vendredi 24 avril 2015

Alban Ivanov "Elément perturbateur"

Comedy Club
42, boulevard Bonne Nouvelle
75010 Paris
Tel : 0 811 940 940
Métro : Bonne Nouvelle

Ecrit, mis en scène et interprété par Alban Ivanov

Présentation : Après avoir goûté au cinéma, à la télévision et à la radio, Alban Ivanov débarque sur scène.
A travers un one man show sincère et déjanté, avec une énergie incroyable et un franc-parler propre à lui, il nous fait découvrir son parcours atypique et sa vision du monde… Il nous invite à nous détendre et à rire des difficultés de notre quotidien et ça fait beaucoup de bien. Timides s’abstenir car vous faites partie du spectacle…

Mon avis : Alban Ivanov est un puncheur de la catégorie mi-lourds. Plus cogneur que styliste, son seul en ring s’apparente à un stand-uppercut. Avec le public pour sparring partner, il nous offre un match exhibition tonique et trépidant. Attention, l’artiste est imprévisible. Il n’esquive pas, il affronte. Et, assez souvent, il n’hésite pas à frapper sous la ceinture. Seul le résultat compte. Il nous accule dans les cordes et, sans coup férir, mais en nous faisant rire à (presque) tous les coups, il nous cueille en plein dans les zygomatiques. J’en ai même vu, parmi les plus jeunes – et ils étaient nombreux ce jeudi soir – qui en avaient mal au ventre.


Alban Ivanov joue de la proximité. Il ne nous lâche pas une seconde. Avec une énergie folle et un débit digne de la 4G, il nous raconte son histoire, de sa petite enfance chaotique jusqu’à ses débuts dans la comédie et l’improvisation. D’une franchise désarmante, il ne prend pas de gants pour se porter des coups à lui-même. Lorsque l’on sait rire de soi, il n’y a plus aucun problème ensuite à ironiser sur les autres.
Il évoque sans fards sa scolarité désastreuse, sa famille éclatée et éclatante, sa vie de couple, sa paternité… En parallèle, alternant entre pur stand-up, création de personnages et improvisation avec le public, il aborde des sujets plus généraux, plus sociétaux comme les religions, les couleurs de peau, le foot, le rap… Yeux écarquillés, regard halluciné, il excelle particulièrement dans les rôles de psychopathes. Son Gitan nous fout carrément la trouille. En revanche, on se sent plein d’empathie pour la conseillère d’orientation et son désarroi teinté d’impuissance face à ce cancre-étalon.
Son dernier sketch est un grand moment de comédie pure. Je n’en dirai pas plus sinon que, chez moi, il a fait « Bip ». Les plus anciens comprendront…


Vraiment, en parodiant quelque peu Julien Clerc, Ivanovitch est là, et bien là. Cash et trash à la fois. Pour lui, les prudes comptent véritablement pour des prunes. Il assume sans problème le mélange dans ses gènes de cosaque et de gaulois. Résultat : chez lui rien n’est tiède, tout est cru.


Gilbert « Critikator » Jouin

jeudi 16 avril 2015

La Légende du Roi Arthur


TF1 Musique / Artimuse / Warner Music France


L’album du spectacle musical La Légende du Roi Arthur s’inscrit dans la continuité de l’esprit des précédentes œuvres estampillées « Dove Attia » tout en présentant une couleur musicale et des arrangements qui lui sont propres. En effet, lorsqu’on évoque les Chevaliers de la Table Ronde, il est impossible de faire abstraction de la « celtitude » du sujet. De même que les aventures de Robin des Bois avaient la forêt de Sherwood pour cadre, le Roi Arthur et ses vassaux ont Brocéliande pour décor. Il était donc tout à fait logique que le climat du spectacle soit fortement imprégné de musique celtique. On y retrouve ainsi la cornemuse, la flûte, la harpe, autant d’instruments typiques qui fleurent bon le folklore breton.

Après avoir écouté attentivement et à plusieurs reprises cet album, j’avoue que je n’ai guère été dépaysé. J’y ai retrouvé tous les ingrédients qui ont fait le succès de l’épopée dovattiesque des Dix Commandements à 1789, Les Amants de la Bastille, en passant par Le Roi Soleil et Mozart l’Opéra rock.
Parmi les mets servis sur cette Table Ronde, il y a évidemment à boire (du chouchen) et à manger (du kouign aman). Mais, très sincèrement, la carte est plus qu’honnête et certains plats sont réellement goûtus.
Il y a six titres que j’ai plus particulièrement appréciés. Dans l’ordre d’apparition sur le menu :
-          Advienne que pourra. Tout d’abord, j’en ai aimé le texte, y reconnaissant la patte incomparable du sieur Baguian, avec son écriture subtile et si riche en allitérations et en sonorités. La mélodie, martiale et entraînante, est fort bien servie par la voix plutôt (excali)burnée de Fabien Incardona qui incarne le maléfique Méléagant.
-          Quelque chose de magique. Ce titre, lui aussi bien écrit, est redoutablement efficace et fédérateur. Le mélange des voix est aussi parfait que paradoxal en ce sens où la voix de Florent Mothe est imprégnée de douceur alors que celle de Camille Lou est presque plus musclée. L’alchimie est réussie. Cette chanson métaphysique qui tourne toute seule est un tube en puissance.
-          Auprès d’un autre. Joli texte, jolie mélodie, bel arrangement mélodieux et planant. Cette chanson interprétée par une âme torturée est vraiment réussie. Remarquablement ressentie par Florent Mothe, elle s’inscrit dans la tradition des grandes chansons de comédies musicales à l’instar de L’Assasymphonie.
-          Il est temps. J’ai trouvé cette chanson bien meilleure dans sa version « Troupe ». Elle s’y avère bien plus tonique, plus exaltante, plus hymnique aussi.
-          Si je te promets. Titre très agréable à écouter. Le refrain et son arrangement est percutant à souhait. Sa construction est également très habile (quelles cordes !), alternant la douceur et la puissance. Du beau travail.
-          Mon combat (Tir nam béo). Cette chanson nous rentre directement dans la tête. Elle est envoûtante, gentiment sautillante et entraînante. Elle donne envie d’entrer dans la ronde pour se joindre à la troupe. Là aussi, il faut souligner la qualité de l’écriture et sa répétition de sons en « o » et « é ».



Quant au reste, ils assez inégal. Ce que la vie a fait de moi se laisse écouter au début, puis on décroche progressivement... Au diable, manque à mon goût un tantinet de relief... Dans Tu vas le payer, le refrain sauve un peu la chanson car les couplets sont vraiment fades… J’ai trouvé le texte de Le monde est parfait assez puéril et simpliste. Mais, en même temps, son premier degré la rend facilement accessible. Il n’est reste toutefois pas grand-chose… L’ambiance résolument celtique de Tant de haine et un refrain bien scandé nous font échapper à l’ennui. Si Promis c’est juré est très agréable à entendre, si son texte est joliment ciselé, elle manque un poil de percussion. J’eus aimé entendre dans cet hymne final quelque chose de plus héroïque.

samedi 11 avril 2015

Constance "Partouze sentimentale"

Comédie de Paris
42, rue Pierre Fontaine
75009 Paris
Tel : 01 42 81 32 22
Métro : Blanche / Pigalle

Ecrit et interprété par Constance
Mis en scène par Patrick Chanfray
Costumes de Julia Allègre
Musique originale de Marie Reno

Présentation : « Si tu viens tu te feras violer les oreilles et les yeux, mais ne t’inquiète pas, je mettrai de la poésie et de l’humour dans mes mots pour que tu n’aies pas mal.
Pendant ce spectacle, tu verras mes sentiments coucher les uns avec les autres et tu verras qu’ils sont très souples. Tu pourras me pénétrer pendant une heure quinze et je te promets de me donner toute entière à toi. Ce sera cérébralement bucolique et cochon ! Viens si tu es ouvert aux expériences. Viens aussi si ton esprit est étroit car j’essaierai de l’élargir…"

Mon avis : Constance aime les oxymores. Elle nous en sert quelques uns forts croustillants durant son spectacle, mais c’est surtout le titre du dit-spectacle qui en est le meilleur exemple. « Partouze sentimentale » ? Accoler ces deux mots contient déjà quelque chose qui interpelle. A priori, on laisse ses sentiments au vestiaire lorsqu’on se déloque pour procéder à quelques ébats échangistes de bon aloi. Mais c’est là un des nombreux paradoxes ce cette artiste. C’est ce qui en fait la particularité et le charme. Constance est une provocatrice patentée.

Son spectacle est construit avec une impressionnante rigueur. Peut-être s’est-elle inspirée de la chanson de Renaud, « Dans mon HLM », en tout cas son idée est imparable. Elle a érigé un immeuble de huit étages avec, pour chacun d’eux un sentiment approprié. Pour accéder à chacun d’eux, elle n’utilise pas la censure sociale, loin de là. Elle emprunte l’escalier de sévices avec une jubilation sadique.
Huit étages : huit personnages. Et quels personnages ! Aucune de ces femmes n’est une loque à terre, au contraire, ce sont des déjantées qui s’assument parfaitement. Chacune a droit à son accoutrement, à ses tics, voire à ses tocs, à sa voix propre, à sa folie… Formidable comédienne, Constance leur donne à chacune une véritable identité. Elles existent devant nous, nous inquiètent, nous font rire, nous font peur… Elles ne nous laissent jamais indifférents. Constance sait tout jouer avec une appétence gourmande pour le jusqu’au-boutisme. Elle saute à pieds joints par-dessus le borderline et nous entraîne dans une contrée digne des pires mécomptes de fées.


Tout autant que l’étourdissante créativité de ses interprétations et son jeu spectaculaire, il faut saluer chez Constance la qualité de l’écriture. Dans chacun de ses sketchs, il y a du sens et du fond. Dans celui sur l’ambition, elle utilise à merveille l’art du contre-pied… Dans celui sur la joie, elle incarne l’exubérance niaise… Dans celui sur la culpabilité, elle se vautre dans l’humour noir comme une cochonne dans sa fange. Celui qui a pour titre « la dévotion » est, de loin, le plus osé (Notre Père qui êtes aux (da)cieux). Elle n’aura droit à aucune sœur Constance atténuante. Même à confesse, on n’accepterait pas qu’elle fasse pénistence. Là, vraiment, Sister acte… Elle profite ensuite de l’étage où loge l’amour pour nous livrer en quelque sorte une leçon de séduction agrémentée d’un fascicule « L’Homme, mode d’emploi » qu’il n’est pas recommandé de mettre entre toutes les mains… Lorsqu’elle traite de la passion, elle se métamorphose en une grande bourgeoise précieuse et obsédée textuelle… Pour ce qui est du sketch sur la patience, j’attends encore… Et elle termine en nous offrant un gros bouquet de pleurs qui sied parfaitement à la tristesse en incarnant une bécasse qu’on croirait sortie tout droit des oiseaux qui se cachent pour sourire…


En fin de spectacle, en fine renarde, elle nous démontre que son ramage est nettement supérieur à son plumage. Mais l’un associé à l’autre cela donne un vrai moment de music-hall à deux pas du Moulin Rouge.
En ce vendredi soir, la salle de la Comédie de Paris était bourrée comme un œuf. Preuve par l’œuf, s’il en est besoin, que Constance a su gagner son public en dehors de toute complicité médiatique. Les deux spectacles qu’elle a concoctés sont de très haute volée. Elle est unique dans ce registre. Elle chante, elle danse, elle jongle avec les voix, s’affuble de tenues improbables, fait des grimaces de gamine de CP, bref, elle s’amuse autant que nous. Elle est vachement gonflée, la donzelle !
C’est une adorable sale gosse qui prend un plaisir malin à tirer les sornettes pour réveiller en nous certains troubles enfouis dans notre cortex. C’est vrai qu’elle nous donne envie de monter la rejoindre dans cette « partouze sentimentale » et de faire joyeusement l’humour avec elle.


Gilbert « Critikator » Jouin