samedi 30 octobre 2010

Chien Chien


Théâtre de l’Atelier
1, place Charles Dullin
75018 Paris
Tel : 01 46 06 49 24
Métro : Anvers

Une pièce de Fabrice Roger-Lacan
Mise en scène par Jérémie Lippmann
Décor et costumes de Laura Léonard
Lumières de Jacques Rouveyrollis
Musique d’Ours et Lieutenant Nicholson
Avec Elodie Navarre (Léda), Alice Taglioni (Linda)

Ma note : 6/10

L’histoire : Linda et Léda… Le même âge, presque le même prénom, mais des existences ux antipodes l’une de l’autre. Les deux femmes se rencontrent à l’occasion d’un de ces week-ends mêlant travail et détente qu’organise le mari de Linda, tout puissant patron du mari de Léda. Elles ont deux heures devant elles pour faire connaissance avant l’arrivée des hommes. Très vite, les rouages bien huilés se grippent et ce qui ne devait être qu’un apéritif courtois tourne à l’affrontement acide. Derrière les apparences, Linda et Léda ne tardent pas à se reconnaître. Dans une autre vie, elles ont été deux petites filles qui ne pouvaient s’aimer sans se faire de mal l’une à l’autre…

Mon avis : Comme elles paraissent petites, Léda et Linda, dans cette immense salle au décor froid ! Peu de meubles, que l’on devine onéreux, un piano, une grande baie vitrée dans le fond avec vue sur la mer, tel est le salon dans lequel Linda-la-blonde vêtue de blanc reçoit Léda-la-brune en tailleur bleu. En fait, cette demeure étrange est construite sur une île. Elles s’y trouvent seules avec deux heures à tuer avant l’arrivée par hélicoptère de leurs maris respectifs. Le seau à champagne trône sur la table. Linda sait recevoir. Très vite, on discerne deux caractères très opposés. Autant Linda, totalement extravertie, semble à l’aise, autant Léda, sans doute impressionnée par le décor et la prestance de son hôtesse, apparaît un peu réservée… Peu à peu, la conversation, menée par une Linda de plus en plus autoritaire, voire tyrannique, tourne doucement à l’affrontement. Linda est l’épouse du patron, elle en use et en abuse. Pour elle, Léda et son mari ne sont que des subalternes. Mais le rapport de forces ne réside pas que dans le statut social. En effet, on va progressivement s’apercevoir que les racines de cette hostilité ont pris naissance beaucoup plus loin. Elles remontent jusqu’à l’enfance ! Et, plus la quantité restante dans la bouteille de champagne diminue, plus les langues se délient et se font vipérines. La pseudo courtoisie du début vire à la peau de chagrin pour ne laisser apparaître que le ressentiment.

Chien Chien, vous l’aurez compris est un huis-clos placé sous le signe de la vengeance. Linda a réservé à Léda un chien de sa chienne… Le problème, c’est qu’on ne se laisse pas happer par cette histoire. Le règlement de compte est, pour moi, bien disproportionné. Décidément, les filles quand elles ont quelque chose qui leur est resté en travers de la gorge, fusse au cours de leur prime enfance, elles rongent leur os le temps qu’il faut pour le régurgiter le moment venu à la face de du ou de la contrevenante. Vu la situation sociale à laquelle elle est parvenue par mariage interposé, la Linda pourrait nous la jouer plus subtile, avec juste ce qu’il faut d’arrogance et de mépris pour faire comprendre à sa rivale qui c’est-y la patronne, non mais… et de bien appuyer en lui faisant remarquer combien la roue avait tourné à son avantage. Et pis c’est tout. Restons-en là. Pas la peine d’’en faire des caisses.
Le deuxième gros souci dont j’ai souffert est d’ordre technique. C’est le son. Cette immense salle presque vide agit en caisse de résonance et il y a des moments où on ne comprend rien du dialogue. Les voix sont diffuses. Ce qui est très gênant quand on sait que les mots sont la clé de cette pièce.

Les deux comédiennes sont formidables. Alice Taglioni a une façon de bouger pleine de félinité, de féminité, de souplesse, d’élégance. Elle a un petit côté panthère blanche très inquiétant. Une panthère qui jouerait avec une gourmandise non feinte au chat et à la souris avec sa proie impuissante. Elle dégage parfaitement une sensation de danger. On la sent prête à attaquer à n’importe quel moment.
Elodie Navarre est une excellente interlocutrice. En totale harmonie avec son personnage, elle joue plus en dedans. Elle rend ainsi évidente et palpable l’opposition entre dominatrice et dominée. Mais, en même temps, petit à petit, on sent percer sa vraie personnalité. Léda a du caractère, ce n’est pas une victime expiatoire et si on la pousse trop loin, elle se rebiffe…
Tout cela est remarquablement interprété. Le problème est que l’histoire est moins forte que le jeu. C’est un peu gâchis. Je n’irais pas jusqu’à dire que c’est revenir à faire jouer Viens boire un p’tit coup à la maison par deux stradivarius, mais tout de même… Bref, je suis resté sur ma faim. Il m’a manqué cette exquise sensation qui s’appelle l’intérêt. Mes yeux ont apprécié le jeu de deux comédiennes impeccables, mais mon esprit n’a pas été satisfait… Et la niche est tombée sur le chien.

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