mercredi 30 novembre 2016

L'Amour d'écrire en direct

Ciné 13 Théâtre
1, avenue Junot
750018 Paris
Réservations : lamourdecrirendirect@gmail.com / 06 82 38 63 51
Métro : Lamarck-Caulaincourt

Mardi 6 décembre à 20 h 30
Tarifs : 13 € et 10 €
(Prendre soin de vous munir d’un petit objet ni lourd, ni cher, ni encombrant)

Spectacle interactif conçu et animé par Marc-Michel Georges


Le 11 octobre dernier, un ami m’a invité à découvrir au Ciné 13 Théâtre un concept original intitulé L’Amour d’écrire en direct. Sans en savoir plus, mais intrigué par ce titre pour le moins énigmatique, je me suis rendu sur les hauteurs de Montmartre… Bien m’en a pris car, pendant deux heures, j’ai vécu une expérience unique, originale, conviviale, ludique et enrichissante. Tous les spectateurs réunis dans cette confortable bonbonnière qu’est le Ciné 13 Théâtre sont des passionnés, des amoureux des mots.
Sous-titré « Quand l’écriture devient un spectacle », ce divertissement aussi amusant qu’intelligent, nous plonge au sein même de la création… et de la créativité. Etant participatif, le spectacle est presque autant dans la salle que sur la scène.

Marc-Michel Georges
A partir d’un tirage au sort parmi les objets que les spectateurs ont apporté, des auteurs-comédiens doivent imaginer une histoire et venir l’interpréter. C’est un petit bonheur de diversité car chacun des impétrants possède un univers et un jeu qui lui sont propres. En plus de ces saynètes improvisées, des artistes se succèdent, chanteurs, conteurs, auteurs de théâtre… J’ai été particulièrement bluffé par la prestation d’un Hervé Vilard inattendu dans un rôle de comédien-récitant. Même si je le savais épris de littérature et de théâtre, sa performance m’a emballé.
Bref, on ne s’ennuie pas une seconde pendant ces deux heures durant lesquelles le verbe est roi.



Je ne peux donc que vous inciter à aller à votre tour découvrir ce spectacle enthousiasmant animé de main de maître par Marc-Michel Georges. Sa prochaine édition aura lieu le mardi 6 décembre. Parmi les artistes invités, je vous recommande tout particulièrement ce remarquable chanteur vibrant et habité qu’est Fraissinet. J’ai assisté à plusieurs de ses tours de chant et je puis vous dire que c’est du très, très haut niveau. A noter également la présence de la facétieuse et impertinente Lauréline Kuntz. Je ne connais pas ces autres participants que sont Dom Paulin et Virginie de Caussade, mais s’ils ont été retenus c’est qu’ils ont de la personnalité… Et puis je crois savoir qu’Hervé Vilard sera encore de la partie…

mardi 29 novembre 2016

Le Nez Rouge (bateau-théâtre)


Le Nez Rouge
Bateau-théâtre amarré face au 13 quai de l’Oise
Bassin de la Villette
75019 Paris
Réservations : lenezrouge.com
Métro : Crimée / Ourcq




Gérald Dahan vient de réaliser un de ses plus vieux rêves en acquérant sa propre salle de spectacle. Mais, comme il ne fait rien comme tout le monde, il a choisi un endroit moins convenu, moins classique, puisqu’il s’agit en effet d’un… bateau-théâtre baptisé Le Nez Rouge ! Avec les projets qu’il ne cesse de construire, avec les idées foisonnantes qui bouillonnent dans sa tête, il fallait bien qu’un jour son cirque amarre. Quoi de mieux qu’une péniche totalement consacrée au spectacle pour attirer le chaland, voguer vers le succès, et faire de ce cours d’eau un canal « plus » ? Plus de rire(s), plus de chansons, plus de comédie, plus de fête...


Improvisé capitaine, Gérald Dahan a tenu à faire les choses en grand. Pour effectuer le lancement de son embarcation immobile, il a créé rien moins qu’un festival. Un festival qui va s’étaler du 1er au 31 décembre avec deux représentations par jour. 105 artistes en tout vont fouler cette nouvelle scène. Du jamais vu !
Le programme est aussi varié qu’éclectique. Humour, chansons, théâtre, vont s’y succéder. Les artistes en herbe (les moussaillons) vont y croiser des navigateurs au long cours. Impossible de citer tous ces gens qui vont nous embarquer dans leur univers pour nous amuser, nous enchanter et nous faire rêver.


Après ce festival d’un mois, de nombreux artistes viendront en résidence sur Le Nez Rouge pour y présenter leur spectacle, leur one man show, leur tour de chant, leurs tours de magie, bref, tout ce que la narine marchande ! Toujours entouré de ses camarades si mutins, jamais seul maître à bord, Gérald Dahan profitera néanmoins de ce nouvel espace pour nous présenter dès le 12 janvier 2017 son tout nouveau spectacle, « Dahan présidents ». C’est tellement bon parfois de se laisser mener en bateau…

Tournée Age tendre

Tournée des Zénith

Spectacle produit par Christophe Dechavanne et Coyote Live
Direction musicale et arrangements de Guy Matteoni
Mise en scène de Stéphane Jarny
Présenté par Cyril Féraud
Parrain d’honneur : Jacques Revaux


Avec Gérard Lenorman, Sheila, Hugues Aufray, Les Rubettes, Linda de Suza, Marcel Amont, Isabelle Aubret, Pascal Danel, Au Bonheur des Dames, Christian Delagrange

Mon avis : Comme l’avait annoncé Christophe Dechavanne, le spectacle offert par la tournée « Age tendre » est une grande fête. Grâce à des artistes qui jouent le jeu à fond, nous assistons à un beau moment de music-hall. Tout est d’ailleurs mis à leur disposition pour qu’ils se sentent bien : joli décor concocté par la talentueuse Stéphanie Jarre, lumières à la fois chaudes et punchy, excellent orchestre, arrangements somptueux, choristes parfaites, présentation chaleureuse et complice de Cyril Féraud… Le public, venu en grand nombre retrouver quelques unes de ses idoles, prompt à s’enthousiasmer, vit assurément une parenthèse enchantée pleine de bonheur, de joie de vivre et de partage.

Photo : Raphaël Bloch
La générosité des artistes se met au diapason de la ferveur qui les accueille. La plupart d’entre eux ont systématiquement droit à une standing ovation à la fin de leur prestation. Il leur est même parfois inutile de chanter puisque leurs ouailles (car il s’agit d’une grand messe) entonnent les plus célèbres de leurs tubes à leur place. Le spectacle est d’ailleurs autant sur la scène que dans la salle.

Hugues Aufray. Photo : Raphaël Bloch
 Les univers des artistes en présence sont si personnels, si différents, si marqués, que cela nous offre un show aux ambiances et aux couleurs très variées. C’est vraiment un grand spectacle de Variétés. Les séquences romantiques, tendres, nostalgiques (Hugues Aufray, Isabelle Aubret, Christian Delagrange, Pascal Danel) se mêlent aux chansons joyeuses et entraînantes (Marcel Amont, Linda de Suza). Sheila avec son disco et ses danseurs, Au Bonheur des Dames, les Rubettes mettent littéralement le feu. Et Gérard Lenorman vient clôturer le show de quelques uns de ses plus grands succès avec, en point d’orgue, sa fameuse Ballade qui rend les gens si heureux.

mercredi 23 novembre 2016

Le Comte de Bouderbala 2

Gymnase Marie-Bell
38, boulevard de Bonne Nouvelle
75010 Paris
Tel : 01 42 46 79 79
Métro : Bonne Nouvelle

Seul en scène écrit et interprété par Sami Ameziane

Présentation : Après avoir présenté pendant huit ans son premier spectacle à Paris et dans toute la France, Le Comte de Bouderbala revient avec son second spectacle.

Mon avis : Sami Ameziane ouvre (enfin) le très attendu tome 2 de son picaresque Livre de Comte (définition de « picaresque » : œuvre dont le héros traverse toute une série d’aventures qui sont pour lui l’occasion de contester l’ordre social)…
Ce deuxième opus est, dans la lignée du précédent, un volet de bois vert. Fidèle à lui-même, notre Comte se complaît à poser son regard malicieux sur toutes ces petites choses qui dysfonctionnent dans notre monde. Il faut dire qu’il ne manque pas de matière. Depuis son premier spectacle, il s’est en effet écoulé presque neuf ans. Même s’il a conservé quelques thèmes qui lui sont constants (étude de textes de rappeurs, les Etats-Unis, les Roms…), ces dernières années ont été tellement riches en événements en tous genres, qu’il a eu de la matière où puiser ses indignations, ses taquineries, ses brocards.


Arpentant la scène du Gymnase de long en large, ne s’arrêtant que pour nous prendre à témoin ou pour jeter son dévolu sur un spectateur, il se livre à un exercice où il excelle, le stand-up à l’américaine. C'est-à-dire qu’il ne nous laisse aucun répit, qu’il enchaîne les sujets sans aucun temps mort (on n’est pas dans un match de basket !). Sami Ameziane est un fin observateur de notre société. Il en possède une vision très personnelle qu’il traduit sur scène avec un mélange détonnant de sarcasme et de sagacité.
Né à Saint-Denis de parents algériens, il sait évidemment qu’on attend de lui sa position sur le djihadisme et les attentats. Du coup, il est pratiquement obligé de commencer son spectacle avec ça. S’appuyant énormément sur l’autodérision il explique, à grand renfort d’images savoureuses, ce que c’est que d’être Musulman en France aujourd’hui. Sa façon très décalée d’aborder la tragédie des terrasses et, surtout, leur épilogue avec l’opération policière à Saint-Denis du 18 novembre, est très habile. Et très drôle. Son évocation du comportement du « héros » de cette fameuse nuit, l’affligeant Jawad Bendaoud, est à hurler de rire.


Cette page tournée, il revient à des choses plus légères… S’appuyant sur des extraits audio, il fustige les lacunes grammaticales des rappeurs ; là où le Booba blesse ! Puis il élargit le débat avec la chanson française en général… Ensuite, il parle pêle-mêle des élections américaines, de la famille, du célibat, des sites de rencontre, de l’homosexualité avec son corollaire le mariage gay, les cyclistes, la crise, les braquages, les réfugiés, la police… Sami ratisse large. Visiblement, tout l’intéresse. S’il a souvent la dent dure, jamais il ne se montre gratuitement méchant ni agressif. Il a plus l’humour sale gosse que bon enfant. En même temps, il se dégage de ses propos beaucoup de vérités, d’évidences. Il ne parle pas pour ne rien dire. Il critique, il dénonce, mais toujours sur le ton de la vanne, ce qui le rend foncièrement sympathique.

Ses spectacles s’apparentent aux formidables « Rubriques à brac » du divin Gotlib car il sait être dans la caricature joviale tout en dénonçant travers, défauts et turpitudes. Il provoque ainsi un rire à la fois complice et libérateur. Comme quoi, les bons comtes font les bons Sami. Et réciproquement…


Gilbert « Critikator » Jouin

mercredi 16 novembre 2016

Guillaume Bats "Hors cadre !"

Théâtre Trévise
14, rue de Trévise
75009 Paris
Tel : 01 45 25 35 45
Métro : Cadet / Bonne Nouvelle / Grands Boulevards

Le mardi à 21 h 30 jusqu’au 27 décembre

Ecrit et mis en scène par Guillaume Bats et Jérémy Ferrari

Présentation : Venez voir Guillaume Bats pour :
-          Ne plus avoir peur de lui
-          Perdre vos idées reçues sur le handicap
-          Découvrir quelques techniques pour choper des nanas en leur faisant pitié
-          Avoir honte de rire avec lui
Guillaume Bats est touchant, irrévérencieux, explosif et repousse vos limites et celles de l’humour…

Mon avis : Au bout d’un quart d’heure de spectacle, je ne voyais plus sur scène un handicapé mais un humoriste accompli !
Ne tombant jamais dans le pathos, au contraire, Guillaume Bats porte l’autodérision à son plus haut niveau. Son seul en scène est un véritable hymne à la vie, une formidable leçon de courage. Mais c’est aussi un grand moment de rires partagés car le jeune homme est une machine à vannes à haut rendement. Ça n’arrête pas une seconde ! Dans cela, dans ce rythme soutenu, dans ce ton à la fois désinvolte et terriblement acide, on reconnaît la patte de Jérémy Ferrari. Leur association est d’une redoutable efficacité.


Dès son entrée en scène, Guillaume ne se cache pas derrière son petit doigt. Il nous dit, ne nous épargne rien. Avec le cynisme d’un bouilleur de cru se réjouissant à l’avance des cirrhoses qu’il va provoquer, il nous distille un humour noir particulièrement corsé. L’œil rigolard, le sourire (forcément) en coin, il nous raconte sa vie de handicapé en l’émaillant d’anecdotes et de digressions savoureuses. Il n’élude rien : son enfance, l’abandon, les familles d’accueil, ses études, la recherche d’emploi, les cours de théâtre, la drague, la sexualité, la religion, l’homophobie, le mariage pour tous, les dommages collatéraux des attentats… La seule fois où il semble se laisser aller à un peu d’émotion, il ponctue ce moment d’une pirouette dévastatrice. C’est plus fort que lui, il ne veut pas que l’on s’apitoie sur son sort.


Sa façon de nous décrire les situations, le plus souvent navrantes, cruelles ou révoltantes, que son handicap a engendrées, déclenche paradoxalement chez nous un rire libérateur qui nous désinhibe et efface le sentiment de gêne que l’on pourrait éprouver. Plus il nous secoue, plus il nous nargue, plus il nous provoque, et plus on rit. Excellent comédien, il installe entre son public et lui une aimable connivence ; une passerelle sur laquelle l’amour circule dans les deux sens. Il se nourrit visiblement de cette affection, de nos rires et de nos bravos pour consolider son fragile squelette de verre. C’est son réconfort, sa récompense, son collagène…

Gilbert « Critikator » Jouin

lundi 14 novembre 2016

Iris

Un film de Jalil Lespert
Scénario et adaptation de Jalil Lespert et Jérémie Guez

Avec Romain Duris (Max Lopez), Charlotte Le Bon (Claudia), Jalil Lespert (Antoine Doriot), Camille Cottin (Nathalie Vasseur), Adel Bencherif (Malek Ziani), Sophie Verbeeck (Nina Lopez)...

Sortie le 16 novembre 2016

L’histoire : Iris, la femme d’Antoine Doriot, un riche banquier, disparaît en plein Paris. Max, un jeune mécanicien endetté, pourrait bien être lié à son enlèvement. Mais les enquêteurs sont encore loin d’imaginer la vérité sur l’affaire qui se déroule sous leurs yeux…

Mon avis : Après Yves Saint Laurent, Jalil Lespert reste dans le domaine de la haute couture mais, cette fois, dans le registre du thriller. Non seulement le scénario d’Iris, c’est du cousu main, mais il nous livre une marchandise de luxe au niveau de la photo, de la lumière et des décors, tous incroyablement léchés.


Iris, c’est surtout et avant tout une histoire. Une histoire qui nous prend aux tripes dès le début et qui ne nous lâche plus pendant 1 h 40. Climat angoissant, musique oppressante (elle contribue vraiment à rendre les sensations encore plus stressantes) et distribution impeccable… Le scénario, machiavélique à souhait, joue délicieusement avec nos nerfs. Lespert utilise très habilement le procédé du flashback pour nous permettre de revenir dans le bon chemin… avant de nous embarquer sur une nouvelle (fausse ?) piste. En clair, il nous balade tout le temps. Et c’est franchement très éprouvant.
C’est Hitchcock qui aurait réalisé un film sur un scénario bien tordu de Harlan Coben.


Ce film est d’une esthétique remarquable. La beauté des images va jusqu’à rendre le glauque sublime, à le magnifier. Il est vrai que l’on évolue dans un univers friqué dans lequel Antoine Doriot (Jalil Lespert), grand patron, est comme un poison dans l’eau. A travers lui, nous avons l’expression du pouvoir sulfureux de l’argent et du sexe, de l’argent sur le sexe…

Les acteurs sont véritablement épatants. Jalil Lespert campe un homme riche et puissant, habitué à ce qu’on lui obéisse. Apparemment, rien ni personne ne peut lui résister. C’est un animal à sang froid, un prédateur pragmatique et méprisant, un joueur d’échecs qui a toujours un coup d’avance sur ses éventuels adversaires. Malheur à qui veut l’affronter… Max Lopez (Romain Duris), est tout son contraire. C’est un besogneux, un revanchard à qui la vie n’a pas fait de cadeaux. Jouet d’une aventure qui le dépasse, il est d’abord comme un insecte pris dans une toile dont il ne soupçonne pas la dangerosité. Mais quand un homme comme lui, qui n’a pas grand-chose à perdre, se retrouve le dos au mur, il peut trouver des ressources inattendues… 


Quant à Charlotte Le Bon, avec le personnage de Claudia, elle a hérité d’un rôle aussi complexe que magnifique. Elle a, bien involontairement, l’art de semer le doute. Qui est-elle vraiment ? Manipulatrice ou victime ? Elle nous offre là une superbe composition. Fragile et forte, intense, la densité de son jeu lui fait franchir un palier. Elle n’est plus seulement une belle fille, elle devient sous la direction de Jalil Lespert un comédienne avec laquelle il va désormais falloir compter.
Il faut également mettre en exergue la prestation subtile de Camille Cottin en policière accrocheuse, un peu désabusée et fataliste, mais terriblement pugnace.


Gilbert « Critikator » Jouin

jeudi 10 novembre 2016

Les Epis Noirs "Flon Flon ou la véritable histoire de l'humanité"

Gaîté Montparnasse
26, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tel : 01 43 22 16 18
Métro : Gaîté / Edgar Quinet

Ecrit et composé par Pierre Lericq
Mis en scène par Manon Andersen et Pierre Lericq
Lumières de Véronique Claudel
Son de Philippe Moja

Avec Manon Andersen (pipeau, malle, voix), Svante Jaccobson (contrebasse), Marwen Kammarti (violon), Pierre Lericq (guitare, voix), Fabien Magni (guitare, accordéon), Lionel Sautet (accordéon, malle, voix)

Présentation : Dieu crée Boucieu-le-Roi. Il s’emmerde, alors il crée Manon, une Eve un peu cloche et en cloque d’Alexandre, pantin dégingandé, amoureux. Puis, Dieu crée le Mal (le mâle ?) et l’interprète lui-même.
Pierre, proxénète à Paris, vient visiter son frère Alexandre dans son village d’Ardèche. Il séduit sa femme, Manon, enceinte. Il l’enlève. Il la met sur le trottoir. Elle l’aime. Elle aime aussi son mari…

Mon avis : Groupe inclassable, Les Epis Noirs sont de retour sur leur scène fétiche, la Gaîté Montparnasse avec un spectacle parfaitement rôdé et particulièrement ambitieux puisqu’il a la prétention de nous raconter en une heure et demie l’histoire de l’Humanité… Heureusement pour nous, Pierre Lericq, auteur complètement mégalo (il se prend pour Dieu !) a le sens de l’ellipse. En effet, il nous fait passer en un éclair de la Genèse au 21ème siècle. En clair, mélangeant sans vergogne les mythologies, il nous transfère de l’Eden aux Champs Elysées ! Or, en dépit de ce saisissant raccourci, il parvient à nous brosser un portrait plutôt fidèle de notre humanité. Dans ce qu’elle a de pire d’abord, puis dans ce qu’elle peut générer de positif. De toute façon, comme Il est Dieu, Il peut tout se permettre !


Il est gratiné son Dieu. Pour ne pas dire diabolique. Comme il s’embête depuis l’ennui des temps, il décide de se métamorphoser en homme. Ou plutôt en mâle. Et comme ce n’est pas un bon Dieu, son mâle, possessif pervers et jaloux, se complaît à faire le mal tout autour de lui. Mais ce n’est pas très glorieux car ses deux créatures, Manon et Alexandre, sont de faibles proies. Manon est ce qu’on peut appeler avec un petit sourire entendu « une brave fille ». C’est une gourdasse, quoi ! Mais elle est vachement gentille. Elle a beau se faire exploiter, maltraiter, mépriser, elle ne sait rendre que de l’amour… Quant à Alexandre, il est lui aussi un naïf, un doux rêveur, un être inoffensif ; un bon gars, quoi !
Leur force d’inertie, toute involontaire qu’elle soit face au Mal, va finir par épuiser toutes les velléités de leur bourreau. C’est là la morale de l’histoire. L’amour reste plus fort que la haine.


Ça, c’est le synopsis. Après, il y a la narration. Et la forme présentée par Les Epis Noirs, le spectacle en lui-même, ne se raconte pas, il faut le voir et l’écouter. Ce sont des Epis phénomènes. Ils chantent, ils dansent, ils jouent de la musique. Paroles farfelues, gestuelle improbable, chorégraphies extravagantes, postures théâtrales, attitudes grotesques… Ils n’ont peur de rien, et surtout pas du ridicule.
Manon, une fois de plus est impayable. Faisant fi de toute féminité, elle assume son personnage avec une incroyable débauche d’énergie. Il faut la voir jouer de la malle. TrEPIdante, complètement habitée, son corps et ses yeux ne lui appartiennent plus, elle est comme en transes… Dans ce registre de la folie burlesque, elle est parfaitement épaulée par Lionel Sautet, qui incarne Alexandre. Véritable athlète, on a l’impression que ses membres sont indépendants. C’est un mélange de Buster Keaton et de Pierre Etaix avec la tête de Benoît Hamon. Il a une présence comique sidérante. Quelle vitalité !


Et puis il y a le deus ex machina, le démiurge, Pierre Lericq. Il tient avec un sérieux inébranlable son rôle de Dieu sans foi (eh oui, c’est un paradoxe qui donne à réfléchir) ni loi. C’est le méchant de l’histoire. Il n’a de bon que sa science divine du jeu de mot et la qualité de ses calembours. Et quelle voix ! J’ai été particulièrement touché par ses accents bréliens lorsque Dieu se lamente sur sa solitude. Un grand moment de chanson.
Mais des morceaux de bravoure, il y en a à la pelle dans ce spectacle où l’on passe du tableau le plus déjanté à une plage chargée de tendresse et d’émotion ; où l’on passe d’une ambiance slave ou celtique à une ballade empreinte de douceur. Ces arythmies sont la force de ce spectacle. On n’est pas tout le temps dans le délire. C’est comme dans la vie. Et puis, tout est conçu pour en arriver à un dénouement heureux qui ouvre grand son cœur à une humanité triomphante.

A ces trois hurluberlus précités, il faut ajouter les trois musiciens qui les accompagnent à la fois avec talent, complicité, humour et une pêche communicative.
Raison pour laquelle, venant une salle debout, conquise par tant de générosité, les applaudissements que les Epis quêtent n’explosent pas en vain…


Gilbert « Critikator » Jouin