lundi 17 octobre 2011

Yves Jamait "Saison 4"


Saison 4

Très sincèrement, il y a belle lurette qu’un album de chanson française ne m’avait pas autant enthousiasmé, et dans son entièreté. Saison 4, le quatrième opus d’Yves Jamait est un véritable enchantement. Treize titres, treize tranches de vie relatées avec une écriture riche et flamboyante. Ce garçon est un authentique poète, un peintre de la chanson. Sa plume est comme un pinceau. Elle dessine des tableaux figuratifs avec, parfois, une touche d’impressionnisme.
Saison 4 est un album plein de nostalgie, de réalisme, mais aussi d’humour et d’ironie, avec une bonne dose de recul et d’autodérision. De sa voix d’écorché vif, aux cordes érodées par les alcools forts, Jamait chante la vie, la vie dans tous ses états. Après s’être longtemps fixé à hauteur du foie, il semble enfin avoir levé les yeux du côté de son cœur. Trop de pudeur sans doute. Mais aujourd’hui (le 28 octobre précisément), Yves Jamait atteint la cinquantaine. On ne va lui balancer le couplet de « la maturité », Jamait est à jamais un grand enfant, une sorte de poulbot bourguignon qui ne grandira plus. Dans sa tête, il joue toujours au petit train, il regarde les oiseaux voler et les filles qui passent en écoutant la radio qui chante.
Treize titres, treize petits cailloux joliment travaillés et polis semés sur le chemin. Chacun d’eux a hérité de son écrin personnel avec des arrangements spécifiques, originaux et particulièrement efficaces.

Je vais vous laisser les découvrir et bien en profiter. Mais, auparavant, comme les « Marionnettes » de Christophe, je vais vous les présenter succinctement :
1/ Pauv’ Pom’
Chanson lucide et réaliste dans laquelle Jamait s’auto-flagelle avec entrain et s’amuse avec les clichés sur le temps qui passe, genre « C’était bien mieux avant ». Un titre qui swingue avec une belle véhémence. Chanson assez pessimiste où il ne fait pas de quartier à la pauv’ pom’ qu’il est : la vie est pleine de pépins, et tout finit en compote…
2/ La radio qui chante
Et la fille qui chante avec lui, c’est Zaz. Zaz, c’est sa petite soeur. Ils se sont piqués avec la même aiguille de phonographe trempée dans le jazz manouche. Quel duo, quelle énergie ! Et puis il y a une sacrément belle partie de guitare.
3/ Gare au train
Jeu de mot ferroviaire… Cette chanson très rythmée est emplie d’une poésie bucolico-nostalgique. C’est un album d’images consacré aux souvenirs d’enfance.
4/ Je t’oublie
Complainte elle aussi remarquablement imagée à l’écriture particulièrement ciselée.
5/ C’est beau les filles
Profession de foi avec, néanmoins, une vraie fixette sur la bouche et son ambivalence car la bouche peut à la fois donner des baisers et proférer des mots qui font mal.
6/ La cinquantaine
Pour Jamait, c’est l’heure du bilan. Deux fois et demi 20 ans, c’est symbolique, ça compte dans une vie d’homme. Lui, le temps qui passe lui donne envie de tisser, mais de tisser de joie le fil du temps qui court… tapissée par les arpèges d’un accordéon, l’ambiance est feutrée et douce. En tout cas, il en ressort un sacré besoin d’amour…
7/ J’ me casse
Celle-ci m’a beaucoup amusé parce qu’on y sent une onde de mauvaise foi typiquement masculine. Sur un ton primesautier et une musique ska il aborde les problèmes de la vie de couple, l’incommunicabilité et l’indifférence de l’autre. Alors, il joue au bravache avec cette superbe phrase si pleine de candeur : « Si tu me laisses tomber, j’ me casse ! ».
8/ Même sans toi
Quand je parlais dans l’introduction de tableau figuratif, en voici un charmant. Il y a de superbes images, la nature, la mer, les oiseaux, y sont omniprésents. C’est également plein d’émotion et de tendresse… Il est tout de même paradoxal que ce garçon parle autant de la mer que la côte où il a vu le jour, c’est la Côte d’Or. Il a dû « dijoncter »…
9/ Regarde-moi
La fin d’un amour. Peut-être la conclusion de J’ me casse. Il reconnaît avoir longtemps, sinon toujours, vécu à contretemps. Il nous distille toutefois une information qui pèse de tout son poids : la différence d’âge. Cette confession n’est pas sans rappeler Il suffirait de presque rien de Serge Reggiani.
10/ Arrête !
Puisqu’on est dans les comparaisons, cette chanson fait irrésistiblement penser au Jeff de Brel. Conversations d’ivrognes dans une atmosphère tzigane où les violons lèvent magistralement le coude. Là on n’est pas dans la picole buissonnière d’Un singe en hiver, on est carrément dans le pathétique, quand l’alcool devient misérable et mauvais.
11/ La dernière au bar
Chanson qui dépote et qui parle de derniers pots avec l’énergie du désespoir. Cet adieu au bar, c’est La dernière séance d’Eddy Mitchell, à part qu’on y boit pas de la menthe à l’eau. C’est un bel hommage à tous les compagnons de beuverie sur le point de perdre leur port d’attache.
12/ Rien de vous
Alors celle-là, c’est aux Passantes de Tonton Georges qu’elle m’a fait penser. Une intro guillerette et on entre de plain-pied dans le fantasme. Ce genre de fantasme que tous les mecs vivent et ont vécu : ces filles qu’on croise, qu’on suit des yeux, que l’on invite quelques minutes à un séjour dans notre esprit. C’est plein de légèreté, c’est un rêve pur et innocent qui ne fait de mal à personne.
13/ Trier des cailloux
J’enfonce le clou des comparaisons. Renaud a écrit Le Marchand de cailloux… C’est la chanson d’un papa aussi aimant que fuyant qui va essayer de tenir ses promesses auprès de sa fille. Pour Renaud, c’était Lola, pour Yves Jamait, c’est Faustine. La rivière n’a pas fini de couler et de charrier ses cailloux…

Au fait, je ne sais si je vous l’ai assez dit : je les ai aimées TOUTES, sans exception et sans réserve, les treize chansons de la Saison 4 d’Yves Jamait. Je lui tire ma casquette. Chapeau l’artiste !

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