jeudi 10 février 2011

Une banale histoire


Théâtre de l’Atelier
1, place Charles Dullin
75018 Paris
Tel : 01 46 06 49 24
Métro : Anvers

D’après la nouvelle éponyme d’Anton Tchekhov
Traduction française d’Edouard Parayare
Adaptation et mise en scène de Marc Dugain
Décor de Noëlle Ginéfri
Costumes de Magda Oueslati
Avec Jean-Pierre Darroussin (Nicolaï Stepanovich), Alice Carel (Katia), Gabrielle Forest (madame Stepanovich), Michel Bompoil (Fedorovich), Adrien Bretet (L’étudiant)

Ma note : 7/10

Présentation : De lourdes insomnies portent le vieux professeur de médecine Nicolaï Spepanovich à se pencher sans concession sur son passé. Il a regardé Katia, sa pupille, grandir, aimer, puis sombrer. Ils partagent désormais les mêmes questions sans réponse sur l’amour, l’art, la science et bien d’autres sujets propres à masquer les étranges sentiments qui les unissent.

Mon avis : Une grosse performance de Jean-Pierre Darroussin qui frise le one man show. Il a laissé pousser une barbe où le sel domine nettement sur le poivre, ce qui lui donne un air plus âgé indispensable pour incarner le vieux professeur Stepanovich, usé et désabusé. Médecin brillant, excellent pédagogue, il se sait parvenu au terme de son existence. En raison de son total désintéressement, il a plongé sa famille dans la misère à un point tel qu’il ne peut même pas offrir le conservatoire de musique à sa fille. Humaniste – il est très proche de ses élèves -, épris de science et athée convaincu, il s’est laissé doucement glisser vers une misanthropie aigüe. Il en arrive au moment où il ressent le besoin de dresser le bilan de sa vie. Il veut partir comme il a vécu, avec dignité : « Il ne me reste plus qu’à ne pas gâter le final. Il faut mourir en homme ». Plus caustique que cynique, il aspire à la solitude, au grand dam des deux femmes de sa vie, son épouse, pragmatique et prévenante, et leur fille adoptive, Katia, avec laquelle il a longtemps entretenu une relation tendre et forte.

Servi par une superbe écriture, fluide et incisive, Jean-Pierre Darroussin donne une véritable épaisseur à son personnage. Avec une grande économie de gestes, mais avec, souvent, une lueur de malice dans l’œil et beaucoup de pertinence dans ses propos, il nous livre un jeu tout en subtilité, y compris dans ses silences. On suit aisément son cheminement psychologique. Il veut se débarrasser de toutes les scories de son existence pour réussir à se retrouver seul en tête-à-tête avec lui-même. Pour cela, il lui faut d’abord se détacher de sa femme et de sa famille. Il porte aussi un constat très lucide et désespéré de la société russe. Ayant toujours refusé les honneurs et la célébrité, il en est arrivé à un point où tout lui est indifférent. Et Darroussin, avec ses déplacements lents, sa voix douce mais ferme, est très convaincant. Il nous fait aimer et admirer cet homme qui a beaucoup donné à son métier et qui est revenu de presque tout.

Bien sûr, Une banale histoire n’est pas une pièce des plus guillerettes. Mais elle vaut et par son interprétation et son intensité. Il s’en dégage quelque chose qui appartient au domaine à la fois de l’intelligence pure et de la sensibilité. Alors qu’il sent que son corps le lâche irrémédiablement, l’esprit et la réflexion de Stepanovich sont toujours aussi vifs. On ne peut que s’en sentir troublé…

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