait un peu de peine malgré tout le mal que se donnaient les duettistes. Seule l’absolue magnificence des costumes trouvait grâce à mes yeux. Il faut dire qu’ils sont aussi superbes qu’originaux. Et puis, petit à petit, le charme désuet de l’œuvre a commencé à m’attendrir. Paris Frou-Frou (La dernière séance) n’est en fait qu’un prétexte pour rendre hommage à la formidable carrière de Michel Dussarrat, une des figures marquantes de l’histoire du Grand Magic Circus. Il nous offre là une sorte de digest de son parcours. Et Frédéric Longbois lui offre une réjouissante réplique. On ne peut pas leur reprocher la conviction qu’ils y mettent. Certains numéros sont désopilants à souhait, toujours grâce à l’extravagance des tenues et à l’outrance des maquillages. A ce titre, la parodie de Madame Butterfly avec un Frédéric Longbois qui ressemble plus à un « gay chat » qu’à une geisha est particulièrement représentative.
Nous avons donc droit à un spectacle certes un peu vieillot dans sa forme et dans son esprit, mais qui, à l’arrivée, s’avère plutôt sympathique avec deux comédiens sont irréprochables. Mais les véritables stars du show, ce sont les costumes, tous conçus par Michel Dussarrat. On en a vraiment plein les mirettes.

samedi 18 septembre 2010

Baptiste Lecaplain se tape l'affiche


Théâtre Trévise
14, rue de Trévise
75009 Paris
Tel : 01 48 65 97 90
Métro : Grand Boulevards / Cadet

Spectacle écrit par Baptiste Lecaplain et Aslem Smida
Mis en scène par Aslem Smida

Ma note : 6,5/10

Mon avis : Puisque Baptiste Lecaplain nous confie à un moment qu’il est Normand, je vais essayer d’analyser son one-man show façon « p’t’êt’ bien qu’oui – p’t’êt’ bien qu’non ».

P’t’êt’ bien qu’non :
Lorsqu’on quitte la salle du Trévise après le spectacle, on sait que l’on a beaucoup ri, mais on a du mal à retenir sur quels sujets. Baptiste possède la formidable faculté de prendre une salle à bout de bras et de s’amuser avec elle. C’est efficace, plaisant, on se laisse faire volontiers car son charisme et son pouvoir de séduction sont irrésistibles. En relativisant bien sûr – car il possède tout de même un talent très, très supérieur à la moyenne -, il nous propose un show un peu à la manière d’une fin de repas de mariage quand le comique de la famille s’installe au milieu de la salle des fêtes et fait son numéro…
Baptiste Lecaplain jouit d’un potentiel comique indéniable. S’il sait ô combien y mettre les formes, il manque encore de fond. La plupart des thèmes qu’il aborde ont été déjà traités par d’autres, il se contente d’y ajouter son tempérament à lui. Dès qu’il arrive sur scène, il ouvre le haut débit et nous noie sous un flot de paroles non stop. De ce côté-là, il s’en sort plutôt bien. Il passe du coq à l’âne, évoque son enfance, ses complexes, ses colocataires, se métamorphose en spermatozoïde, fait ses courses, s’interroge sur le bien fondé des magasins Nature & Découvertes… On rit de ses observations, et on les oublie aussitôt parce qu’il est déjà passé à autre chose ou parce qu’il s’est mis à discuter avec les spectateurs.
Pour résumer ce chapitre négatif, il a tendance à tomber dans la facilité et, du coup, ça manque un peu de matière. Et les trois entrées qu’il nous propose au menu m’ont paru assez indigestes et m’ont fait espérer que les plats principaux s’avéreraient plus roboratifs. Ce qui fut heureusement le cas…

P’t’êt’ bien qu’oui :
Rassurez-vous les critiques positives l’emportent largement. Baptiste Lecaplain est un séducteur-né. En quelques minutes, il nous met dans sa poche (ce doit être une poche kangourou car je n’ai jamais vu un artiste aussi bondissant). Puisque je parle du physique, allons au bout : il fait preuve d’une débauche d’énergie insensée. C’est un véritable personnage de dessin animé, tant des ses expressions que dans sa gestuelle. D’une souplesse étonnante, monté sur ressorts, on a l’impression que ses jambes sont indépendantes de son tronc. Rien à dire, il sait bouger et ce n’est jamais à côté de la plaque… Son charme lui permet d’établir une communication aimable et spontanée avec un public avec lequel il ne cesse de jouer. Très réactif, il saisit les réflexions au bond, interpelle les spectateurs…
Baptise fait preuve à son égard de beaucoup d’autodérision, ce qui a pour effet, si besoin était, de nous le rendre encore plus sympathique. Il ironise sur son prénom, se plaint de son corps ( !), déplore d’être le seul humoriste en France « à transpirer des genoux »… J’ai beaucoup aimé son discours sur les produits hard discount des grands magasins et son sketch sur le spermatozoïde égaré sur le mauvais chemin, très fin et très imagé, est le pic qualitatif de son spectacle. Et j’ai particulièrement apprécié son habileté à utiliser les running gags et les gimmicks. Ça, c’est aussi réussi qu’intelligent car il faut une sacrée présence d’esprit pour placer ces clins d’œil à bon escient.

Conclusion
:
J’ai conscience que ma partie « p’t’êt’ bien qu’non » est un peu dure mais, si j’ai vraiment été emballé par sa présence, par sa tchatche, par la sympathie qu’il dégage, par son dynamisme, il m’a simplement manqué, comme je l’écris plus haut, quelque chose de plus concret à me mettre sous la dent et à ranger dans ma mémoire. Et je suis tout-à-fait d’accord avec les trois avis qui figurent sur son affiche : « Entre espoir et révélation » (L’Express), « A suivre de près » (Le Figaro Magazine), « Un talent d’improvisation hors pair » (Direct Soir). Tout cela est juste. Baptiste Lecaplain est réellement prometteur. Il a toutes les qualités pour réussir. Enfin, à mon avis, le cinéma ne devrait pas tarder à lui faire les yeux doux car il est évident qu’il sait tout faire et des « jeunes premiers » de son acabit, on n’en possède pas des masses… Ce ne sont pas les spectatrices qui ont pour lui les yeux de Chimène qui me contrediront.

Beaucoup de bruit pour rien


Théâtre Ranelagh
5, rue des Vignes
75016 Paris
Tel : 01 42 88 64 44
Métro : Passy / La Muette

Une comédie de William Shakespeare
Adaptée et mise en scène par Vincent Caire et Gaël Colin
Costumes de Corinne Rossi
Décor et accessoires de Caroline Rossignol
Avec Auguste Bruneau (Leonato, un garde), Vincent Caire (Claudio, le sacristain), Damien Coden (Don Pedro, Bas-Côté), Gaël Colin (Bénédick), Cédric Miele (Don John, Niche-de-chien, Marguerite, un messager), Mathilde Puget (Héro, un garde), Alexandre Tourneur (Borachio, Marguerite, un messager, frère Francis), Tiphaine Vaur (Béatrice, Marguerite)

Ma note : 7/10

L’histoire : Messsine est en effervescence : Don Pedro est de retour de la guerre, victorieux ! Son protégé, le fougueux Claudio, va épouser la belle Héro, la fille du Gouverneur ; les joutes verbales entre le spirituel Bénédick et l’impétueuse Béatrice font le bonheur de tous. Mais c’est sans compter sur le fourbe Don John, le frère de Don Pedro, bien décidé à ruiner les projets de chacun…
Une adaptation Far-West d’un classique shakespearien pour une comédie intemporelle haute en couleurs.

Mon avis : Shakespeare accommodé à la sauce western spaghetti, il fallait oser. Et pourtant, ça passe comme une lettre à la Poney Express. Cette transposition n’enlève rien à l’esprit de Sir William, au contraire ; tout en le respectant, elle lui apporte un éclairage nouveau. Et même, la pièce gagne en rythme et en nervosité, ce qui ne gâche rien. En fait, elle présente un adroit cocktail entre Commedia dell’arte et cinéma burlesque. Si les scènes de comédie pure et les tableaux follement déjantés prédominent, les passages dramatiques sont scrupuleusement traités. Cette pièce est une tragi-comédie qui se conclut heureusement par une happy end, mais il s’en fallait de peu que la belle histoire d’amour capotât…

Tout dans cette pièce est conçu pour nous dépayser et nous distraire. Les décors sont impeccables. On nage en plein western avec son saloon, ses portes battantes, son piano, son barman, ses danseuses… Et oui, on a droit à un moment totalement délirant de square dance que l’on dirait plus sorti de Chez Michou que de She wore a yellow ribbon. Ces cow-boys sont en effet plutôt cavaliers, et ça nous fait bien marrer.

Vous l’aurez compris, Beaucoup de bruit pour rien version Sergio Leone est servi par une troupe de joyeux lurons dont le seul but est de s’amuser en nous amusant. J’utilise volontairement le mot « troupe », car c’est cet esprit-là qu’ils font régner au Ranelagh (je le dis à chaque fois, mais quel bel écrin que ce théâtre, pour moi le plus esthétiquement raffiné de Paris). Je n’irai pas jusqu’à les traiter, au vu de leurs uniformes, de « cons fédérés », mais ils possèdent tous les huit, un sens inné de la déconne. Ils sont capables de passer de la blague la plus potache à l’affrontement le plus dramatique avec une véracité totale dans les deux genres. Leur jeu est parfaitement maîtrisé. Pour parvenir à une telle qualité de jeu tout en ayant l’air de ne pas se prendre au sérieux, ça en représente des années de travail. Et une belle complicité. D’autant qu’ils campent à eux huit une vingtaine de personnages (19 pour être précis). Je vous recommande particulièrement le numéro ahurissant de drôlerie accompli par un shérif et son assistant plutôt gratinés. Mais il est impossible de synthétiser ce spectacle en quelques scènes tant il est dense et riche. On est chez Shakespeare quand même ! Si nous, dans le public, on n’y pense pas toujours, eux ils le savent et ils gardent le cap. Cap à l’Ouest, certes, mais ils ne dénaturent pas. Et eux, quand il leur arrive de faire beaucoup de bruit, ce n’est pas pour rien, puisque c’est pour notre plaisir…

Ajoutez à cela une bande son particulièrement soignée avec clins d’œil du côté de chez Ennio Morricone et musique appropriée aux différents tableaux, de beaux costumes, et quelques belles trouvailles de mise en scène, et vous aurez la confirmation que l’on passe un très bon moment en compagnie de cette bande d’hurluberlus vraiment doués qui nous offre un spectacle total. Ils sont tous excellents, or j’ai toutefois un faible pour la comédienne qui joue Béatrice. Il est vrai qu’elle est servie par un florilège de phrases aussi assassines qu’intelligentes, et les joutes verbales qui l’opposent au capitaine Bénédick sont brillantissimes, mais elle y apporte tant de fraîcheur, de fantaisie et de conviction que chacune de ses interventions est marquée du sceau du talent.

vendredi 17 septembre 2010

Désolé pour la moquette


Théâtre Antoine
14, boulevard de Strasbourg
75010 Paris
Tel : 01 42 08 77 71
Métro : Strasbourg Saint-Denis

Une pièce écrite et mise en scène par Bertrand Blier
Avec Myriam Boyer, Anny Duperey, Patrick Préjean, Abbès Zahmani, Jean Barney

Ma note : 8/10

L’histoire : En raison d’un obscur décret, une bourgeoise te une clocharde sont amenées à partager le même morceau de moquette. Une main tendue, et tout bascule. Les rôles sont soudain inversés. La bourgeoise voit sa vie (et son époux) sous un nouvel angle. Tandis que la SDF, passée du bon côté, commence à regretter son clochard divinement membré…

Mon avis : Quel privilège que de passer en trois soirs du Dîner de cons à Kramer contre Kramer puis à Désolé pour la moquette… Trois univers totalement différents, trois publics eux aussi différents… et trois plaisirs également différents. C’est comme en amour ; quand plaisir il y a, si les sensations pour parvenir à l’orgasme - avec des partenaires différents, bien sûr – ne sont (heureusement) pas les mêmes, il n'y a que le résultat qui compte. Pour être un peu plus explicite, avec Le Dîner de cons, on fait l’amour allègrement avec un bon copain ou une bonne copine, avec Kramer contre Kramer, on s’offre une relation pleine de romantisme et de tendresse, et avec Désolé pour la moquette, on se vautre avec délices dans une bonne partie de cul bien gaillarde et sans tabous. Ces trois formes d’ébats sont tout aussi jouissives que complémentaires.
Ce préambule, un peu alambiqué je l’admets, nous amène donc au théâtre Antoine où Bertrand Blier nous propose une deuxième pièce qui s’inscrit, du moins pour la forme, dans la lignée des Côtelettes. D’ailleurs, un des personnages n’affirme-t-il pas à un moment que nous ne sommes « que de la viande »… Bertrand Blier est un auteur à part, au cinéma comme au théâtre. Il ne s’interdit rien. Il est surtout un grand amoureux du verbe et ses dialogues contiennent des phrases d’anthologie (je pense entre autre à ce vibrant exposé sur les différentes formes de dégueulis…). Et quand ils sont servis par des comédiennes de la trempe de Myriam Boyer et Anny Duperey, on touche au sacré… J’ai l’air d’exagérer, mais l’univers de Bertrand Blier me plaît et me réjouit particulièrement. Il y a chez lui un mélange de non sens britannique et de farce bien gauloise, rabelaisienne à souhait.
Disons-le tout net, ce genre de pièce ne peut pas plaire à tout le monde, comme disait l’autre. Si on n’adhère pas, on s’offusque, on s’outre, on est choqué, et on pousse de gros soupirs chagrins. Puritains et trompes d’Eustache délicates s’abstenir… Mais quand on adhère, alors quelle jubilation de tous les instants. Il est gonflé le Bertrand. Si Myriam Boyer, connue pour son franc parler et sa truculence est comme un poisson dans les eaux fangeuses qui s’écoulent de la plume de l’auteur, quelle surprise que de découvrir Anny Duperey dans un tel registre. Réussir à lui faire tenir à elle, si élégante et d’apparence tellement « bourgeoise », des propos aussi crus, aussi graveleux et lui faire jouer des scènes aussi croustillantes, ça donne encore plus de piment à la provocation. Elle se livre avec Patrick Préjean, le « clochard céleste », à une scène d’une incroyable sensualité.
Parfois, au milieu de cette misère humaine, s’échappent de jolies bulles de poésie pure. Mais ; attention, si les dialogues hauts en couleurs nous arrachent fréquemment des éclats de rire, on ne peut s’empêcher de recevoir en pleine figure la critique sociale qui est en permanence sous-jascente au propos. Car ce sont en fait cinq solitudes qui se débattent dans un monde impitoyable et broyeur. Leur quête d’amour est pathétique ; comme leur besoin de communiquer ainsi que le proclame le personnage de Myriam Boyer : « Parler, ça fait circuler de la chaleur humaine »…
La fin, complètement inattendue, nous entraîne dans un second degré qui confine à l’absurde. La pièce part soudain en vrille, on revient soudainement à la réalité du théâtre, exactement comme si on était brutalement arraché à un rêve.
Les cinq comédiens jouent à ravir cette partition insolente et souvent dérangeante. Chacun à son tour, par besoin de s’épancher et d’être écouté tout en se parlant à soi-même, se livre à des confessions intimes et impudiques. Il y a énormément de détresse et en même temps un féroce appétit de vivre. On s’accroche à ce qu’on peut, et surtout aux autres. Il y a entre ces cinq comédiens une évidente complicité. Les regards et les sourires qu’ils échangent sont éloquents. C’est comme des galopins qui seraient tout heureux d’avoir réussi une bonne farce. Et, franchement, ils peuvent être fiers d’eux… et de leur auteur et metteur en scène, Bertrand Blier.

jeudi 16 septembre 2010

Kramer contre Kramer


Bouffes Parisiens
4, rue Monsigny
75002 Paris
Tel : 01 42 96 92 42
Métro : Quatre Septembre / Pyramides

D’après le roman d’Avery Corman
Adaptation et mise en scène de Didier Caron
Décors de Catherine Bluwal
Lumières de Jacques Rouveyrollis
Avec Gwendoline Hamon (Joanna Kramer), Frédéric Diefenthal (Ted Kramer), Roland Marchisio, André Penvern, Maud Le Guenedal et, en alternance dans le rôle de Billy, Romann Berrux, Antoine de Brekel, Raphaël Caduc, Nicolas Rompteaux

Ma note : 8/10

L’histoire : Le jour où son fils fête ses 6 ans, Joanna Kramer décide de quitter son mari Ted, lui laissant sur les bras Billy. Ted est alors contraint de concilier ses activités professionnelles avec l’éducation de son enfant. Il va patauger dans cette nouvelle vie dont il ignore presque tout, entre travail, ménage, cuisine, école, sorties au parc et petits bobos. Complètement débordé dans les premiers temps, il va s’habituer tant bien que mal à son double rôle de publicitaire et d’homme au foyer. De son côté, Billy se fait peu à peu à l’absence de sa mère et s’attache de plus en plus à Ted…
Jusqu’au jour où tout s’écroule : Joanna réapparaît pour reprendre la garde de Billy…

Mon avis : Très honnêtement, je me demandais comment allait être traitée la version théâtrale de ce livre adapté au cinéma avec succès par Robert Benton avec Meryl Streep et Dustin Hoffman. J’étais même un peu circonspect en me rendant aux Bouffes Parisiens. Et bien, au bout d’un quart d’heure, tous mes doutes s’étaient envoilés et je me suis fait happer par le déroulement de cette histoire pourtant ultra connue. Les raisons de mon attention ont été multiples.
D’abord le jeu des comédiens. Tout en faisant souvent vibrer la corde de l’émotion, pas une seconde ils basculent dans le pathos. Ils sont en permanence sur le fil et, plusieurs fois, on a la gorge nouée. Dans la deuxième partie, j’ai surpris quelques dames se tamponner discrètement le coin de l’œil.
Ensuite, la mise en scène. Dans un décor minimaliste curieusement construit autour des lettres formant le mot « Kramer » façon énorme jeu de cubes, les modules glissent et pivotent pour former le cadre des différentes actions. On pige très vite le truc et on le trouve remarquablement moderne et ingénieux. Cette souplesse apporte un rythme soutenu à l’action car l’histoire est découpée en une succession de saynètes plus ou moins longues. Un emploi habile du flashback au début nous permet en quelques minutes de cerner les psychologies des deux principaux protagonistes, Joanna et Ted. On voit ainsi défiler les sept premières années de la vie du couple Kramer, le la rencontre à la séparation, en passant par l’accouchement et les anniversaires de Billy. C’est rapide, efficace, très bien fait. Même les scènes banales de la vie quotidienne sont traitées avec une infinie justesse.
Enfin, si on est aussi captivé, c’est que l’on est totalement partie prenante de ce drame. Qu’on soit homme, femme ou enfant, on est concerné par cette histoire. Si on ne l’a pas vécu soi-même - ce qui est aujourd’hui rarissime – des proches y ont été confrontés. On est donc en terrain connu. Il est très facile de se transférer dans les doutes de Joanna, dans la gestion brutale d’homme au foyer de Ted et dans l’adaptation à une nouvelle vie de Billy.

Autour de la famille Kramer gravite une poignée de personnages, témoins et acteurs de leur vie. La bonne samaritaine de voisine amie du couple, le supérieur de Ted, des serveurs et garçons de café, une secrétaire, des avocats, et même un Père Noël... Tous ces rôles sont tenus avec brio par les trois autres comédiens.
Bien sûr, cette pièce repose entièrement sur le trio Joanna-Ted-Billy. Ces trois là sont absolument épatants. Le gamin que j’ai vu (ils sont quatre à se partager le rôle) est confondant d’aisance et de naturel dans des scènes pourtant à fort potentiel émotionnel. En fait, Kramer contre Kramer traite de l'inversion des rôles. Dans la majeure partie des cas, c’est plutôt l’homme qui part et la femme qui reste au foyer pour s’occuper de la progéniture. Ici, c’est le contraire. C’est pourquoi l’exposition du début est indispensable pour nous aider à percer les caractères. De toute évidence, Ted est plus romantique que Joanna. Confinée à la maison, elle souffre d’un terrible manque d’assurance et de maturité. Elle a peur de ne pas être une bonne mère et, au fur et à mesure où son enfant grandit, elle craint de devenir une « maman méchante » par manque de patience et, surtout, parce que sa vie de femme n’est pas accomplie. Alors, elle décide de partir pour essayer de se construire autrement : « J’ai besoin d’exister. Je déteste la vie que je mène. Je ne t’aime plus ». En trois phrases, la messe est dite, le contrat rompu… C’est joué avec un tel déchirement qu’on ne peut que la prendre en sympathie. On ne peut pas la condamner car elle est honnête. Gwendoline Hamon apporte énormément de sensibilité à son personnage. Ses états d’âme sont extrêmement lisibles. Nombreuses sont celles qui vont se reconnaître en elles, sinon dans la mère, tout au moins dans la femme. Elle est vibrante et si touchante dans l’aveu de son haïssable fragilité.

Ted est un homme actuel. Au départ, entièrement tourné vers son travail et son avenir professionnel, il délègue en toute confiance tout ce qui ce qui est intendance à son épouse. Puis, lorsqu’il se retrouve seul avec son fils, il prend ses responsabilités à bras-le-corps. Mais c’est la panique. Et là, c’est à notre tour, nous les hommes, de nous voir à sa place. C’est qu’on est vite débordé quand il nous faut accomplir plusieurs tâches à la fois. Ah, cette gestion du temps !... Frédéric Diefenthal qui, il faut le souligner, est présent sur scène du début à la fin, fait de Ted un homme normal. Il n’en rajoute jamais. Et pourtant, lui aussi, il passe par tous les états d’âme. Sa métamorphose en papa-poule hyper protecteur est joliment bien dessinée. Il y a deux-trois moments de tendresse père-fils qui nous donnent le frisson.

Kramer contre Kramer est une pièce chargée en émotion. Mais c’est de la belle émotion ; de positive qui fait du bien. De celles qui nous prennent dans ce qu’on a de plus simplement enfoui dans nos tripes, en particulier l’amour filial. Il y a des moments dans la salle où le silence est d’une intensité rare. C’est vraiment, vraiment fort. Chapeau aux comédiens et, il ne faut pas l’oublier, au tandem d’adaptateurs et metteurs en scène, Didier Caron et Stéphane Boutet.

mercredi 15 septembre 2010

Le Dîner de cons


Théâtre des Variétés
7, boulevard Montmartre
75002 Paris
Tel : 01 42 33 09 92
Métro : Grands Boulevards

Une pièce de Francis Weber
Mise en scène par Jean-Luc Moreau
Avec Philippe Chevallier (Pierre Brochant), Régis Laspalès (François Pignon), Jessica Borio (Christine Brochant), Olivier Granier (le docteur Sorbier), Stéphane Bierry (Juste Leblanc), Irina Ninova (Marlène Sasseur), Bernard Fructus (Lucien Cheval)

Ma note : 8/10

L’histoire : Si Pierre Brochant vous invite un soir à dîner, méfiez-vous car il a une spécialité : Le Dîner de cons… Un dîner qui a lieu une fois par semaine et dont le principe est tout simple : chaque convive doit amener un con. Celui qui a déniché le plus spectaculaire est déclaré vainqueur.
Ce soir, Pierre est ravi. Il a mis la main sur un champion du monde, un certain François Pignon. Il s’apprête à vivre un grand moment. Sauf qu’il est à cent lieues de se douter qu’avec François les soirées sont toujours imprévisibles et peuvent tourner au cauchemar…

Mon avis : Que dire d’une pièce dont on connaît les situations, les ressorts et certaines répliques par cœur ? Le Dîner de cons est d’abord une comédie remarquablement écrite par Francis Weber. Parfaitement huilée, elle repose principalement sur trois éléments : l’antagonisme entre les deux personnages principaux, Pierre Brochant et François Pignon d’une part, des dialogues savoureux, et une poignée de rebondissements particulièrement efficaces. Evidemment, quand on est dans la salle, on attend avec gourmandise les quelques scènes désormais cultes ; l’attente du public est palpable et, quand elles se produisent, les gloussements et les rires de satisfaction sont quasi orgasmiques…

Philippe Chevallier et Régis Laspalès rendent une copie impeccable. Ils ne souffrent à aucun moment de la comparaison avec leurs prestigieux devanciers (on pense évidemment surtout à Lhermitte et Villeret). Laspalès est un Pignon de haut vol. Il EST François Pignon. Il donne toute la mesure d’un registre comique on ne peut plus complet. Il sait tout faire, passant de la pitrerie la plus puérile à l’émotion la plus touchante. Mais pour que l’opposition des styles soit réussie, il faut qu’en face de cet Auguste, il y ait un clown blanc qui ait du répondant. Philippe Chevallier ne se départ jamais de son sérieux imperturbable (il y a des moments où on ne sait pas comment il fait pour ne pas exploser de rire devant certaines mimiques ou postures de son camarade de jeu). Comme dirait Leblanc, il joue juste. On se met fréquemment à sa place d’arroseur arrosé. Comment se débarrasser de ce type qui tape l’incruste ? En fait, on comprend que si Pignon fait autant d’inertie, c’est qu’il souffre de solitude. Il est heureux d’avoir quelqu’un à qui parler, à qui se confier, quelqu’un à aider aussi. C’est un vrai brave homme. Le problème, c’est qu’il est imprévisible (ou trop prévisible). Il veut trop bien faire mais, hélas, il a la bourde chronique. Et Brochant souffre avec lui du syndrome du bout de scotch du capitaine Haddock. Lorsqu’il le décolle d’un doigt, il s’accroche à un autre… Impossible de s’en défaire.

Bon, en résumé, cette version « chevallier-laspalèsienne » du Dîner de cons est une totale réussite. On peut sans risque lui prédire un énorme succès public. On sait pourquoi on vient au théâtre des Variétés et on en repart comblé par ce qu’on y a vu. Ça fonctionne à ravir et le moteur ne montre aucun raté. Il y a même des moments de pure folie.
La seule chose qui m’ait un peu dérangé, c’est le jeu parfois forcé de l’inspecteur des impôts. Un Cheval qui possède un rire de hyène, c’est marrant une fois, mais il ne faut pas en abuser. Heureusement, le scénario lui permettant de se ressaisir, mon agacement fut de courte durée. Sinon, sa complicité de fonctionnaires potaches avec Pignon est joliment traitée. Il doit s’en passer de belles au bureau !
Enfin, pour un simple plaisir esthétique, les deux personnages féminins, Christine Brochant et Marlène Sasseur, apportent une très agréable note de charme. Et, ce qui ne gâche rien, elles jouent remarquablement leur partition.
Conclusion de ce Dîner de cons : il faut bien que les cons vivent, ne serait-ce que pour se payer une bonne tranche de rigolade.

lundi 13 septembre 2010

Solness le constructeur


Théâtre Hébertot
78bis, boulevard des Batignolles
75017 Paris
Tel : 01 43 87 23 23
Métro : Rome / Villiers

Une pièce d’Henrik Ibsen
Adaptée par Martine Dolleans
Mise en scène par Hans Peter Cloos
Avec Jacques Weber (Halvard Solness), Mélanie Doutey (Hilde Wengel), Edith Scob (Aline Solness), Jacques Marchand (Knut Brovink), Thibault Lacroix (Ragnar Brovink), Nathalie Niel (Kaja Fosli), Sava Lolov (Docteur Herdal)

Ma note : 6/10

L’histoire : Halvard Solness est le plus grand architecte de son pays. Imbu de son statut et de son pouvoir, il règne en tyran sur son petit monde : épouse, collaborateurs, employés… Mais la crise de la cinquantaine, son attirance et sa crainte de la jeunesse, et une ultime rencontre, vont peu à peu le faire basculer dans une irrépressible dépendance.

Mon avis : Dès le début de la pièce, on se dit que le titre eût pu en être plutôt « Solness le destructeur ». Méthodique, il construit des tours et il détruit des vies avec la même absence d’état d’âme. En effet, Halvard Solness se montre tellement odieux et détestable qu’il ne sème que tristesse, rancœur, malaise autour de lui. Bonjour l’abus de pouvoir. Il profite de son statut d’homme-qui-a-réussi dans le monde de l’architecture pour jeter un regard plein d’arrogance sur les personnes qui gravitent dans sa sphère. En fait, sa vie s’arrête à son bureau. Il y règne en maître, en despote. Pour lui, le droit de cuissage est chose banale et naturelle. Et tant pis si on épouse, Aline, le surprend dans ses ébats. Il n’en a cure. Ce mépris chronique rejaillit évidemment sur ses deux principaux collaborateurs, les Brovink père et fils. Il les humilie avec une désinvolture et une indifférence on ne peut plus détestables.
Bref, tout va bien – du moins pour lui – dans le petit monde de Halvard Solness, tyran domestique et professionnel. Pourtant, petit à petit, quelques fissures apparaissent dans ce bel édifice qu’il s’est construit sans scrupules. Sa tour d’ivoire est montée très haut, mais il subsiste quelques faiblesses dans les fondations. Cette fragilité, il faut bien sûr aller la chercher dans le passé, dans un drame qu’il s’est toujours efforcé d’enterrer sous des monceaux de gravats… Autre cause d’effritement : Solness se sent vieillir. Et jamais il ne s’est senti aussi fasciné par la jeunesse. Elle l’aimante et lui fait preuve. Devant un tendron, il peut perdre de sa superbe. Finalement, Solness est un sado-maso. D’une part, il manipule et terrorise son entourage avec une indéniable délectation et, d’autre part, il ne cesse de s’auto-flageller par rapport à ce passé douloureux. Il évoque à demi-mots une « dette morale » qui le ronge.
Et puis surgit dans sa vie ce qu’il désirait et redoutait le plus : la vraie jeunesse. Le rayon de soleil auquel notre Icare va sciemment se brûler les ailes. Le manipulateur va devenir manipulé. Le pervers va se muer en candide. Il s’en rend compte et ça lui plaît.

Voici posés les grands traits de cette pièce d’Henrik Ibsen... Pour incarner « le monstre du Solness » avec autant de véracité, il fallait la puissance dévastatrice d’un Jacques Weber comme toujours superbement inspiré. Il écrase tout autour de lui. Et, au fil de l’histoire, il distille de plus en plus quelques éclairs de doute et de fragilité. C’est du grand art… En face de lui, Mélanie Doutey, vive, pétillante, joyeuse, symbolise parfaitement la jeunesse dans ce qu’elle a de plus frais et de plus désirable. Elle est lumineuse… Leurs échanges font penser à une petite musique de chambre interprétée par une contrebasse (Weber) et un violon (Doutey). Cette opposition est une réussite totale… Edith Scob, frémissante et altière, tire également avec élégance son épingle du jeu. Elle ne cesse de se retrancher sur on obsession du « devoir ». Et si c’était elle la plus forte ? J’ai aussi bien aimé l’émotion que dégage Jacques Marchand dans les débuts de la pièce. Humble et souffreteux, il fait apparaître encore plus impressionnante la force brutale de son patron.

Sur le plan de la comédie pure, ce quatuor est réellement épatant. Le problème, c’est la pièce elle-même. C’est une sorte de puzzle dont les pièces ne s’ajustent pas toujours entre elles. Il y a du mou dans les ressorts, de l’irrationnel dans certaines situations. Ibsen privilégie les échanges forts au détriment d’une construction rigoureuse et cartésienne. Trop d’abstractions et trop d’ellipses. Finalement, cette pièce est très conventionnelle. Elle ne nous ménage guère de surprises. On sent très vite comment va se dévider l’écheveau… Et Ibsen s’est même payé le luxe de faire figurer un personnage qui n’apporte strictement rien à l’histoire, celui du docteur. Il aurait pu et dû nous en apprendre plus sur la psychologie et les pathologies du sieur Solness, mais il ne reste que dans une superficialité souriante et fadasse. Ce n’est pas de la faute du comédien mais en plus, il n’est guère crédible en médecin.

En conclusion, les instruments sont excellents, Le soliste (Weber) – quel régal - est au sommet de son art, le premier violon (Doutey) ne fait que confirmer tout le bien que l’on pense d’elle, mais la partition manque d’originalité et de relief. On ne se laisse pas emporter et il s’avère qu’on s’ennuie un tantinet.

samedi 11 septembre 2010

Sophia Aram "Crise de foi"


Théâtre de Trévise
14, rue de Trévise
75009 Paris
Tel : 01 48 65 97 90
Métro : Grands Boulevards / Cadet

Spectacle de Sophia Aram et Benoît Cambillard
Musique de Raphaël Elig
Lumières de Julien Barillet

Ma note : 8/10

Le propos : Sophia Aram aborde le thème universel de la Foi en analysant les étrangetés et les incongruités qui pullulent dans les trois grandes religions monothéistes, le catholicisme, l’islam et le judaïsme.

Mon avis : Voici un spectacle dont, à l’instar de certains films, il ne faut surtout pas manquer le début. En effet, l’entrée en scène de Sophia Aram synthétise en quelque sorte le propos qu’elle va tenir pendant durant une heure et demie. Je vous en laisse donc la surprise tout en estimant que ce générique de début est une trouvaille aussi réjouissante qu’efficace.
A la suite de quoi, après une onctueuse annonce papale sur l’extinction du sacro-saint portable, Sophia, revêtue d’une fort seyante robe gris perle à dégoulinures argentées, entre dans le vif du sujet. Et elle va direct aux pieux. D’abord, elle affiche ses convictions : elle est athée. Puis, elle remonte à la Création du monde pour en décortiquer malicieusement toutes les invraisemblances. Et Dieu sait s’il y en a !
Après cet exposé paradisiaque, la jeune femme revient à sa propre existence. D’ailleurs elle va sans cesse passer du plus universel au particulier, c’est-à-dire elle-même. Elle ne cache rien de sa situation : elle est d’origine maghrébine, son mari est protestant, ils sont tous deux athées. Mais en dépit de cette conviction affirmée, elle admet qu’il reste toujours une part de doute. Se poser des questions sur l’existence de Dieu, ça sert d’os… à ronger. Et puis ça permet d’en parler et d’en faire un spectacle.
Un spectacle plutôt gonflé, même. Ironiser sur les religions en ces temps où l’intégrisme et l’obscurantisme enfourchent de nouveau les chevaux de l’Apocalypse, il faut faire preuve d’un certain courage et de beaucoup de finesse. Si on est dévot, on va la trouver un peu vache. Si, comme elle, on n’est pas croyant, elle ne prêche pas dans le désert. C’est que toute son argumentation tient remarquablement la route. Crise de foi est un spectacle fin, intelligent et irrésistiblement drôle. Sophia Aram évolue dans un registre thématique dans lequel aucune de ses consoeurs comiques ne s’aventure. Comme dans son précédent spectacle, Du plomb dans la tête, où elle réussissait à faire rire avec un sujet dramatique, le suicide d’une enseignante, elle réitère cette foi avec le thème ultrasensible de la religion.
Son show est très bien construit et surtout, il est très complet. On n’ira peut-être pas jusqu’à qualifier Sophia de « bête de Cène », mais très à l’aise avec son corps, elle bouge remarquablement, se livrant ici et là à quelques chorégraphies souples et rythmées. Elle a toujours le geste et la mimique qui tombent justes. Elle excelle dans les accents, passant entre autres avec brio de la petite fille, à la canadienne (clin d’œil au spectacle précédent), ou à l’arabe ; une maghrébine qui va par ailleurs lui servir de fil rouge puisque son personnage, de peur de se tromper de Dieu, va adopter les rites et les obligations de chacune des trois religions, ce qui va lui rendre la vie impossible.

Crise de foi, est un spectacle où l’on rit rarement aux éclats. Ce n’est pas l’effet recherché. Mais on y est en permanence en train de sourire tant les exemples sont édifiants. Tout ce que Sophia Aram est inscrit dans la livres sacrés, quand ce n’est pas gravé dans le marbre des tables de la Loi. Si bien que, si l’on est un tant soit peu cartésien, il est impensable de croire en de nombreuses affirmations pourtant dogmatiques. Elle prend bien soin en outre de ne pas (dé)favoriser l’une ou l’autre des trois religions monothéistes. Le match est vraiment nul. On en a pour preuve l’avant-dernier sketch où une commentatrice québécoise relate les difficultés de cohabitation que rencontrent un catholique, un musulman et un juif dans un vaisseau spatial… Et puis Sophia s’amuse à émailler ses propos de petites digressions coquines, un peu osées, parfois carrément crues, histoire de se gagner la complicité d’une gent féminine qui, comme elle, aurait tout légitimement le buisson ardent.

Hâtez-vous de vous rendre au théâtre de Trévise, je vous en prie. Vous y passerez un sacré bon moment.