jeudi 14 février 2013

Un pavé dans la cour


Théâtre Michel
38, rue des Mathurins
75008 Paris
Tel : 01 42 65 35 02
Métro : Havre-Caumartin / Auber

Une pièce écrite et mise en scène par Didier Caron
Décor de Claude Pierson
Lumières de Franck Willig
Avec Gaëlle Lebert (Myriam Moreau), Pascal Mottier (Cédric), Bruno Paviot (Paul Moreau), Virginie Pradal (Babette Clairval), Julien Ratel (Antoine), Samantha Rénier ou Constance Carrelet (Claudine Clairval)

L’histoire : Six locataires d’un petit immeuble organisent dans leur cour une fête pour mieux se connaître. Ils ne seront pas déçus !
Cet apéritif convivial commence au champagne, vire vite au vinaigre et s’achève au vitriol…

Mon avis : Un pavé dans la cour est la sixième pièce écrite par Didier Caron. Il y confirme un formidable talent d’auteur moderne de comédies de mœurs. Cette pièce est réellement « Un vrai bonheur ». Un vrai bonheur à jouer pour les six comédiens qui en composent l’affiche, et un vrai bonheur pour le public qui prend un énorme plaisir à les voir s’affronter dans un règlement de compte d’une heure et demie.

En effet, le pavé en question est un pavé sauce au poivre particulièrement relevé. La force de Didier Caron est de s’appuyer sur l’humour et une apparente légèreté pour aborder des thèmes bien plus profonds. Son cheval de bataille, c’est la communication, ou plutôt son absence. Ici, tout repose sur le relationnel. Un pavé dans la cour traite des relations mère-fille, mari-femme, frère-frère. C'est-à-dire que chacun est concerné. D’ailleurs, si on ne cesse de rire grâce au festival de répliques cinglantes et assassines, tout de suite après on réalise que l’on rit de nous-mêmes. Nous sommes tous concernés à un moment ou à un autre. Et ça nous donne à réfléchir sur notre façon de nous comporter avec nos proches. Le statut de « voisin » ne sert en fait que de révélateur puis d’accélérateur. Ce n’est pas anodin si, à un moment, le personnage de Myriam parle de « jeu de massacre ». Nous sommes en effet confrontés tout au long de la pièce à des affrontements directs et croisés.

Ça commence par une sorte de round d’observation. On s’envoie des petites piques, des allusions perfides, des reproches mesquins… Cela nous donne le temps de bien saisir les profils psychologiques de chacun. Chaque mentalité est remarquablement dessinée. Il faut dire que, dès le début, Paul Moreau, l’instigateur de cet apéritif entre voisins, met la barre très haut. Cet individu se révèle être tout à la fois – accrochez-vous, car c’est un redoutable cumulard – psychorigide, ronchon, radin, réac, raciste, égoïste, misogyne. En revanche, il n’est absolument pas faux-cul. Il se complaît au contraire à dire tout haut ce qu’il pense, surtout quand c’est du mal. Alors, autour de lui, chacun à sa façon va tenter de se mettre au diapason… Après quelques touches à fleuret moucheté, on prend la mouche, et les assauts deviennent plus directs, plus appuyés. Malheur à celui qui n’assure pas sa garde.

Si on y rit pratiquement en continu, Un pavé dans la cour est une très bonne comédie car elle n’est pas QUE drôle. Bien des choses y sont clairement dites. La salle réagit sans cesse en fonction de ses inimitiés ou de son empathie pour l’un ou l’autre. L’hypocrisie se le dispute à la franchise, les cachotteries et les petits secrets longtemps tenus gardés s’effondrent soudain sous la poussée de la Vérité et des révélations qu’elle suscite. Personne n’en sortira indemne et chacun en sera transformé… Cela génère de jolies petites plages d’émotion et on a parfois les yeux qui picotent agréablement.

Il faut saluer la perfection de la distribution. Tous les comédiens sans exception ont l’air de vrais gens. Et chacun d’eux doit se régaler à interpréter un personnage aussi bien dessiné. Ils sont tous impeccables. Sans vouloir faire ombrage à leurs partenaires, je donnerai toutefois une petite mention particulière à Bruno Paviot (Paul Moreau) pour son irrésistible talent à se faire unanimement détester, à Julien Ratel (Antoine) pour ses attendrissantes fragilité et gaucherie, et à Constance Carrelet qui nous offre une prestation émouvante toute en nuances et en révolte contenue. Mais ils sont vraiment excellents tous les six.
Et bravo enfin à Didier Caron pour l’impressionnante qualité de son écriture. Quel dialoguiste !

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