samedi 14 septembre 2013

Train fantôme

La Gaîté Montparnasse
26, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 22 56 51
Métro : Gaîté / Edgar Quinet

Une comédie flippante de Gérald Sibleyras et Eric Métayer
Mise en scène d’Eric Métayer
Assistante à la mise en scène : Sarah Gellé
Décors de Nils Zachariasen et Nikolas Val
Lumières de Stéphane Fritsch
Son de Vincent Lustaud
Costumes de Carole Hontebeyrie
Marionnettes : Fanny Béranger
Chorégraphies d’Andréa Bescond
Avec Andréa Bescond, Jean-Philippe Bêche, Yamin Dib, Dorel Brouzeng-Lacoustille, Christophe Laubion

Le pitch : Un spectacle loufoque, drôle et qui fait peur, interprété par cinq fous furieux. Accrochez-vous à vos sièges ! Hilarité et horreur garanties. Sur scène, mais aussi dans la salle…

Mon avis : Vous avez aimé Les 39 marches ? Vous allez adorer Train fantôme car c’est dans la même veine. Je dis « veine » à bon escient puisque, cette fois, en plus il y a du sang ! Une fois encore Eric Métayer nous entraîne dans univers complètement déjanté. Déjanté, certes, mais formidablement maîtrisé. En effet, pour qu’un tel délire fonctionne, il faut que tout soit parfaitement millimétré. Il n’y a aucun espace pour l’à-peu-près. Il faut en outre disposer de comédiens suffisamment barrés et qui n’aient pas peur de côtoyer le ridicule pour se plier à de telles loufoqueries sans se départir d’un sérieux qui les rendrait presque crédibles.

Train fantôme est un remarquable exercice de style d’une richesse et d’une inventivité de tous les instants. Les cinéphiles vont se régaler tant les références aux films d’horreur sont savoureux. Ça commence par un clin d’œil (un clin deuil ?) à La nuit des morts-vivants, puis on fait un détour par Le Bal des vampires, on parodie L’Exorciste en y mêlant un soupçon de Rosemary’s baby et on finit en apothéose en rendant un bel hommage à Thriller et à Michael Jackson, un mort qui n’a jamais été aussi vivant…

Vous l’aurez compris, Train fantôme est un spectacle total, un magistral patchwork qui intègre une jolie brochette de disciplines : la danse, y compris le hip-hop (remarquables prestations de Dorel Brouzend-Lacoustille), le théâtre de marionnettes, le grand guignol… Et bien sûr, le burlesque et le burlesque. Eric Métayer est le fils qu’auraient conçu les Monty Pythons avec les Branquignols au cours d’une orgie merveilleusement déconnante. Il a agrémenté ce délire d’une bande-son épatante et truffé son intrigue d’effets spéciaux dignes du cinéma. Imaginez qu’on voit la mer, qu’on se prend un orage sur la tête, que le brouillard envahit la scène… C’est d’une ingéniosité effarante. Eric Métayer nous entraîne dans un voyage éperdu, louftingue, farfelu, halluciné et joyeux à travers l’Europe. Une épopée qui nous mène de la Transylvanie à Paris, en passant par Londres… Tiens ! La Transylvanie ?
Eh oui, bon sang (c’est le cas de le dire), mais c’est bien sûr. La Transylvanie, c’est le pays où réside Dracula ! Dans cette pantomime, le prince des vampires pourrait s’appeler Draculagerfeld tant l’allusion au célèbre couturier n'est pas fortuite.

On ne peut dissocier les cinq comédiens multi-instrumentistes qui donnent vie à ce spectacle tant ils s’y investissent. Leur entrain, lui, n’est pas « fantôme ». Ils ne reculent devant rien, se prêtent avec gourmandise à toutes les audaces, à toutes les extravagances. Ils savent tout faire avec leur corps. Ce Train fantôme est mené à un train d’enfer. On croit qu’il est à son paroxysme, et bien non, ce drôle de mécano de la Générale qu’est Eric Métayer trouve encore le moyen de jeter une nouvelle pelletée de charbon. Ça frise le déraillement et nous, on est sur les boulets. J’ai rarement vu une salle se mettre à applaudir en plein spectacle pour signifier son enthousiasme à un numéro aussi réussi que surprenant. Car ce spectacle, qui est déjà d’un très haut niveau de cocasserie, comporte ça et là quelques pics absolument irrésistibles (la parodie de L’Exorciste, par exemple en est un, le dialogue schizophrène joué par Andréa Bescond en est un autre). Puisqu’on évoque cette demoiselle, il faut saluer la perfection de ses chorégraphies.

N’hésitez pas à prendre vos billets pour embarquer à bord de cet Orient Express désorienté, vous allez effectuer le voyage le plus réjouissant qui soit. Et, surtout, n’hésitez pas à y amener vos enfants. C’est si délicieux de jouer à se faire peur…

Gilbert "Critikator" Jouin

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