vendredi 6 octobre 2017

Les Jumeaux "On n'est pas là pour vendre des cravates"

L’Archipel
17, boulevard de Strasbourg
75010 Paris
Tel : 01 73 54 79 79
Métro : Strasbourg Saint-Denis

Spectacle écrit et interprété par Christopher et Steeven Demora
Mis en scène par Pascale Osterrieth

Présentation : Les Jumeaux ont une révélation à faire… En attendant, Dupont et Dupond infiltrent une mosquée, un lion devient végétarien, des mamies deviennent dealeuses, Steeven se lance dans le one man show et Christopher Nolan rencontre un Ch’ti à Dunkerque…
De son côté, Sarko se consacre entièrement à la carrière de Carla, ce qui lui laisse pas mal de temps libre…

Mon avis : Entre le délire complètement frappadingue du Gros Diamant du Prince Ludwig au Gymnase et le numéro de duettistes parfaitement abouti des Jumeaux hier soir à L’Archipel, mes zygomatiques, très sollicités, ont passé une excellente semaine.

Les Jumeaux, Steeven et Christopher, je les avais remarqués lors de leurs passages à l’émission On n’ demande qu’à en rire. Chacune de leurs apparitions – et elles avaient été légitimement nombreuses – m’avait séduit. Je n’avais pu hélas assister à leur premier spectacle. C’est donc avec beaucoup d’envie que je me suis rendu au théâtre de l’Archipel pour les découvrir enfin dans la longueur.
Très sincèrement, la réponse a largement répondu à mon entente. Leur prestation a été en tous points conforme à ce que j’attendais d’eux. Ils sont vraiment excellents. Dans tous les domaines. Leur écriture est précise, ciselée, efficace ; sans aucune scorie ou digression inutiles, elle va à l’essentiel. Avec un sens très aigu et un emploi judicieux de la (bonne) vanne, chaque phrase est conçue pour provoquer le rire… De plus, leurs sketches, déjà remarquablement troussés et construits, sont bonifiés par leur talent de comédiens. Très à l’aise avec leurs corps, rompus à l’exercice du mime, jouant à la perfection avec différents timbres de voix et avec les accents, ils peuvent se permettre de se lâcher sur la gestuelle et les mimiques. A l’instar de leurs textes, leur jeu est précis, alerte, et toujours infiniment drôle.

Photo : Kobayashi

Steeven et Christopher sont élégants, tant dans leurs costumes que dans leur attitude. Leur humour est fin, jamais vulgaire, jamais méchant. Gentiment iconoclastes, ils caricaturent, ils égratignent, ils balancent… Et puis, leur atout le plus important, celui qui fait paradoxalement leur singularité, c’est d’être deux. Et, qui plus est… jumeaux ! Ces deux-là font vraiment la paire. C’est fascinant de voir double sans avoir rien bu d’autres que leurs paroles. Dans « jumeau », il y a jeu de mots ; leur gémellité est propice au ping-pong verbal, aux effets miroirs, à une complicité sans faille. Et comme ce sont de vrais jumeaux, ils monogigotent en stéréo.

Leur spectacle, très visuel, contient une dizaine de sketches donnant lieu à autant de créations de personnages et de thématiques différentes. Distillés sans aucun temps mort, ils sont tous vraiment bons. Je serais bien en peine d’indiquer lequel m’a le plus plu. Ils sont tellement variés qu’on ne peut pas les comparer. Je citerai néanmoins la subtile dimension philosophique que contient le sketch sur les lions et le joli moment de poésie que nous offre Steeven faisant l’apologie de leur Nord natal.
Leur répartition des rôles est impeccable. Steeven est très à l’aise dans les personnages féminins, les incarnations animalières et les pitreries. Il est un peu l’Auguste, la fonction de clown blanc étant dévolue à Christopher qui, lui, est formidablement doué pour les imitations (tant vocales que physiques) ou pour endosser une personnalité (le metteur en scène de one man show, Christopher Nolan). Leur duo, parfaitement huilé, fonctionne admirablement.

Photo : Kobayashi

Tout au long de leur spectacle, sympathiques et bienveillants, Steeven et Christopher sont très proches des spectateurs. Ils les sollicitent, jettent leur dévolu sur le plus vieux et le plus jeune, les questionnent, les provoquent. Ces interventions, intelligemment menées, produisent quelques heureuses ruptures ; comme autant de joyeux petits moments récréatifs.

Si je ne veux rien révéler du contenu de leurs dix sketches, dont il faut souligner la qualité des chutes (ce qui est le plus difficile), pour vous en laisser découvrir tout le sel, je tiens quand même à mettre le dernier en exergue car il est leur plus personnel. C’est un sketch chanté dans lequel, s’accompagnant d’un ukulélé, ils évoquent avec plein d’humour et de tendresse le test de fraternité qu’ils ont passé sept mois auparavant. Ils ne pouvaient pas finir sur une meilleure note, confirmant en cela que pour bien faire l’humour, il faut être (au moins) deux.

Gilbert « Critikator » Jouin

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