samedi 26 septembre 2015

Irma la Douce

Théâtre de la Porte Saint-Martin
18, boulevard Saint-Martin
75010 Paris
Tel : 01 42 08 00 32
Métro : Strasbourg Saint-Denis

Comédie musicale d’Alexandre Breffort
Musiques de Marguerite Monnot
Arrangements de Gérard Daguerre
Mise en scène de Nicolas Briançon
Direction musicale de Vincent Heden
Costumes de Michel Dussarat
Décors de Jacques Gabel
Lumières de Gaëlle de Malglaive
Chorégraphies de Karine Orts
Avec Lorànt Deutsch (Nestor), Marie-Julie Baup (Irma), Nicole Croisille, Andy Cocq, Olivier Claverie, Fabrice de La Villehervé, Jacques Fontanel, Valentin Fruitier, Laurent Paolini, Claire Pérot, Bryan Polach, Pierre Reggiani, Loris Verrecchia, Philippe Vieux

L’histoire : Nestor, un titi parisien dans toute sa splendeur, tombe fou amoureux de sa protégée, Irma. Rongé par la jalousie de savoir sa douce en galante compagnie chaque nuit, Nestor va utiliser tous les stratagèmes pour qu’Irma ne soit plus qu’à lui et rien qu’à lui, peu importe la prix à payer…

Mon avis : Pas facile de reprendre Irma la Douce presque soixante après sa création (elle est restée quatre ans à l’affiche), pas facile pour Marie-Julie Baup et Lorànt Deutsch de succéder à Colette Renard et Michel Roux… En effet, les plus anciens d’entre nous ont toujours en tête les interprétations gouailleuses et habitées de Colette Renard.
Pour ce qui est de Marie-Julie, elle s’en sort haut-la-main parce qu’elle est restée tout simplement elle-même. Elle crée ainsi une autre Irma, tout aussi attachante, voire un tantinet plus policée ; peut-être plus sensible aussi… Quant à Lorànt, il est irréprochable en Nestor Le Fripé. Il apporte au marlou enamouré sa tchatche de titi parisien et autant de légèreté que de profondeur… En tout cas, le couple Irma-Nestor fonctionne à ravir.

Cette comédie musicale, avec musiciens en live (piano à bretelles en tête), est très visuelle. Elle véhicule le charme un peu désuet du Paris du début du vingtième siècle, du Paris des Halles avec sa faune haute en couleurs composée de souteneurs en costard croisé, galure mou, limace et étrangleuse, et de michetonneuses aguichantes. Eh oui, dans Irma la Douce, on jacte l’argot de Pantruche ! Ce qui ajoute encore au « charme désuet » que j’évoque un  peu plus haut.

La pièce se divise en deux parties très distinctes. La première est intimiste. Elle se déroule dans un petit périmètre entre le bar de nuit de Maman (Nicole Croisille) et la chambrette de Nestor transformée en nid d’amour pour nos deux tourtereaux. C’est la vie de quartier. Les macs tapent le carton en s’envoyant des vannes pendant que leurs tapins sont au turbin pour leur ramener l’artiche. C’est un climat plutôt bon enfant, idéalisé, enjolivé, à cent lieues de ce que devait être la réalité (surtout pour les filles). Cette première partie nous permet d'abord de préciser les caractères d’Irma et de Nestor. Irma, c’est une poulbote. Elle vient de la rue, elle y travaille. Même si elle ne se laisse pas marcher sur les pieds, même si elle est la meilleure gagneuse du quartier (les caves – les clients – font la queue devant sa porte), elle a gardé une certaine candeur, une vraie ingénuité. C’est une femme-enfant. En dépit de son « métier », elle a su garder une âme pure. Raison pour laquelle, elle est tout à fait prédisposée à vivre une histoire d’amour absolument romantique.
Las, cette jolie histoire va se gâter à cause de la jalousie maladive de Nestor qui va inventer un stratagème complètement tordu pour se réserver à lui seul les faveurs de sa belle. Stratagème qui va, évidemment, se retourner contre lui et qui va le plonger dans les affres d’un drame surréaliste.

La deuxième partie, elle, est un joyeux fourre-tout. Après un procès carrément burlesque (c’est le moment le plus hilarant du spectacle), imaginez qu’on voit arriver sur scène des bagnards, une pirogue, des palmiers, des bons sauvages et même… des vahinés ! On est loin du (bas) ventre de Paris… C’est un grand n’importe quoi qui se termine en apothéose avec une savoureuse parodie de la Nativité.


Avec ses deux actes si dissemblables, cette pièce laisse une impression bizarre. Il y a de l’émotion (souvent), du rire (beaucoup), de superbes tableaux. Les personnages sont attachants et pour le moins pittoresques. Mais l’aspect suranné l’emporte. On a l’impression de sucer un bonbon à la naphtaline… La mise en scène, inventive et punchy de Nicolas Briençon n’y est pour rien. C’est le livret – donc l’histoire – qui est comme ça. La tragi-comédie très humaine du premier acte se métamorphose en farce bigarrée après l’entracte. Pas évident à gérer.

Ce spectacle mérite néanmoins une note supérieure à la moyenne. Le choix du couple Baup/Deutsch est un pari gagné. La présence de Nicole Croisille, avec sa dégaine de dame qui a tout vu et qui est revenue de tout mais qui déborde encore d’amour pour ceux de son monde interlope, avec ses commentaires savoureux, épicés, et hauts en images, est une valeur ajoutée. Il y a de jolies trouvailles en matière d’effets spéciaux (particulièrement la scène du miroir) et de bons numéros de music-hall. La scène du tribunal avec président halluciné, avocat de la défense zézayant et procureur condescendant est un grand moment de délire…
En conclusion, il faut aborder ce spectacle avec bienveillance. D’abord parce qu’on devine tout le travail accompli en amont pour obtenir un aussi bon résultat. Ensuite, il faut applaudir la performance artistique de Marie-Julie Baup, absolument épatante et émouvante et saluer la prestation de Lorànt Deutsch qui s’en sort plutôt pas mal en poussant la chansonnette.
J’ai également apprécié la qualité des textes des chansons aux rimes (très) riches et leurs mélodies que je me suis surpris à fredonner encore deux jours plus tard…


Gilbert « Critikator » Jouin

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