mercredi 19 mars 2014

Honfleur Tout Court




Les 30-31 mai et 1er juin, se tiendra à Honfleur la sixième édition de « Honfleur Tout Court », le plus important festival dédié au court-métrage.

Le court métrage est le passage pratiquement obligé pour tout réalisateur de cinéma. C’est dans ce format exigeant qu’il fait ses premières armes, qu’il apprend à manier la caméra et à diriger des acteurs. C’est la meilleure des écoles. Les plus grands noms ont ainsi acquis leurs bases. Godard, Berri, Scorcese, Jeunet, Tarantino… s’y sont formés, révélant déjà une personnalité qui allait leur permettre de construire une œuvre, leur œuvre.

Le court métrage, c’est du concentré de cinéma. La concision, obligatoire, appelle la rigueur. Elle force à aller à l’essentiel tout en montrant sa différence. Les professionnels comme le public aiment le court métrage car on peut y aborder tous les thèmes, toutes les figures de style, provoquer tous les types d’intérêt et susciter toutes les émotions.


C’est l’association « Du Vent dans les Toiles », présidée par Philippe Ayachi et Arnaud Lami, qui a sélectionné les 30 courts en compétition sur le millier qui leur ont été présentés.
Le jury de cette sixième édition, composé de sept professionnels du cinéma et de l’audiovisuel, a pour président le comédien Alain Doutey. Il aura entre autres à ses côtés Samuel Le Bihan et Virginie Lemoine.

3 films seront récompensés à l’issue de ces trois journées de projections :
-          Le Phare d’Or (Prix du Jury)
-          Le Phare d’Argent (Prix du Public)
-          Le Phare de Bronze (Prix spécial « Erik Satie »)

Pour assister à ces courts particuliers, les billets 3 points de vente seront à votre disposition :
-          L’Office du Tourisme : 02 31 89 23 30)
-          Le Cinéma Henri Jeanson (pendant le Festival) : 02 31 89 51 76
-          La Mairie de Honfleur : 02 31 81 88 00


Honfleur Tout Court, c’est un condensé de Festival de Cannes, mais sur la côte normande…

mardi 18 mars 2014

Le Bal des Vampires

Mogador
25, rue de Mogador
75009 Paris
Tel : 01 53 33 45 30
Métro : Trinité / Chaussé d’Antin / Havre-Caumartin / Auber

Hier, 17 mars, avait lieu à Mogador la présentation du prochain spectacle programmé dans ce théâtre désormais dédié, avec le succès que l’on sait, à la comédie musicale. Le septième musical à l’affiche le 16 octobre prochain sera donc Le Bal des Vampires.

Paradoxe bien français, cette adaptation du film-culte de Roman Polanski sorti en 1967, a mis dix-sept ans pour revenir dans son pays d’origine. Ce spectacle, mis en scène par son créateur, a en effet vu le jour en 1997 à Vienne, en Autriche. Le livret a été écrit par Michael Kunze (Elisabeth, Mozart !, Rebecca, Marie-Antoinette…) et la musique composée par Jim Steinman (Bat Out Of Hell pour Meat Loaf, Total Eclipse Of The Heart pour Bonie Tyler…).
Aujourd’hui, Le Bal des Vampires a été joué près de 7000 fois et a déjà été applaudi par plus de 7 millions de spectateurs dans 17 villes et 11 pays différents.
C’est donc un spectacle particulièrement rôdé et redoutablement efficace qui arrive enfin à Paris.

Ce musical a gardé tous les ingrédients qui ont fait le succès du film : la parodie, le décalage, l’humour, le grand guignol…
C’est un genre adulé qui attire un public de mordus depuis plus d’un siècle puisque le tout premier film, The Vampire, date de… 1910 ! Depuis, des dizaines et des dizaines de films ont régulièrement vu le jour. Très récemment les cinq longs métrages de la série Twilight ont connu un spectaculaire succès international.
Mais seul Le Bal des Vampires a joué résolument la carte de la parodie et de l’humour.


Hier, à Mogador, Roman Polanski et Michael Kunze sont venus eux-mêmes présenter leur bébé, un bébé certes un peu pâlot pour ne pas dire livide, mais déjà doté de quatre solides incisives et très porté sur le gros rouge qui tache. Cette présentation a permis de vérifier combien le sens de l’humour du réalisateur multi-Césarisé, Oscarisé et Palmé était resté intact. Polanski est un sale gosse de 80 printemps qui adore quand ça tourne au Carnage et provoquer la Répulsion. C’est un sacré farceur le Roman ! Il l’a d’ailleurs prouvé en se laissant mettre en boîte – au sens propre – pour se livrer à un escamotage du meilleur effet.


Avec aux manettes un garnement aussi facétieux que rigoureux, on peut légitimement s’attendre à un spectacle jouissif et haut en couleurs. Il n’y a plus que sept mois à patienter pour faire du théâtre Mogador une enclave transylvanienne où l’hémoglobine et la fantaisie vont couler à flots.
La location, comme le carnet de Bal, sont ouverts depuis hier. Personnellement, j’ai comme un bon pré-sang-timent. Ceux qui vont prendre leur billet auront de la veine…


Gilbert « Critikator » Jouin

lundi 17 mars 2014

La Boussole

Théâtre La Boussole
29, rue de Dunkerque
75010 Paris
Tel : 01 85 08 09 50
Métro : Gare du Nord


Le fait est assez rare pour qu’il soit souligné et notifié : une nouvelle salle de théâtre vient de voir le jour. Il s’appelle La Boussole. Comme son nom le laisse entendre, il indique le Nord. Plus précisément la Gare du Nord, car il se niche tout à-côté.
L’endroit est superbe, à la fois moderne et chaleureux. Tout y a été conçu pour privilégier la qualité de l’accueil et le bien-être des spectateurs. On s’y sent effectivement vraiment bien.

Actuellement, à l’affiche de cette salle de 280 places :
-          La Vie rêvée des profs (du mercredi au dimanche à 21 h)

-          Blanche Neige et moi (le dimanche à 14 h)

vendredi 14 mars 2014

Sahar & Jérémy

Théâtre du Petit Hébertot
78bis, boulevard des Batignolles
75017 Paris
Tel : 01 42 93 13 04
Métro : Villiers / Rome

Texte écrit et interprété par Aurore Auteuil
Mis en scène par Ladislas Chollat
Chorégraphie de Lionel Desruelles
Lumière d’Alban Sauvé
Vidéo de Natalie Cabrol
Graphisme d’Emilie Chollat

Présentation : C’est l’histoire d’une rencontre. La rencontre de deux jeunes gens. Un garçon de café, qui s’appelle Jérémy, et une fille qui vient de loi, qui s’appelle Sahar.
Jérémy traîne les valises de son enfance, de son passé, comme des boulets aux pieds dont il n’arrive pas à se débarrasser… Et, il tombe amoureux d’une fille. Cette fille-là, elle n’est pas vraiment jolie, mais elle a des choses à dire. Des choses à Lui dire. Cette fille-là, elle a posé sur lui des yeux e tendresse : elle ne le voit pas, elle le regarde. Et c’est sa première fille à Lui. C’est la première fois qu’il existe vraiment pour quelqu’un. Du coup, il ne veut plus la lâcher. Il se dit que c’est celle qu’il lui faut. Il a 18 ans, et déjà plus rien à perdre. Alors, il décide d’essayer…

Mon avis : Scotché ! Aurore Auteuil m’a littéralement scotché… Et à tout point de vue.
Dans cette très agréable petite salle du théâtre Hébertot qui plonge sur la scène, on ne peut jamais laisser notre attention se distraire. On est tellement proche qu’on fait corps avec l’artiste. Il n’a pas droit à la moindre erreur, on voit tout…
La première image nous emporte immédiatement. On n’a pas une jeune femme devant nous, on découvre une sorte de petit loubard comme en voit tant : bonnet vissé sur le crâne, pantalon informe de jogging, sweat à capuche sans manches. Un mec. Un drôle de zigoto même. Un zigoto de 18 ans qui va nous raconter en six chapitres quinze ans de sa vie… C’est Jérémy.

Le spectacle d’Aurore Auteuil est un one man show. Pendant plus d’une heure, elle incarne Jérémy, avec sa façon saccadée de se mouvoir, sa diction particulière, hachée, syncopée, la voix forte d’un qui a de toute évidence toujours été obligé de crier pour essayer de se faire entendre… Jérémy se raconte. Sans complaisance, sans faux-fuyant. Cash ! Pas marrante son enfance à Villeneuve-sur-Lot. Un père qui boit et qui cogne. Dur. Alors, à 18 ans, c’est la fugue, la fuite vers Paris. Paris où aura lieu la rencontre avec Sahar. La brutalité rencontre la douceur, le réalisme se teinte de poésie.
Il est interdit d’en dire plus sur cette histoire d’amour. Le plaisir est trop grand de se laisser emporter par ce torrent tumultueux. Aurore « Jérémy » Auteuil est fascinante. Elle a laissé toute féminité au vestiaire (sauf lors des rares interventions où elle se mue en Sahar). Elle n’est pas dans la séduction, elle est dans la conviction, dans un lâcher prise abyssal. Elle nous entraîne effectivement dans les abîmes d’une âme simple et torturée. Le manque d’amour de son enfance a fait de Jérémy un être qui ne connaît que la violence ; la violence des mots et celle des gestes. Quand il le perçoit, l’amour, ça le déstabilise tellement que, passé le stade de l’émerveillement, il retombe dans ses travers ataviques. Pas normal qu’on l’aime…


Les six chapitres de l’histoire de Sahar et Jérémy sont composés de brèves saynètes, de courts tableaux. Des tableaux illustrés de dessins qui se forment sous nos yeux enchantés. Le graphisme d’Emilie Chollat et les projections vidéo de Natalie Cabrol apportent une superbe et lumineuse note de poésie dans cette sombre tragédie humaine. L’alchimie est parfaite. Ces moments de grâce nous aident à accepter ce que Jérémy nous impose. C’est comme ces fleurs multicolores qui poussent de façon incongrue et surnaturelle le long d’un chemin misérable.

Vous l’aurez compris, la performance scénique d’Aurore Auteuil est impressionnante. Non seulement on a affaire à une sacrée comédienne qui s’offre et se dépouille totalement, mais on découvre une étonnante auteure. Son écriture, tout en langage parlé, est vive, moderne, colorée. Le texte de la chanson Je bois – car elle chante et elle danse aussi – est un petit bijou.

Comme toutes les personnes autour de moi, j’ai été happé par la prestation d’Aurore Auteuil. On ne voit pas le temps passer. Sahar, ça arrache ! C’est un cri d’amour qui retentit pendant une heure, un cri qui nous touche en plein cœur, qui nous émeut, qui nous révolte, qui nous laisse impuissant sur notre fauteuil car on se dit qu’il en existe plein des Jérémy comme celui-là. Des Jérémy qui ne rencontrent pas toujours leur Sahar. Mais est-ce un bien pour elle ? A vous d’aller voir comment ça se termine…

En tout cas, chapeau bas et total respect Mademoiselle Auteuil !!! Vous m’avez pécho…

Gilbert "Critikator" Jouin

jeudi 13 mars 2014

Yoann Fréget

Mea culpa… Mea maxima culpa…
Hier, j’ai rencontré Yoann Fréget. Je l’ai observé, je l’ai écouté, et je me suis aperçu que je m’étais complètement planté dans ma façon d’appréhender son album. J’avais trouvé qu’il en faisait un peu trop, qu’il était dans la démonstration, qu’il voulait montrer toute la richesse de son spectre vocal.
J’avais tout faux.
J’ai découvert au contraire un garçon tout à fait humble, discret, courtois. Un pur !
Parfois, il vaut mieux ne jamais se retrouver en présence d’un artiste qu’on apprécie car la personne se révèle bien moins intéressante que son œuvre. Le fait de rencontrer Yoann par hasard m’a fait d’abord découvrir un être humain. Dans « être humain », le mot important, dans son cas, c’est « humain ». C’est ce qu’on appelle une belle âme. Et âme, en anglais, c’est « soul ». Yoann est complètement en phase entre ce qu’il est et ce qu’il chante. Ce qui m’a le plus touché, c’est sa réelle modestie et sa lumineuse sérénité. Il est authentique, quoi, il ne triche pas. Il EST. Et il veut partager en toute simplicité.


En rentrant chez moi, j’ai immédiatement réécouté son album. Et je l’ai entendu différemment.

Je suis désormais absolument convaincu que Yoann Fréget – il ne le sait sans doute pas – est missionné. Il est là pour apporter du bonheur à son public. Et je prends tous les paris pour affirmer qu’il est parti pour une très, très grande carrière.

mercredi 12 mars 2014

Jeff Panacloc perd le contrôle

Théâtre des Mathurins
36, rue des Mathurins
75008 Pari
Tel : 01 42 65 90 00
Métro : Havre-Caumartin / Madeleine / Saint-Lazare / Auber

Spectacle écrit et interprété par Jeff Panacloc
Mis en scène par Jarry

Présentation : Jeff Panacloc perd le contrôle sur Jean-Marc, un singe carburant à l’adrénaline…
Lequel des deux va(re)prendre le contrôle du spectacle ? A vous de le découvrir surtout quand Jeff devient Jean-Marc et vice-versa… Jeff parviendra-t-il à expliquer à un singe narcissico-mégalo qu’il n’est finalement qu’une peluche avec un bras dans le c…

Mon avis : On m’avait prévenu – mais j’avais un peu de mal à y croire – qu’au bout de quelques minutes, on oubliait que Jean-Marc était une peluche pour le considérer comme un personnage à part entière. Et bien, je confirme, l’effet est saisissant tant la bestiole est omniprésente et tant sa gestuelle et ses réactions sont réalistes.
Ça dépasse totalement la ventriloquie telle que je m’en souvenais. Ici, Jeff Panacloc nous offre un grand numéro de funambulisme sur une corde qui n’est pas que vocale, un véritable show de duettistes. On a beau fixer (du moins au début) notre attention sur les lèvres de Jeff, rien ne bouge et pourtant, il utilise toutes les tonalités qu’une voix peut exprimer (vociférations, murmures, soupirs, voix rauque, voix de tête…). En plus, ça va à toute vitesse. La performance est étourdissante. En outre, au-delà  de l’aspect purement technique de la prestation, on a droit à une vraie qualité de texte.


Jeff Panacloc a l’ingéniosité de s’effacer totalement derrière sa créature. Il se donne même le mauvais rôle car Jean-Marc ne cesse de se moquer de lui, de le mettre en boîte, de le déstabiliser. C’est un sacré énergumène le Jean-Marc. Déjà, le fait de porter un prénom masculin l’humanise. Ce n’est pas seulement une sorte de macaque sans-gêne, c’est un garnement effronté, un sale gosse qui ose tout. C’est simple, il n’a que des défauts : il est susceptible (donc boudeur), grossier, obsédé sexuel, iconoclaste, persifleur, mégalo… Cet orang-(dég)outan  n’a aucun scrupule. C’est peut-être le fait de devoir se montrer en public avec un bras dans l’arrière-train qui le rend comme ça… malotru !


Bref, Jeff Panacloc perd le contrôle est un spectacle aussi réjouissant que dévastateur. Jeff n’est pas qu’un étonnant ventriloque, il est aussi un excellent comédien et, surtout, un as de l’improvisation. Il faut voir comment il fait réagir Jean-Marc en fonction de certaines attitudes du public, une toux, un fou-rire, un gloussement à contre-courant, un vêtement voyant… Il ne fait pas toujours bon être au premier rang avec ce singe moqueur qui ne rate rien.
En fait, Jeff Panacloc s’en fout que Jean-Marc soit la star du spectacle car, le talent, c’est tout de même lui qui l’a…

Gilbert « Critikator » Jouin


mardi 11 mars 2014

Un Singe en hiver

Théâtre de Paris
15, rue Blanche
75009 Paris
Tel : 01 48 74 25 37
Métro : Trinité

Roman écrit par Antoine Blondin
Mise en scène de Stéphane Hillel
D’après le film réalisé par Henri Verneuil, dialogué par Michel Audiard
Adaptation théâtrale de Stéphan Wojtowicz
Lumières de Laurent Béal
Scénographie d’Edouard Laug
Costumes de Brigitte Faur-Perdigou
Avec Eddy Mitchell (Albert Quentin), Fred Testot (Gabriel Fouquet), Evelyne Dandry (Suzanne), Gérard Loussine (Landru), Chloé Simoneau (Marie-Jo), Stéphan Wojtowicz (Esnault)

L’histoire : Gabriel Fouquet arrive un soir d’automne dans l’hôtel tenu sur la côte normande par Albert Quentin. Une amitié va naître entre les deux hommes. L’un boit, l’autre ne boit plus…

Mon avis : Sacré défi à relever que de porter au théâtre Un singe en hiver, roman magistral d’Antoine Blondin, et film culte d’Henri Verneuil dialogué, qui plus est, par Michel Audiard ! Ce film a beau dater de plus de cinquante ans, les personnages particulièrement hauts en couleurs d’Albert et Gabriel, respectivement incarnés par Gabin et Belmondo, sont encore gravés dans nombre de mémoires. Il fallait donc tenir compte de tous ces paramètres pour cette adaptation théâtrale.


Disons-le tout net, cette pièce repose uniquement sur les dialogues et le jeu des deux protagonistes principaux, Eddy Mitchell et Fred Testot... L’ambiance est parfaitement recréée. Dès qu’on pénètre dans la salle du Théâtre de Paris, on se retrouve sur un bord de mer typique du Calvados avec ressac et cris de mouettes. Il ne nous suffit plus que de rentrer dans le village à la suite de Gabriel Fouquet par un soir d’orage pour faire connaissance avec Tigreville, son hôtel Stella et ses débits de boisson.
Grâce à un jeu de décors glissants, à l’instar de Gabriel, un garçon qui a de la cuite dans les idées, on va pratiquer l’exercice aventureux des bars parallèles. Et, en dépit de son effarante consommation de Picon-bière, on peut dire qu’en tant que comédien, Fred Testot tient la route ! Il a une vraie présence. Même si, parfois (est-ce volontaire ?), il a des intonations à la Belmondo, il ne le parodie pas. Il possède remarquablement son rôle, psychologiquement et physiquement (quelle démonstration de flamenco !). Moins matamore que Bébel quand il fait le singe en ibère, il tire plus sur la corde sensible. Il se prend certes pour un toréador, mais c’est lui qui porte les cornes. D’où cette souffrance inaltérable qu’il cherche en vain (en vin ?) à noyer dans l’alcool. Heureusement, il a en lui une forme de fierté qui l’empêche de tomber dans la tragédie. Gabriel a la picole buissonnière, réjouissante, partageuse, propice à l’imaginaire. Des qualités qui ne peuvent que séduire cet alcoolique repenti d’Albert.


Albert, c’est Eddy Mitchell… Suite à une promesse fait à sa femme quinze ans plus tôt, Albert s’est rangé des bitures. Il fut pourtant un sacré leveur de coude. Lui aussi avait l’ivresse onirique et flamboyante. Il en a gardé une certaine nostalgie, mais avec le sens de l’honneur d’un ancien fusilier-marin, il a définitivement renoncé à la bibine. Définitivement ? C’était sans compter avec l’irruption dans son hôtel de Gabriel. L’effet miroir est implacable. Albert sent monter en lui une irrésistible bienveillance, une compréhension. Une solidarité même. Et un ardent désir de compagnonnage. Quand on veut rêver de Chine, il est nécessaire de se remettre au jaune, au pastis, quoi…
Eddy Mitchell attaque son rôle en sourdine. Ses gestes et ses mots sont mesurés, contrastant avec les délires et la fougue de Gabriel. Eddy commence son récital par une ballade ; mezzo voce. Puis, on le voit prendre progressivement le rythme, se mettre à l’unisson, pour finir carrément rock’n’roll. Il est très à l’aise dans ce registre-là, celui de la déconne altière, celui des seigneurs de la défonce… Il y est à l’aise comme un glaçon dans le whisky.

L’atout ce cette pièce, ainsi que je l’ai formulé plus haut, c’est la qualité des dialogues peaufinés par Stéphan Wojtowicz. Il a eu la malice de faire un cocktail avec les mots de Blondin et ceux d’Audiard. Il a secoué et il a obtenu du « Blondiard » ! C’est vraiment de la belle ouvrage pour les amateurs de jolies formules à la fois truculentes et pleines de poésie… Stéphan Wojtowicz, qui campe d’ailleurs gaillardement Esnault, le patron du Café Normand…
Bien sûr, les autres rôles sont un peu écrasés par les deux personnages principaux. Mais chacun y apporte une touche personnelle. Les deux femmes sont sympathiques, positives, touchantes, pleines de tendresse et de compréhension. Gérard Loussine est toujours aussi bon et il compose, au moment du bouquet final, un parfait troisième larron.
 Il y a peut-être ça et là quelques petites longueurs (par exemple l’histoire du pull over rapportée par Landru), mais on se laisse facilement happer par cette belle histoire d’amitié et par l’émotion qui nous gagne sur la fin.

J’ai eu le bonheur de fréquenter Antoine Blondin, de lui rendre visite chez lui, rue Mazarine, et d’y petit-déjeuner d’un grand Bourgogne en parlant rugby à côté du canapé ou Guy Boniface avait passé une de ses dernières nuits. Je suis convaincu que, bien que modeste, il eût fortement apprécié cette adaptation de son roman.


Gilbert « Critikator » Jouin

mercredi 5 mars 2014

Yoann Fréget

Quelques heures avec moi

J’ai eu peur… Hou-la-la, j’ai eu même très peur !
Il m’a fallu attendre le cinquième titre du premier CD de Yoann Fréget pour commencer à prendre du plaisir.
Pourtant, la première chanson débute de manière fort sympathique et agréable et puis, soudain, il se met à sur-chanter, un peu comme des comédiens sur-jouent. Et encore, Quelques heures avec moi reste dans le domaine du supportable et son arrangement, bien léché, y contribue énormément… Les trois titres suivants appartiennent trop au registre de la performance pour les apprécier simplement.
Yoann veut trop prouver, tout et tout de suite. Alors, il passe en force, part dans des vocalises extrêmes au détriment du sens. Trop d’effets vocaux, parfois carrément maniérés, tuent les effets.
A trop vouloir être dans la performance, il anesthésie en nous une curiosité qui, pourtant, lui était a priori favorable eu égard à ses prestations dans The Voice.

En France, c’est bien connu, on a cette manie chronique de glisser dans nos chroniques des comparaisons, de mettre les gens dans des cases. Je n’échappe pas à la règle. J’ai trouvé dans l’univers musical de Yoann Fréget un véritable cousinage avec celui de Ben L’Oncle Soul. Mais là où ce dernier fait dans la légèreté, le vainqueur de The Voice 2 choisit de montrer les muscles de ses cordes vocales. La démonstration technique prime sur le fun, et c’est regrettable.


Heureusement, à partir de L’Equilibre, grâce à une interprétation « sur la corde sensible », les choses s’arrangent. S’en suit tout logiquement une prouesse d’« équilibriste » avec Les mots que l’on ne peut pas dire. Dans la foulée, mes oreilles enfin apaisées, j’ai apprécié le swing revigorant de Nos états unis.
Et puis arrive la chanson qui, pour moi, est le tube de cet album, le très gospellisant Ça vient de là-haut.
Quand Yoann joue délibérément dans le registre de la retenue, qu’il montre qu’il est capable d’une certaine sobriété comme dans Terre-Mère, Je donne et Un cœur de femme, on goûte réellement à ses chansons. Même si l’on déplore toujours quelques scories avec des montées spectaculaires dans la voix de tête ou avec l’emploi superflu et un peu systématique de virgules de scat.
Trois autres titres m’ont également bien plu : Couleurs Love, pour sa superbe ambiance et sa luminosité, C’est tout comme, pour l’orgue et le jeu avec les chœurs, et Vole pour sa belle mélancolie (hormis les vilains miaulements émis à l’approche de la fin).

Bref, dans l’ensemble, Quelques heures avec moi est un album honorable. Yoann Fréget a commis l’erreur du débutant en voulant trop bien faire et montrer dès son premier CD tout ce qu’il était capable d’exprimer avec son organe exceptionnel… Son talent est indéniable, mais je suis convaincu qu’il y gagnerait avec plus de simplicité. Il faut qu’il oublie la technique – il la possède - au profit de l’interprétation et de la sensibilité. Dès qu’il opte pour la douceur, il nous touche.

Enfin, on ne peut évoquer cet album sans en souligner la grande qualité de ses arrangements. Sur le plan musical, il est vraiment fignolé, discret, léger tout en préservant la tonicité festive du rhythm’n’blues et de la musique funk. Et les chœurs sont vraiment chouettes. Honnêtement, de ce côté-là, c’est une totale réussite et un régal à écouter (de préférence au casque pour en souligner toute la richesse et les subtilités).