mercredi 13 juillet 2016

Krooner on the Rocks

Théâtre du Gymnase
38, boulevard de Bonne Nouvelle
75010 Paris
Tel : 01 42 46 79 79
Métro : Bonne Nouvelle

Les mardis et mercredis à 20 h 00

Conçu et mis en scène par Lucy Harrison

Avec Lucy Harrison et Fabrice Banderra accompagnés au piano par Richard Poher ou Raphaël Bancou (en alternance)

L’histoire : Elle, lui, deux célibataires, opposés en tout, voisins de palier, chacun chez soi.
Inscrits sur un site de rencontre, ils décrochent un rendez-vous…
Une terrible surprise les attend : leur rendez-vous s’avère être l’un avec l’autre… Etonnant ?

Mon avis : Ce spectacle est vraiment sympa. Il fait du bien aux yeux, aux oreilles et même, au cœur… L’idée de départ est toute simple : mettre en présence deux individus diamétralement opposés. Tout sépare en effet « Tony 75 » et « Ruth 66 » (ce sont les pseudos qu’ils se sont choisis pour échanger sur un site de rencontres entre célibataires). L’astuce imaginée par Lucy Harrison, l’auteure et metteuse en scène, c’est de nous les montrer dès le départ, en parallèle, chacun dans son univers, sur une scène partagée en deux car ils sont voisins.
« Tony » vit dans un appartement tout blanc. Il joue aux échecs, boit du whisky et lit Vogue. Il est élégant, raffiné mais avec beaucoup de malice dans l’œil. Il n’a pas encore réussi à couper le cordon avec sa maman… « Ruth », elle, évolue dans un décor en rouge vif et noir. Elle boit de la vodka et lit un magazine à la gloire d’ACDC. Elle est totalement cash et libre… Il est smoking, elle est blouson de cuir… Mais le domaine où ils sont le plus en opposition, c’est la musique. Lui, c’est le crooner. Il aime Tony Bennett, Frank Sinatra, Nat King Cole et Dean Martin… Elle, elle s’inscrit dans la lignée des Janis Joplin, Dolly Parton, Tina Turner et Amy Winehouse… Bref, il est soft et elle est hard, il est bluette, elle est bluesy.


Bien sûr, ils ne se supportent pas. C’est vrai qu’ils n’ont rien en commun. Les voir évoluer chez eux ne fait qu’amplifier leur antagonisme. Et ça nous amuse énormément. Lucy Harrison est impressionnante en tout. Elle porte des tenues pour le moins pittoresques (celle avec laquelle elle se présente sur scène pourrait être qualifiée de « crâneuse », vous comprendrez en la voyant), elle est désinhibée, elle assume ses rondeurs, pratique l’autodérision, elle ignore la langue de bois. Et, surtout, elle possède une voix incroyable ; puissante, éraillée tout en étant nuancée. Elle a une telle maîtrise vocale, et dans tous les registres, que ça lui laisse beaucoup d’espace pour jouer la comédie. Même si on n’excelle pas en anglais, grâce à ses mimiques et à sa gestuelle, on comprend tout ce qu’elle veut faire passer dans ses chansons.
Fabrice Banderra, comédien subtil, nous propose une composition parfaite en contrepoint avec sa partenaire sur-vitaminée. Il est plus dans la sobriété, la retenue, mais avec, en permanence, cette pointe d’humour british qui nous ravit tant dans les grandes comédies romantiques américaines.


On passe un très bon moment dans cette petite salle agréable du Gymnase. On n’entend que des tubes et des grands standards. Qu’ils chantent seuls ou en duo, c’est tout le temps un véritable régal. Personnellement, j’ai entendu hier la meilleure version de Walk On The Wild Side, de Lou Reed ; l’humour et l’émotion s’y confondent pendant trois minutes d’une grâce totale… Et puis, il y a l’histoire. Krooner on the Rocks est construit comme une dramatique. La tension ne fait que monter. Chaque tableau est conçu pour nous amener à la grande scène finale : LA rencontre. C’est qu’on l’attend, cette rencontre !
Voici un spectacle qui fait du bien. C’est frais, joyeux, optimiste. On en sort tout revigoré, la banane au coin des lèvres, avec une vague sensation de « trop court ». C’est tellement bien joué et chanté, qu’on en voudrait encore un peu plus. C’est un bon signe, non ?


Gilbert « Critikator » Jouin

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