mardi 30 juin 2015

Le combat d'une famille (My Two Daddies)

Un film de Travis Fine
Avec Alan Cumming (Rudy), Garret Dillahunt (Paul), Isaac Leyva (Marco Deleon), Frances Fisher (La juge Meyerson), Gregg henry (Lambert), Chris Mulkey (DA Wilson), Don Franklin (Lonnie Washington), Jamie Anne Allman (Marianna Deleon)…
Durée : 1 h 37
Sortie le 2 juin 2015

Inspiré d’une histoire vraie

L’histoire : Californie, début des années 80. Rien ne prédestinait Rudy, un chanteur de cabaret, et Paul, un jeune avocat, à tomber amoureux ni à croiser la route de Marco, un jeune handicapé mental délaissé par sa mère toxicomane. Lorsque cette dernière est incarcérée, Rudy et Paul décident d’accueillir l’adolescent. Ensemble, ils s’engagent alors dans un long combat contre une justice partiale et une société remplie de préjugés afin de conserver la garde de Marco et lui offrir un avenir meilleur…

Mon avis : Ce n’est vraiment pas un hasard si ce film a été auréolé d’une douzaine de prix dont sept Prix du Public en 2012 et 2013.
Inspiré d’une histoire vraie, il touche en effet tout le monde. Impossible de ne pas adhérer à cette triple histoire d’amour. Impossible de rester insensible à ce combat pour le bonheur. Le titre original, My Two Daddies » (Mes deux papas) est plus explicite, plus fort que son titre en français. Travis Fine, le réalisateur, n’a pas fait dans la demi-mesure. Il a choisi de mettre la loupe sur le droit au respect de ceux que la société a marginalisés et mis à son ban, les homosexuels et les handicapés mentaux. C’est carrément Monsieur Plus. Déjà que ses deux héros, Rudy et Paul doivent affronter les gens qui les entourent pour faire admettre leur amour, voici qu’ils entament une croisade quasiment perdue d’avance pour adopter et élever Marco, un jeune trisomique.


De ce thème aussi délicat, Travis Fine a fait un film sensible, émouvant, drôle, didactique, un film empreint d’amour, de tolérance et d’humanité… Pour cela, il a su choisir deux comédiens particulièrement investis. La performance d’Alan Cumming est proprement époustouflante. Il est d’une crédibilité et d’une justesse totale. Son personnage est totalement extraverti, cash, provocateur, il ignore la langue de bois et se fout des préjugés. C’est un gay assumé, contrairement à son partenaire, Garret Dillahunt qui, lui, doit se faire violence pour faire son coming out. Cette opposition de caractères rend leur association encore plus forte.

Dans ce film où les plages de bonheur alternent avec les séquences éprouvantes et où les scènes de tribunal sont âpres et sans concession, il faut retenir les prestations de tous les seconds rôles. C’est à travers leur regard et leurs sentiments que nous regardons et jugeons ces « deux papas ». Et puis comment passer sous silence la présence si pleine de tendresse, de gentillesse, de fragilité et de confiance d’Isaac Leyva, le jeune handicapé mental, dont c’est ici le tout premier rôle.


Enfin, les amateurs de (bonne) musique seront comblés par la qualité de la bande son. On retrouve en effet parmi les vingt titres qui la composent des noms aussi prestigieux que Marc Bolan, George Clinton, William Nelson, Miles Davis, Thelma Houston (Don’t Leave Me This Way), T. Rex, Rufus Wainwright… Ne serait-ce que pour l’interprétation d’Alan Cumming lui-même du standard de Bob Dylan I Shall Be released, qui prend ici toute sa dimension émotionnelle, ce film mérite déjà qu’on s’y attarde.

Antoine Elie "Mon coeur à l'horizon"

Les Déchargeurs
3, rue des Déchargeurs
75001 Paris
Tel : 01 42 36 00 50
Métro : Châtelet

Tous les jeudis à 19 h 30 jusqu’au 3 septembre 2015

Textes et musiques d’Antoine Elie

Note de l’artiste : « On ne s’est sûrement jamais rencontrés. Je m’appelle Antoine, j’écris des chansons. Je chante mes interrogations, mes doutes, le monde vu depuis chez moi. Ma guitare tient compagnie à mes mots et à ma voix… J’espère qu’on se ressemblera, qu’on saura ne faire qu’un ce soir, le temps de vous chanter ce que j’ai appris du bonheur et le mal que j’ai à le vivre. Vous et moi pour un temps à s’oublier… »

Mon avis : J’aime bien découvrir de jeunes talents lorsqu’ils sont à l’aube d’une carrière. Très vite, on pressent leur potentiel, on découvre leur univers et on sait s’ils ont raison (ou non) de croire en un avenir « en chanteur »…
Antoine Elie, qui se produit actuellement tous les jeudis soirs au théâtre des Déchargeurs fait incontestablement partie de ces bonnes graines. Ce jeune homme est véritablement intéressant à plusieurs titres. Et non seulement par rapport aux quatorze qui composent son tour de chant. D’abord, c’est avant tout un remarquable mélodiste ; ensuite, c’est un parolier original et exigeant ; enfin, ce qu’il dégage et sa façon d’être le rendent à la fois intrigant et attachant.
L’exercice auquel il se livre est extrêmement périlleux. Seul avec sa guitare, coincé devant le mur de pierre d’une ancienne cave à vin à quelques dizaines de centimètres du public, il faut être habité par une certaine part de masochisme et de foi en soi. L’association des deux lui confère le courage de montrer ce qu’il a à raconter. Il a en lui un charmant mélange de maladresse et de désinvolture. Pour contrebalancer sa réserve naturelle, il utilise un humour, une autodérision, voire une provocation de bon aloi.


En fait, il suffit d’écouter ses chansons pour comprendre qui il est vraiment. Tout de lui, ou presque, y est dit.
Lorsqu’il se présente devant nous, il semble gêné aux entournures, s’excusant presque de nous avoir dérangés. Puis, tout doucement, au fur et à mesure que ses chansonnettes vont s’égrener, il prend de l’assurance, s’autorise plus de risques avec sa voix et se livre à plus de confidences… Antoine Elie est un écorché vif, un doux rebelle, qui cherche en permanence un sens à sa vie. Tel un brouilleur de cru de sa Normandie natale, il distille une mélancolie chronique sans jamais tomber dans le pathos ou dans l’amertume. Elle est positive sa mélancolie. D’abord parce qu’elle lui inspire de jolies chansons.
Antoine Elie cherche sa place dans ce monde (Mon cœur à l’horizon, L’enfant fêlé) avec, chevillée à l’âme, l’envie de s’affirmer, « d’être quelqu’un » (Etre un homme). Dans l’intime de ses chansons, il évoque ses relations amoureuses, le plus souvent douloureuses ou conflictuelles (Frappe-moi, Hmmm) ou, miraculeusement, heureuses et positives (La Rose et l’Armure). Lucide et réaliste, il part du principe que le monde est « une jungle » et que la vie n’est qu’un « long naufrage » (Bienvenue au monde)…
Pourtant, bien que les mots « larmes » ou « pleurer » interviennent dans la moitié de ses chansons, ce qu’on perçoit le plus en lui, c’est un humour palpable qui cherche à percer sa coquille. Garçon sympathique et attachant, Antoine Elie est un authentique artiste en devenir. Ses mélodies sont imparables. Elles nous entrent immédiatement dans le cortex. Il apporte au choix de ses mots un soin tout particulier, jouant intelligemment avec les sonorités et jonglant habilement avec les allitérations. Quant à son empreinte vocale, elle a déjà son identité propre. On pourrait la qualifier de veloutée-éraillée. Donc, très agréable à entendre.

A l’instar de tous mes voisins de cave, j’ai vraiment apprécié son répertoire. Cinq chansons m’ont particulièrement emballé : On m’a dit, Sacré fils, Hmmm, Bienvenue au monde et l’épatante La Rose et l’Armure qui vient clore judicieusement son tour de chant.

Une chose est sûre : avec sa grande sensibilité et son sens de la dérision, on sent qu’Antoine Elie en a encore beaucoup sous la semelle. Bienvenue, L’Artiste,  dans le monde la bonne chanson française…

jeudi 25 juin 2015

La rentrée aux théâtres de Paris et de la Michodière


La direction des théâtres de Paris et de la Michodière ont présenté leur programme de rentrée le premier jour des soldes ! Et pourtant, les produits qu’ils nous ont proposé appartiennent plutôt au haut de gamme, voire au luxe. En effet, avec des têtes d’affiche comme Muriel Robin, François Berléand, Michel Sardou, Marie-Anne Chazel, Isabelle Gélinas, Jenifer, Jean-Pierre Marielle, Jean-Marie Périer, Chantal Goya… ça a quand même fière allure. Et quand on y ajoute des auteurs comme Sébastien Thiéry, Eric Assous, Gérald Sibleyras, Neil Labute, Jean-Jacques Debout et… Perrault, on est complètement rassuré sur le plan qualitatif. Et même très émoustillé.
Voici donc, par ordre de lever de rideau, les spectacles présentés à la rentrée dans ces deux salles prestigieuses.

Théâtre de Paris
15, rue Blanche 75009 Paris
Tel : 01 48 74 25 37
Salle Réjane
15, rue Blanche 75009 Paris
Tel : 01 42 80 01 81


A partir du 1er septembre 2015
Momo
(Théâtre de Paris)
Une pièce de Sébastien Thierry
Mise en scène par Ladislas Chollat
Avec Muriel Robin, François Berléand, Sébastien Thiéry, Ninie Lavallée.
Présentation : Le monde absurde de Sébastien Thiéry franchit encore un palier avec cette pièce sur la filiation. Un soir, en rentrant chez eux, monsieur et madame Prioux découvrent avec stupéfaction qu’un certain Momo s’est installé chez eux. Il est venu annoncer son mariage à ses parents. Or, les Prioux n’ont jamais eu d’enfant !... D’où sort cet énigmatique Momo ?



A partir du 4 septembre 2015
Un avenir radieux
(Salle Réjane)
Une pièce de Gérald Sibleyras
Mise en scène par José Paul
Avec Isabelle Gélinas, Grégoire Bonnet, Philippe Uchan, Anne-Sophie Germanaz.
Présentation : Liliane, employée de bureau, voit son fils, qu’elle a élevé toute seule, parvenir en finale d’un télé-crochet… Entourée de quelques personnes, elle assiste à l’émission. Arrive le moment fatidique de voter…


En septembre
Enorme !
(Salle Réjane)
Une pièce de Neil Labute
Adaptée par Marie-Pascale Osterrieth et Charlotte Gaccio
Mise en scène par Marie-Pascale Osterrieth
Avec Julie De Bona, Charlotte Gaccio, Thomas Lempire, Bertrand Usclat
Présentation : Quentin voudrait se faire Julie qui voudrait sortir avec Thomas qui cumule les relations foireuses. Un jour, en ville, Thomas rencontre Hélène, une jeune femme brillante, drôle, sexy, et en tombe amoureux ; fou amoureux. Le problème, c’est qu’elle est ronde, très, très ronde…




Du 17 octobre au 10 janvier
Chantal Goya dans « les Aventures fantastiques de Marie-Rose »
(Théâtre de Paris)
Conte musical de Jean-Jacques Debout
Présentation : Du vieux Paris jusqu’à une île magique, au volnt de la fameuse voiture jaune de Bécassine, Marie-Rose, entourée de tous ses amis, part pour de nouvelles aventures.




Théâtre de la Michodière
4bis, rue de la Michodière 75002 Paris
Tel : 01 47 42 95 22


A Partir du 22 septembre 2015
Représailles
Une pièce d’Eric Assous
Mise en scène par Anne Bourgeois
Avec Marie-Anne Chazel, Michel Sardou, Laurent Spielvogel, Caroline Bal, Emma Gammet, Térésa Ovido, Valérie Vogt, Michaël Rozen
Présentation : C’est le soir du mariage de leur fille que Rosalie découvre les nombreuses infidélités de son mari Francis. Le divorce qui s’annonce semble perdu d’avance pour celui-ci. Or, comme il aime toujours Rosalie, il va tenter de signer la paix. Hélas, sa maladresse et sa mauvaise foi vont provoquer les pires représailles de la part de sa femme.


Les lundis 12, 19, 26 octobre et le lundi 2 novembre
Jean-Marie Périer sur scène dans « Flashback »
Présentation : Jean-Marie Périer, photographe mythique des années « Salut les Copains », nous raconte les rencontres, les anecdotes, les aventures – surtout celles personnelles – que l’on ne connaissait pas. Plus que raconter les années 60, il vous raconte ce qu’il y a vécu.


Photo : Steph/Visual. Press Agency

A partir du 17 octobre 2015-06-25
Il était une fois… Les Contes de Perrault
Avec les voix de Jenifer et Jean-Pierre Marielle

Présentation : Les voix de Jenifer et de Jean-Pierre Marielle vont faire découvrir ou redécouvrir les plus célèbres contes de Perrault. Un spectacle magnifique pour petits et grands.

jeudi 11 juin 2015

Jean-Pierre Coffe "Une vie de Coffe"

Editions Stock
20 €


Tout est résumé page 275 de son ouvrage :
« J’ai énormément travaillé. Sans mérite, j’aime ça. Sans doute trop, probablement dans la précipitation. J’ai accumulé les expériences, dans des domaines très différents, la télévision, la radio, l’écriture, la gestion de restaurants, les miens et ceux qui ne m’appartenaient pas. J’ai payé une partie de mes dettes. Jusqu’à présent la chance, l’amitié sincère de quelques fidèles, m’ont accompagné, soutenu, aidé – et cela compense, un peu, le fiasco de ma vie privée ».

Cela fait une quinzaine d’années que je connais Jean-Pierre Coffe. Je l’ai interviewé à plusieurs reprises. C’est un homme que j’ai tout de suite apprécié et aimé. Allant parfois très
loin dans la confidence, j’avais rapidement décelé en lui quelques fêlures, une certaine fragilité qu’il n’acceptait de révéler que dans le face-à-face et dans un climat de confiance.
Je n’ai donc pas été du tout surpris par la teneur de son autobiographie. Même si j’ai appris beaucoup de choses qui n’appartiennent qu’à son extrême intimité.
Jean-Pierre Coffe s’est construit sur des manques. Et c’est là une véritable prouesse. Son enfance a été difficile. Il lui a surtout manqué les deux piliers sur lesquels tout gamin peu se construire : la présence d’un père (le sien a été tué à la guerre quand il avait 2 ans) et une absence quasi totale d’affection d’une mère plus préoccupée par ses amours compliquées. Les deux seules personnes chez lesquelles il a pu glaner de la tendresse ont été son grand-père Victor (très important parce qu’il lui a inculqué sa passion de la nature) et sa mémé Briquet… Sinon, côté sentiments, ce ne fut qu’aridité.

Jean-Pierre Coffe a donc dû ne compter pratiquement que sur lui-même. Il s’est fait tout seul. C’est ce qui explique l’homme qu’il est devenu.
Jean-Pierre Coffe est indépendant et vulnérable ; modeste et orgueilleux ; provocateur et mélancolique… Complètement sincère et épris de vérité, il possède un caractère entier, une grande franchise et une absence totale de langue de bois. Il a été tout le temps tendu vers l’objectif quasi obsessionnel de se prouver des choses à lui-même autant qu’aux autres. Cette boulimie de travail, ses excès n’ont été qu’une longue fuite en avant, un refuge, une compensation à ce foutu manque d’amour chronique.
Son livre est à son image. C’est le récit d’une riche et dense trajectoire humaine dont il ne peut et ne veut réellement pas s’enorgueillir parce qu’il y a toujours en lui un arrière-goût amer d’inachevé. Et pourtant, quel parcours hors norme vous avez accompli Monsieur Coffe !


Si l’on excepte quelques longueurs provoquées par son soin méticuleux du détail, de la précision et une certaine propension au lyrisme et à l’enthousiasme (surtout quand il parle de gastronomie), Une vie de Coffe se lit avec beaucoup de plaisir et d’émotion. Il y a tout dans cet ouvrage. Il nous en apprend beaucoup sur l’âme humaine. Il nous fait aussi pénétrer dans les cuisines pas toujours ragoûtantes du monde de l’audiovisuel et des médias. Jean-Pierre Coffe, sans complaisance aucune, nous y livre ses quelques inimitiés et déceptions, mais surtout les amis et amies qui l’ont accompagné, aidé et aimé tout au long de son parcours effervescent, empli d’ombres et de lumières, et ponctué de formidables succès et d’échecs retentissants.
Il y avait au cœur de ce petit Lorrain négligé et transbahuté, nanti d’un simple certificat d’études, un terreau incroyablement fertile dans lequel il a su faire germer son inextinguible soif de connaissances. Jamais dupe de rien, il a taillé sa route, y compris en empruntant moult chemins de traverse où sa curiosité ou son insouciance le guidaient. Bien qu’il n’en fasse rien, il peut vraiment se montrer fier de lui.

Il est, de toute façon, le mieux placé pour apporter sa conclusion. Elle se trouve page 294 :
« A y réfléchir plus avant, je dois bien en convenir. J’ai aussi besoin qu’on m’aime, qu’on m’apprécie, j’ai jusque-là été frustré de reconnaissance. Ni mon épouse ni ma mère ne m’ont donné ce sirop dont inconsciemment j’ai besoin pour avancer. »
Pourtant, je suis bien tranquille : je suis convaincu que Jean-Pierre Coffe compte beaucoup plus d’admirateurs que de détracteurs. En même temps, il y tient à ces détracteurs. Ils lui ont involontairement apporté un surcroît de notoriété…


Tailleur pour dames

Théâtre Montparnasse
3&, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 22 77 74
Métro : Gaîté / Edgar Quinet

Une comédie de Georges Feydeau
Adaptée par Jean Poiret
Mise en scène par Agnès Boury
Décors de Sophie Jacob
Costumes de Mina Ly
Lumières de Marie-Hélène Pinon
Avec José Paul (Moulineaux), Sébastien Castro (Bassinet), Philippe Uchan (Aubin), Véronique Barrault (La belle-mère), Guilhem Pellegrin (Etienne), Caroline Maillard (Yvonne), Florence Maury (Suzanne), Maud Le Guénédal (Rosa)

L’histoire : Le docteur Moulineaux a passé la nuit dehors et sa femme, Yvonne, demande des explications. Moulineaux prétexte qu’il était au chevet d’un mourant, un certain Bassinet. Mais celui-ci vient justement leur rendre visite… frais comme un gardon !

Mon avis : Tailleur pour dames est la première grande pièce de Georges Feydeau. Il n’a que 24 ans lorsqu’elle est jouée au Théâtre de la Renaissance en 1886. On trouve déjà tous les ingrédients qui ont fait que cet auteur qui a donné, avec Labiche, ses lettres de noblesse au vaudeville est régulièrement à l’affiche depuis cent-trente ans.
Cette pièce a été reprise en 1985 pour son centenaire avec Pierre Arditi dans le rôle de Moulineaux, puis en 1993 avec Jean-Paul Belmondo.
Le parti pris de cette nouvelle adaptation est de s’en être tenu au plus près de la version écrite par Jean Poiret. L’esprit de Poiret y apporte une réelle modernité. Modernité dans laquelle se sont engouffrés avec une évidente gourmandise les huit comédiens qui la portent aujourd’hui. Transcendée par la complicité de ses protagonistes, la mécanique de la pièce bénéficie d’un rythme incroyablement soutenu. Les situations, peu crédibles si l’on se montre un tantinet cartésien, s’enchaînent sans aucun temps mort. Si bien qu’on laisse immédiatement de côté toute velléité de pinaillage pour ne profiter que du jeu des comédiens. Quiproquos farfelus, dialogues décalés, apartés savoureux, rebondissements saugrenus… on ne nous laisse aucun répit.

La pièce repose totalement sur les épaules d’un José Paul au summum de la maîtrise de la discipline si millimétrée du boulevard. On a très vite une certitude : les mânes de Jean Poiret ont pris possession de son corps. Le mimétisme, confondant, est tout à fait réjouissant. C’est fin, subtil, et totalement assumé. Un bel hommage direct à ce remarquable auteur et adaptateur.
José Paul qui, au passage, porte fort bien l’habit, ne ménage pas sa peine. Il est de toutes les scènes, se dépensant sans compter, mais jamais dans l’excès. Il est toujours juste. Il est parfait dans ce rôle d’insecte empêtré dans la toile qu’il a lui-même tissée. Stakhanoviste de la mauvaise foi, il empile les mensonges comme un enfant emboîte candidement ses Légos sans pouvoir maîtriser une seule étape de la construction qu’il est en train d’ériger et sans savoir à quoi ça va ressembler au final. En fait, il pose ses briques avec acharnement sur des sables qu’il sait mouvants. Plus il s’agite, plus il s’enfonce.


José Paul peut se donner à fond dans cette débauche d’énergie aussi morale que physique parce qu’il sait pouvoir compter sur une sacrée bandes d’acolytes. L’investissement de chacun et chacune est tellement bien huilé que cela donne un effet de troupe.
Les trois autres personnages masculins sont véritablement épatants. On ne présente plus Sébastien Castro. Il est à Moulineaux ce que le bout de scotch est au capitaine Haddock : impossible de s’en débarrasser. Sébastien Castro excelle dans ces personnages de loser sympathique, craintif et veule, manipulable, avec toutefois juste ce qu’il faut de malice pour surnager. Tel un bouchon dans un torrent, il est balloté, il flotte tant bien que mal, mais il ne coule jamais… J’ai adoré le jeu de Philippe Uchan. Quelle palette ! En effet, son personnage doit passer par tant de nuances. Il est tour à tour arrogant, suffisant, pédant, macho, balourd, mais tout aussi inquiet, lâche, crédule, volage. Son éventail de postures et de mimiques, d’une précision chirurgicale, est entièrement au service de la pièce et de ses partenaires… Guilhem Pellegrin incarne lui l’archétype du majordome de comédie. Il se mêle de tout, il ne veut comprendre que ce qui l’arrange, il possède une haute opinion de lui-même et, en même temps, il est totalement dévoué à son maître. Une très jolie prestation.

Quant aux femmes, emmenées par une tonitruante et haute en couleurs Véronique Barrault, elles tirent fort bien leur épingle du jeu. Il est vrai que Georges Feydeau soignait plus particulièrement ses personnages masculins au détriment, souvent, de la gent féminine (surtout dans ses premières pièces. Mais Caroline Maillard, en épouse docile et malgré tout ce qu’elle a subir, si peu velléitaire, Florence Maury en bourgeoise coquine et un peu nunuche, et Maud Le Guénédal en femme libérée sont des rouages indispensables pour que la pièce fonctionne parfaitement car ce sont elles qui sont les causes de ce dérèglement et les instigatrices de multiples rebondissements.
Et puis, j’ai failli oublier de souligner la beauté des costumes. Il est très agréable de voir évoluer des comédiens aussi bien mis.
Enfin, la mise en scène efficace d’Agnès Boury imprime cette cadence ultra moderne qui offre à ce Tailleur pour dames plus que centenaire un très agréable bain de jouvence.


Gilbert « Critikator » Jouin

mardi 9 juin 2015

Fraissinet

L’Européen
5, rue Biot
75017 Paris
Tel : 01 43 87 97 13
Métro : Place de Clichy

Petite piqûre de rappel : si vous voulez vivre un grand moment de belle et bonne chanson française, ne manquez pour rien au monde le concert que va donner Fraissinet à l’Européen ce jeudi 11 juin à 20 heures.
Ce garçon au charisme indéniable chez qui le dynamisme le plus effervescent se le dispute à la sensibilité à fleur de peau est – même si le mot est galvaudé, mais il le qualifie hautement –une authentique bête de scène. Ses chansons, remarquablement écrites et mises en musique sont de véritables petites saynètes qu’il interprète avec la fougue et l’investissement d’un comédien.
Il ne faut pas passer à côté d’un tel talent. Fraissinet perpétue la grande tradition des auteurs-compositeurs-interprètes généreux et habités.

Je n’ai rien à gagner dans cette histoire. Je ne l’ai jamais rencontré. Je sais que je vais vivre jeudi soir un moment rare et je tiens simplement à vous le faire partager...

lundi 8 juin 2015

Grégoire "Poésies de notre enfance"

PlayOn / My Major Company / Warner Music


Très sensibilisé par sa paternité et soucieux de transmettre à sa progéniture et à celle des autres son goût pour la poésie et les jolis textes, Grégoire s’est offert une parenthèse « enfantée » le temps d’un album. La tâche, ambitieuse, n’était pas aisée. D’autant qu’elle confinait à l’exercice de style.
Il lui a d’abord fallu se livrer à un gros travail de sélection. Pas évident de retenir une vingtaine de textes pour les mettre ensuite en musique et les interpréter en sachant à quel public ils étaient destinés. Bien sûr, le vivier le plus évident dans lequel il a pu pêcher était constitué par l’œuvre de Jean de La Fontaine. Le célèbre fabuliste se taille la part du lion avec un tiers des chansons, 6 sur 19 pour être précis. Ensuite, l’astuce était d’aller chercher des raretés du côté d’auteurs moins évidents et moins connus. Ce parti pris, totalement subjectif au vu de la richesse de notre patrimoine, lui a permis de favoriser les ruptures. On passe ainsi de récits archi connus que l’on écoute comme des standards à des textes qui attirent notre attention parce que, pour la plupart, on les découvre ou on les a totalement oubliés.


Ce qui est particulièrement réussi dans cet album-concept ludique et didactique à la fois, ce sont les arrangements. Volontairement sobres pour favoriser l’écoute et la compréhension, ils mettent en évidence des instruments moins usités comme la harpe (très souvent), le piano bastringue, la boîte à musique le cor, le banjo, le hautbois ou la clarinette. Ce choix délibéré génère un climat empreint de douceur et de tendresse. Cette discrétion, permet aussi à l’interprète, de poser sa voix très en avant et de privilégier ainsi la diction et les différentes intonations. Il y a presque un jeu d’acteur là-dedans. Grégoire se pose et se propose ici en chanteur-conteur.

Poésies de notre enfance contient de véritables petits bijoux (et oui, si j’ai mis un « x » au pluriel de bijou, c’est grâce à la chanson Le Hibou). Les titres sont brefs, ne donnant pas ainsi aux jeunes auditeurs de temps de décrocher. Leur concision priorise la qualité d’écoute.
J’ai donc essayé de me mettre dans la tête d’un bambin de cinq-six ans et d’écouter ces poèmes mis en musique avec une totale faculté d’intérêt et d’émerveillement.
Sachant que tout m’a plu, mon hit-parade personnel s’établit ainsi :
1/ La Girafe
2/ Les points sur les i
3/ Ponctuation
4/ Litanie des écoliers
5/ Lorsque ma sœur et moi
6/ Liberté
7/ La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf
8/ Le laboureur et ses enfants
9/ Le corbeau et le renard


Il est vrai que des titres comme La Girafe ou Litanie des écoliers attirent immédiatement l’attention parce qu’ils sont sautillants, joyeux, allègres, primesautiers.
En revanche, le texte de Un matin, saupoudré de mots un peu plus difficiles, m’a semblé un peu plus ardu à comprendre pour nos chères têtes blondes, brunes ou rousses.

Enfin, et c’est mon seul petit reproche, le non prononciation du « s » de « plus » dans Pour ma mère, peut entraîner un méprise dans la compréhension de ce poème. On peut l’appréhender de façon négative alors qu’il adresse une superbe déclaration d’amour…

vendredi 5 juin 2015

My Summer Love

EBmusique

Disponible en téléchargement sur Itunes international et sur Muzicenter


Il est fort rare que je me balade sur la Toile à l’affût de quelque(s) nouveauté(s) or, en début de semaine, je suis tombé sur un titre qui m’a enchanté les trompes d’Eustache. Ça s’appelle My Summer Love et, comme son titre l’indique, il réhabilite la bonne vieille tradition du slow d’été. J’ai d’abord été happé par cette ambiance délicieusement sensuelle, puis par deux voix chaudes et langoureuses. L’interprétation pleine de lascivité de Nelson Pagé et Sue Cassidy de ce titre au texte explicite est une véritable invitation à l’amour. Son climat plutôt torride et ses paroles sont en quelque sorte la synthèse de Pour le plaisir d’Herbert Léonard et de Je t’aime moi non plus de Serge Gainsbourg.

A écouter, de préférence à deux, dans une ambiance fraîche, tamisée et, surtout, intime. Je pense que c’est dans ces conditions de total abandon qu’il doit se savourer.