lundi 1 mai 2017

De 7 à 77 ans

Le Funambule Montmartre
53, rue des Saules
75018 Paris
Tel : 01 42 23 88 83
Métro : Lamarck-Caulaincourt

Le lundi à 21 h 00 et le mardi à 19 h 30

Une pièce de Franck Buirod
Mise en scène par Vincent Demoury

Avec Franck Buirod (Franck, le petit-fils) et Denis Obitz (Denis, le grand-père)

L’histoire : Franck entretient depuis sa plus tendre enfance une relation épistolaire avec son grand-père Denis. Ce dernier aimerait bien que son unique petit-fils vienne lui rendre visite. C’est un jour chose faite, mais le choc des générations ne tarde pas à produire ses effets.
Franck est rivé à son téléphone portable et on s’imagine que le séjour va être un enfer pour les deux.
Le grand-père propose alors un deal à son petit-fils qu’il accepte :
Franck est privé de son téléphone une semaine… Ce séjour ne sera pas qu’une simple partie de pêche…

Mon avis : Voici une pièce qui nous rafraîchit l’âme tout en nous faisant chaud au cœur…
Son thème est des plus banals - les relations d’un grand-père avec son petit-fils – or, elle nous captive de bout en bout car, tout au long, nous sommes partie prenante. Ce que ces deux là vivent et nous font partager fait partie de l’histoire de chacun. Nous sommes tous concernés.


La pièce est habilement structurée. Elle commence par un échange de correspondances qui font tout doucement monter la pression ; nous avons de plus en plus hâte que ces deux personnages se rencontrent enfin. A travers leurs courriers, leurs personnalités, leurs caractères se dessinent et s’affirment. Si bien que l’on sait déjà que leur confrontation va inévitablement tourner à l’affrontement.
De 7 à 77 ans est une fable aussi initiatique que réaliste. En empruntant cette passerelle, qui enjambe volontairement une génération, celle des parents, le jeune Franck va entrer progressivement dans un autre monde : celui des adultes. Ce dont il n’a jamais parlé avec son père et son mère, il va se le permettre avec son grand-père. Tous les sujets, des plus badins aux plus graves sont abordés, le plus souvent avec humour car le papy se révèle être particulièrement truculent, épicurien et transgressif.
On assiste presque à un numéro de dressage. Franck est un jeune coq rebelle et rétif à toute forme d’autorité. Heureusement, il est doté d’une réelle curiosité et d’un vrai respect pour son aïeul. Si les échanges sont vifs, ils sont toujours emprunts de tendresse ; d’une tendresse qui n’apparaît qu’en filigrane car, comme c’est souvent le cas, elle est souvent tempérée par cette pudeur encombrante qu’ont la plupart des mecs.
Néanmoins, le vieux coq va tenter de faire l’éducation du jeune.


Auteur et acteur de cette pièce, Franck Buirod possède un sens de l’observation très aiguisé. Son écriture est moderne, vive, elle ne s’embarrasse pas de fioritures. Il va à l’essentiel. Ses dialogues son drôles, percutants et agrémentés de formules qui font mouche. Il réussit le tour de force de traiter en une heure et quart d’une kyrielle de sujets forts et légers : les réseaux sociaux, la femme (quel bel éloge !), l’amour, la sexualité, la vie de couple, l’alcool, la drogue, la dépendance…
Bref, le thème principal est la transmission. Denis va passer le témoin à Franck. Cela ne se fera pas sans heurts, mais la sagesse l’emportera. Il est ici question de l’héritage sous toutes ses formes. Les échanges sont cash, parfois crus, parfois émouvants avec quelques judicieuses digressions un tantinet métaphysiques (quel beau monologue du grand-père sur le temps qui passe !). On est véritablement happé.

Enfin, il faut insister sur la qualité de jeu des deux comédiens. C’est interprété avec tellement de spontanéité et de naturel qu’on ne se sent pas au théâtre. Nous sommes comme des petites souris témoins d’une longue discussion entre un grand-père et son petit-fils. Rien n’est gratuit, tout est sensé. Nous sommes dans la vraie vie.

Je n’ai que deux minuscules objections à formuler : il y a une petit longueur au début de la partie de pêche (on n’y mord pas tout de suite) et je trouve que le titre, De 7 à 77 ans, est un peu évasif. Il ne reflète pas vraiment la richesse et la profondeur de ce qui nous est donné à voir et à entendre.
En tout cas, aussi simple qu’efficace, elle mérite un franc(k) succès.

Gilbert « Critikator » Jouin