vendredi 28 octobre 2011

Julie Victor


Théâtre de Dix Heures
36, boulevard de Clichy
75018 Paris
Tel : 01 46 06 10 17
Métro : Pigalle

One Musical Show conçu et écrit par Julie Victor et Etienne de Balasy
Mis en scène par Etienne de Balasy
Avec Jérémy Jouniaux (piano), Dominique Mabille (guitare-basse)

Mon avis : J’ai découvert un authentique phénomène… A peine les deux musiciens installés, une voix incroyable sort du fond de la salle en entonnant ce monument de la chanson qu’est Smile (musique de Charlie Chaplin, créée par Nat King Cole et reprise par plus de 40 artistes dont Judy Garland, Diana Ross, Barbra Streisand, Stevie Wonder et Michael Jackson…) Je n’avais pas encore vu Julie Victor et j’entendais Liza Minnelli. Le même timbre, la même puissance modulée et maîtrisée… Et puis elle grimpe sur la scène. Elle est revêtue d’une légère robe noire échancrée en bas, en haut et dans le dos. Visage expressif, regard pétillant, elle investit la scène comme un hussard un champ de bataille. L’émotion suscitée par son interprétation de Smile n’est pas encore retombée qu’elle s’ingénie à en rompre le charme en prenant l’accent québécois pour parodier une Céline Dion plus vraie que nature. Julie-la-Rousse annonce la couleur, ou plutôt sa palette de couleurs : son spectacle ne va pas être linéaire, il va nous faire aller de surprise en surprise, d'univers en univers. Très joueuse, coquine et sensuelle, elle taquine ses musiciens, ironise sur Susan Boyle, explique les difficultés à être une débutante dans ce métier avant de se livrer à une surprenante interprétation de jazz allemand. Agressive et martiale au début, sa prestation opère un crochet brutal vers la fête de la bière avant de se muer en tyrolienne… Julie fait absolument ce qu’elle veut avec sa voix. Et comme elle est en sus une excellente comédienne, le spectacle est total.

Le fil rouge de ce spectacle musical c’est tout simplement sa vie. De son enfance en basse Normandie à son arrivée à Paris. Elle évoque son passage au Cours Florent, ses nombreuses participations à différentes comédies musicales, opérettes et pièces de théâtre, ses expériences dans le monde la pub. Bref, elle a du métier la donzelle. Mais elle n’en fait pas tout un fromage (un camembert pour rester dans sa région d’origine). Au contraire, elle a une très réconfortante propension à se moquer d’elle-même. Sa chanson égo-maniaque et totalement narcissique en est le parfait exemple. Julie ne connaît pas des fins de « moi » difficiles. Elle s’aime et elle a bien raison. Polyglotte, elle prend tous les accents possibles et imaginables, égrène quelques savoureux aphorismes, imite Luchini. D’ailleurs, il faut souligner la qualité d’écriture de ses intermèdes.
Jusqu'à présent nous avons fait connaissance avec la Victor rieuse. Or, elle sait aussi émouvoir. Sa chanson sur l’enfance, empreinte d’une douce nostalgie est bien touchante. Elle s'y livre à un exercice pas évident qui lui permet aussi de montrer toute l’étendue de son talent vocal. Car, comme je l’ai exprimé plus haut, Julie Victor sait tout chanter. Elle passe du jazz au lyrique, du scat à l’opérette et s’autorise même une brève incursion dans le chant sacré (Ave Maria) et le baroque avec une maestria ébouriffante. Et, en plus, cerise sur le livarot, elle bouge sacrément bien. Artiste complète, elle est autant à l’aise avec son corps qu’avec sa voix. Elle est aussi crédible en clown qu’en tragédienne. Et puis, en bonne Normande, elle n’oublie jamais d’être un peu vache. En particulier à propos de certaines de ses consoeurs prétendument chanteuses.

Pendant une heure, épaulée par ses deux complices et partenaires musiciens, Julie Victor nous enchante avec un spectacle polymorphe et éclectique, drôle et émouvant et sacrément professionnel (on sent qu'il y a des heures de travail derrière tout cela. Le seul talent n'y suffit pas). Quand elle y met la touche finale après un joli hommage à son « pays » André Bourvil en interprétant La Tendresse, on ressent comme un sentiment de frustration. On aurait aimé l’entendre dans plus de chansons. Elle a un tel registre ! Personnellement, j’en aurais encore bien pris pour une demi-heure de plus…

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