lundi 26 mars 2012

La Dame d'Ithaque


Le Lucernaire
53, rue Notre-Dame des Champs
75006 Paris
Tel : 01 42 22 26 50
Métro : Notre-Dame des Champs / Vavin

Pièce écrite par Isabelle Pirot et David Pharao
Mise en scène par David Pharao
Avec Marie Frémont et Laurent Montel

L’histoire : Finalement, Homère regrette…
En relisant L’Odyssée, il s’aperçoit qu’il n’a peut-être pas accordé à Pénélope la place qu’elle méritait.
Faisant la part trop belle aux hommes, le célèbre auteur a quelque peu négligé sa plus belle héroïne : passant sous silence la petite fille espiègle, la jeune fille rebelle, la jeune femme amoureuse, la combattante… Celle qui, dans l’ombre, lutte contre le doute et le Temps, tout au long d’une jeunesse qui s’use jour après jour, en l’absence de celui à qui elle voudrait tant l’offrir…

Mon avis : Excellente idée que de mettre la loupe sur un des personnages les moins mis en avant dans L’Odyssée, celui de « l’intraitable Pénélope » comme l’avait qualifiée Brassens qui, paradoxalement, lui a rendu par chanson interposée un plus vibrant hommage que son propre géniteur, le Grand Homère. En fait, en en faisant l’archétype de l’épouse fidèle (celle « qui n’a point d’accrocs dans sa robe de mariée ») tout semble dit dans la chanson… Mais non. Pas tout à fait. On en sait peu sur son enfance et son adolescence. Dans La Dame d’Ithaque, on va en apprendre plus sur cette période de sa vie. Car avant de symboliser le « grillon du foyer » Pénélope a été une petite fille caca-boudin comme les autres, espiègle et insouciante, puis une adolescente effrontée, avant de devenir une jeune maman un tantinet écervelée… Grâce au talent magistral d’une comédienne drôle à souhait, Marie Frémont, ces deux périodes de son existence sont merveilleusement restituées et imagées. On s’y amuse beaucoup. D’autant que son partenaire, Laurent Montel lui répond d’Ithaque au tac avec une attitude très second degré. Le contraste est redoutablement efficace.

Pourtant cette pièce m’a laissé une sensation mi-figue, mi-raisin. Il y a certes un parti-pris des auteurs à osciller entre la tragédie grecque classique et le burlesque. Alors, soit on adhère totalement, et on passe d’un registre à l’autre sans grand dommage. Ou bien on préfère une des deux disciplines et on digère moins bien la seconde. Pour ce qui me concerne, j’aurais mieux supporté une répartition plus égale entre les passages drôles et un peu cartoonesques et les séquences déclamatoires qui, bien que remarquablement écrites, s’étirent parfois en longueur à l’instar de ce très (trop ?) long monologue de Pénélope.
Vu ce que l’on nous avait montré de sa personnalité fortement rebelle dans sa jeunesse, on aurait pu s’attendre à quelques révoltes plus véhémentes de sa part. Bien sûr que la jeune femme amoureuse qu’elle est souffre et se languit sur la longue absence de son Ulysse de mari, bien sûr qu’il lui est difficile de calmer au-delà du raisonnable les ardeurs de ses prétendants. Mais la fantaisie naturelle dont elle avait fait preuve dans ses tendres années devrait parfois surnager et réapparaître. Ça arrive néanmoins une fois, lorsqu’elle fait la remarque acide que le navire de son époux parcourt « un centimètre par jour »…

En conclusion, même si à de nombreuses reprises, j’ai aimé La Dame d’Ithaque, je regrette une certaine confusion due sans doute à la volonté, louable, des auteurs de vouloir trop bien faire et de tenter, en mélangeant deux genres totalement différents, de s’attirer la bienveillance de deux publics dissemblables. Chacun y trouvant certes un peu son compte.
Il y a cependant une raison de se rendre au Lucernaire : la formidable palette de jeu de Marie Frémont. La jeune femme nous offre en effet une prestation véritablement… homérique.

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